REJET des pourvois formés par :
- X... Joëlle, épouse Y...,
- Z... Nathalie,
- A... Jean-Marc,
- B... Georges,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 4 mars 1988 qui les a renvoyés devant la cour d'assises de Paris composée conformément à l'article 698-6 du Code de procédure pénale sous l'accusation, X... et Z... d'assassinat, A... et B... de complicité d'assassinat et ce en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 191 du Code de procédure pénale, 593 de ce Code, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt ne précise pas que le président de la chambre d'accusation a été nommé conformément aux dispositions de l'article 191 du nouveau Code de procédure pénale ;
" alors qu'aux termes de ce texte, tel qu'il résulte des dispositions de l'article 12-1, immédiatement applicables, de la loi du 30 décembre 1987, le président de la chambre d'accusation est désigné par décret après avis du Conseil supérieur de la magistrature ; qu'en cas d'absence ou d'empêchement du président de la chambre d'accusation, le premier président désigne pour le remplacer à titre temporaire un autre président de chambre ou un conseiller ; qu'en l'espèce, les mentions de l'arrêt attaqué ne mettent pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que le président de la chambre d'accusation a été désigné conformément aux dispositions nouvelles du texte susvisé " ;
Attendu, d'une part, qu'il appert de l'arrêt attaqué que la chambre d'accusation était présidée par M. Henne, désigné en application de l'article 191 du Code de procédure pénale, que, d'autre part, il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale de la cour d'appel tenue le 14 décembre 1987, régulièrement versé aux débats, que ce magistrat a été chargé de présider la chambre d'accusation pendant l'année 1988 ;
Attendu qu'en cet état la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de ladite chambre d'accusation ;
Qu'en effet le magistrat désigné conformément aux dispositions de l'article 191 précité dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 1987 demeure qualifié pendant l'année en cours pour présider la chambre d'accusation jusqu'à la publication, non encore intervenue, du décret de désignation prévu par la loi nouvelle ;
Qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 156, 161 et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a omis de prononcer la nullité des opérations d'expertise effectuées par M. C... (pièce cotée D. 181), expert requis par M. E..., officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction ;
" alors que les magistrats instructeurs ne tiennent d'aucun texte la faculté de déléguer leurs pouvoirs en matière de désignation d'experts, et ne peuvent donner mission, à un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire, de procéder à cette désignation ; que, dès lors, la chambre d'accusation devait prononcer la nullité desdites opérations effectuées en violation des règles légales de l'expertise " ;
Attendu qu'en soumettant au professeur C..., directeur du laboratoire de police scientifique de la Préfecture de Police de Paris, des documents saisis au cours de l'enquête effectuée sur commission rogatoire du juge d'instruction et relatifs à la revendication de l'assassinat commis sur la personne de George D..., afin de s'assurer de leur provenance, l'officier de police judiciaire n'a pas procédé à la désignation d'un expert au sens de l'article 156 du Code de procédure pénale mais a accompli des investigations entrant dans les pouvoirs qu'il tenait de ladite commission rogatoire ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 97, alinéa 4, et 206 du Code de procédure pénale, 593 de ce Code, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité des procès-verbaux cotés D. 196, 197, 198 et 340 ;
" alors qu'aux termes de l'article 97, alinéa 3, du Code de procédure pénale, lorsque les scellés sont fermés, ils ne peuvent être ouverts et les documents dépouillés qu'en présence de l'inculpé assisté de son conseil ou eux dûment appelés ; qu'en l'espèce, où le juge d'instruction a procédé à l'ouverture de plusieurs scellés et à leur présentation à des témoins ainsi qu'à la partie civile hors la présence des inculpés ou de leur conseil, les procès-verbaux susvisés retraçant ces opérations sont nuls et il appartenait à la chambre d'accusation de le constater " ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, il ne ressort d'aucune mention des procès-verbaux visés au moyen que lors de la présentation aux témoins et à une partie civile des deux scellés en cause il ait été procédé à leur ouverture ; qu'il résulte au contraire du procès-verbal du 18 septembre 1987 coté D. 340 que l'un était un scellé ouvert et l'autre un scellé fermé confectionné à l'aide d'un sac transparent au sujet duquel la partie civile entendue a fait une remarque ;
Qu'en cet état aucune violation de l'alinéa 4 de l'article 97 du Code de procédure pénale, qui ne peut trouver application que lors de l'ouverture d'un scellé fermé, n'est caractérisée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation propre à A..., pris de la violation des articles 117, 118, 167, 170, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a omis de prononcer la nullité de l'interrogatoire en date du 24 juin 1987 (pièce cotée D. 254) ainsi que de toute la procédure subséquente ;
" alors que le juge d'instruction doit, aux termes de l'article 167 du Code de procédure pénale, notifier les conclusions des experts aux inculpés dans les formes prévues aux articles 118 et 119 de ce Code ; qu'il résulte des mentions du procès-verbal d'interrogatoire que le conseil de l'inculpé a été convoqué par lettre recommandée envoyée le jeudi 18 juin 1987 pour assister audit interrogatoire qui s'est déroulé le mercredi 24 juin 1987, de sorte qu'il ne s'est pas déroulé un délai de quatre jours ouvrables entre l'envoi de la convocation et l'interrogatoire ; qu'en ne prononçant pas d'office la nullité de cette pièce et de toute la procédure subséquente, la chambre d'accusation a méconnu le principe susrappelé sans que les dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale puissent trouver application dès lors que le conseil de l'inculpé n'a pu assister à l'interrogatoire " ;
Attendu que du procès-verbal dressé le mercredi 24 juin 1987 par le juge d'instruction et portant notification à A... des conclusions de quatre rapports d'expertise il résulte que la lettre recommandée avisant le conseil de cet inculpé, en application des articles 118 et 167 du Code de procédure pénale, n'a été expédiée que le jeudi 18 juin 1987 ; qu'il en ressort que le délai de quatre jours ouvrables, imposé par ledit article 118, n'a pas été respecté et que le procès-verbal critiqué est entaché de nullité ;
Attendu cependant qu'il n'y a lieu, par application de l'article 802 du même Code de prononcer cette nullité, qui n'a pas porté atteinte aux intérêts de A... dès lors que, les dispositions de l'article 197 dudit Code ayant été observées devant la chambre d'accusation, le conseil de l'inculpé a eu la faculté de prendre connaissance des rapports d'expertise, de présenter ses observations par mémoire déposé conformément à l'article 198 et de solliciter tout complément d'expertise ou contre expertise qui lui aurait paru utile ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 157, 166 et 167 du Code de procédure pénale, 206 de ce Code, ensemble défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a omis de prononcer la nullité du rapport d'expertise établi par le professeur G... et M. F... (pièce cotée D. 394), ainsi que du rapport établi par M. H... le 26 novembre 1987 (pièce cotée D. 570) ;
" alors qu'aux termes de l'article 166 du Code de procédure pénale, les experts doivent dans leur rapport attester avoir personnellement accompli les opérations qui leur ont été confiées ; que si ce texte n'impose aucune formule sacramentelle, cette attestation n'en est pas moins nécessaire à peine de nullité ; qu'à défaut d'une telle mention, les deux rapports d'expertise susvisés sont nuls et il appartenait à la chambre d'accusation de le constater " ;
Attendu, d'une part, que le rapport déposé par les experts G... et F... mentionne expressément en sa page 6 " Attestons avoir rempli, ainsi qu'il suit, personnellement... la mission qui nous est confiée " ;
Attendu, d'autre part, que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer, au vu des termes utilisés dans son rapport par l'expert H... que celui-ci a lui-même rempli sa mission ; que l'emploi par lui de façon constante de la première personne du pluriel, souvent utilisée même lorsqu'il est seul par celui qui est chargé d'une mission de service public pour donner plus de solennité à ses actes, établit sans conteste qu'il a lui-même rempli sa mission ;
Qu'en effet l'alinéa 1er de l'article 166 du Code de procédure pénale n'impose aucune forme sacramentelle aux experts pour attester qu'ils ont personnellement accompli les opérations dont ils étaient chargés ;
Qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises composée conformément à l'article 698-6 du Code de procédure pénale devant laquelle les accusés ont été renvoyés, que la procédure est régulière, et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crimes par la loi ;
REJETTE les pourvois.