REJET du pourvoi formé par :
- X... Henri,
contre un arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 6 juin 1984, qui, pour faux serment, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du mémoire en défense produit pour la société Chauvenet et Jean-Claude Y... ;
Attendu que la cour d'appel a, par l'application combinée des articles 366 du Code pénal et 1363 du Code civil, déclaré que les constitutions de partie civile de la société Chauvenet et de Jean-Claude Y... étaient irrecevables ; que lesdites parties civiles ne se sont pas pourvues en cassation contre cette décision ; que, dès lors, elles ne sont pas parties à l'instance en cassation et qu'en conséquence le mémoire produit pour elles n'est pas recevable ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 366 du Code pénal, ensemble des articles 1357, 1358, 1359, 1360 et 1363 du Code civil, violation du principe selon lequel la loi pénale doit être interprétée de façon restrictive :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit de faux serment et l'a condamné à une peine de 6 mois de prison avec sursis ;
" aux motifs qu'il résulte du dossier que X... a été licencié le 27 juin 1980 pour faute grave, qu'il a saisi le conseil des prud'hommes de Beaune pour obtenir diverses indemnités, qu'à l'audience du 5 janvier 1981 de cette juridiction X... a fait valoir qu'il n'avait pas signé la lettre d'avertissement qui lui avait été notifiée le 11 février 1980, que Y..., président-directeur général de la société Chauvenet, a alors déféré le serment décisoire au salarié ; que ce dernier l'a prêté en ces termes : " Je jure devant le Tribunal que je n'ai jamais signé la lettre d'avertissement du 11 février 1980 ", que de son côté Y... a prêté serment qu'" à la suite de la désobéissance de X..., celui-ci avait signé devant lui la lettre d'avertissement du 11 février 1980 " que par jugement du 5 janvier 1981 le conseil des prud'hommes a, avant dire droit, désigné un expert ayant pour mission de déterminer si la signature figurant au bas de la lettre d'avertissement est celle de X... ou une imitation ;
" alors qu'en l'état de ces constatations d'où il résulte que le serment déféré n'était pas décisoire, la cour d'appel n'a pu légalement justifier son arrêt tant sur la culpabilité que sur la peine, en se fondant sur l'article 366 du Code pénal qui ne peut viser que le faux serment décisoire déféré ou référé avec les conséquences juridiques qui s'ensuivent et qui n'ont pas été caractérisées en l'espèce " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que X..., salarié de la société Chauvenet, a été licencié le 27 juin 1980 pour faute grave ; qu'il a saisi le conseil des prud'hommes aux fins d'obtenir de son ancien employeur le paiement de diverses indemnités et de dommages-intérêts pour licenciement abusif ; qu'à l'audience de cette juridiction, tenue le 5 janvier 1981, il a soutenu qu'il n'avait pas signé une lettre d'avertissement à lui notifiée le 11 février 1980 ; que Y..., président-directeur général de la société Chauvenet a, alors, déféré à son adversaire le serment décisoire sur cette contestation ; que X... a prêté serment en ces termes : " Je jure que je n'ai jamais signé la lettre d'avertissement du 11 février 1980 " ;
Attendu que le conseil des prud'hommes à qui il appartenait, avant d'autoriser ce serment, d'apprécier si cette mesure était de nature à terminer le litige de façon définitive et absolue, n'a pas tiré dudit serment les conséquences légales prévues par les articles 1357-1°, 1363 et 1365 du Code civil, mais a cru pouvoir, d'une part, faire jurer à Y... que X... avait bien signé la lettre susmentionnée et, d'autre part, ordonner une expertise d'écriture ;
Attendu que cette erreur de droit du conseil des prud'hommes n'a pas eu pour effet de retirer au serment prêté par X... son caractère de serment judiciaire décisoire ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 366 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, ensemble défaut de motif, insuffisance de motifs et violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X... coupable du délit de faux serment et l'a condamné à la peine de 6 mois de prison avec sursis ;
" aux motifs qu'en définitive il résulte de témoignages unanimes que la lettre d'avertissement du 11 février 1980 existait réellement et que la signature de X... avait été apposée par ce dernier devant son supérieur hiérarchique, Z..., étant observé que les rapports d'expertise établissent l'authenticité de la signature du salarié ; qu'ainsi la preuve de la fausseté du serment prêté par X... est rapportée en sorte que les éléments constitutifs du délit poursuivi se trouvent réunis ;
" alors que dans ses conclusions X... avait soutenu qu'en l'état des conditions dans lesquelles son serment avait été recueilli, l'élément intentionnel de l'infraction qui lui était reprochée ne pouvait être caractérisé, étant de surcroît précisé que chacune des parties a fait des déclarations contradictoires et contredites (spéc. le serment prêté par Y... devant le conseil des prud'hommes) (cf. p. 3 des conclusions) ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des écritures, la Cour a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que sur réquisitions du procureur de la République au vu d'une plainte de la société Chauvenet, certes assortie d'une constitution de partie civile irrecevable, X... a été inculpé et renvoyé devant les juges répressifs sous la prévention de faux serment en application de l'article 366 du Code pénal ;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable de l'infraction à lui reprochée, la cour d'appel se fonde sur les dépositions convergentes de plusieurs témoins et les conclusions de trois expertises d'écriture dont une ordonnée par le tribunal correctionnel et affirme, par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis aux débats contradictoires que l'authenticité de la signature de X... sur la lettre litigieuse était établie ;
Qu'il se déduit de ces énonciations que X... a fait sous serment décisoire déféré par son adversaire une déclaration qu'il savait fausse ;
Attendu qu'il s'ensuit que les juges ont légalement justifié leur décision sans encourir le grief du moyen qui ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.