REJET des pourvois formés par :
1°) la société des parfums Yves-Saint-Laurent,
2°) la société anonyme " Comptoir nouveau de la parfumerie, parfums Hermès ",
3°) la société Hermès,
toutes trois parties civiles,
contre un arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Poitiers, en date du 26 mars 1987, qui dans les poursuites par elles engagées à l'encontre de Jeanine X... et de Michel X... du chef d'usage sans autorisation de marques appartenant à autrui, de André Y... et Michel Edouard Z... pour complicité dudit délit et la société Rocadis et la " Société d'importation pétrolière Z... " (SIPLEC) prises en qualité de civilement responsables, a, après relaxe des prévenus, débouté les parties civiles de leurs demandes.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation propre à la société des parfums Yves-Saint-Laurent, et pris de la violation de l'articles 422-2° du Code pénal et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir relaxé M. et Mme X..., M. André Y... et M. Michel-Edouard Z..., a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société des parfums Yves-Saint-Laurent ;
" aux motifs que " l'article 422-2° du Code pénal qui incrimine l'usage d'une marque sans autorisation de l'intéressé, ne vise que l'usage d'une marque contrefaite et non, comme en l'espèce, la vente d'un produit sans l'autorisation préalable du titulaire " (cf. arrêt p. 8 et 9) ;
" 1°) alors que l'article 422-2° du Code pénal incrimine l'usage d'une marque sans l'autorisation de l'intéressé, que cette marque ait été contrefaite ou non ; qu'en considérant que ce texte ne visait que l'usage d'une marge contrefaite, et non le simple usage d'une marque sans autorisation, en dehors de toute contrefaçon, la cour d'appel a violé l'article 422-2° du Code pénal par fausse application ;
" 2°) alors qu'ayant constaté que les prévenus, après s'être approvisionnés sur le marché européen de parfums Yves-Saint-Laurent, vendaient ces produits au détail dans un magasin de Poitiers, sans avoir sollicité l'agrément de la société des parfums Yves-Saint-Laurent, propriétaire de la marque, la cour d'appel devait en déduire que l'infraction prévue par l'article 422-2° du Code pénal était constituée en l'espèce ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations et a, ainsi, violé le texte susvisé " ;
Sur le second moyen de cassation propre à la même demanderesse, et pris de la violation de l'article 1134 du Code civil, des articles 422 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, dénaturation des conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir relaxé M. et Mme X..., M. André Y... et M. Michel-Edouard Z..., a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société des parfums Yves-Saint-Laurent ;
" aux motifs qu'" il n'est pas discuté que la société Rocadis s'est approvisionnée sur le marché européen en parfums Yves-Saint-Laurent sans user de fraude " (arrêt p. 8 § 6) et que " lesdits produits ayant été acquis sans fraude auprès d'organismes qui les avaient eux-mêmes achetés aux sociétés titulaires de la marque, le délit prévu et réprimé par l'article 422-2° du Code pénal n'est pas constitué " (arrêt p. 9 § 6) ;
" alors que dans des conclusions régulièrement déposées et visées, la société des parfums Yves-Saint-Laurent avait expressément soutenu que les conditions dans lesquelles la société Rocadis s'était approvisionnée en produits Yves-Saint-Laurent, par l'intermédiaire de la société SIPLEC, avaient un caractère frauduleux ; qu'en affirmant que le caractère frauduleux de l'approvisionnement en produits Yves-Saint-Laurent n'avait pas été discuté devant elle, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la cause, violant ainsi chacun des textes visés au moyen " ;
Sur le premier moyen commun aux sociétés " Comptoir nouveau de la parfumerie " et " Hermès " et pris de la violation de l'article 422-2° du Code pénal, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt relaxe en l'espèce les prévenus et déboute les sociétés CNP Hermès et Hermès de leurs constitutions de partie civile " ;
" aux motifs " que la simple mise en vente dans des conditions normales aux usages du commerce et notamment des grandes surfaces, de produits authentiques revêtus de la marque apposée par le fabricant lui-même ne saurait constituer, en raison du défaut d'un agrément préalable de celui-ci, le délit prévu réprimé par l'article 422, alinéa 2, précité ;
" alors que ce texte punit, indépendamment notamment de toute contrefaçon, ceux qui auront utilisé une marque sans autorisation de l'intéressé, et que les faits en l'espèce reprochés entraient dans les prévisions dudit texte dès lors qu'il était constaté que la société Rocadis n'avait pas été agréée par les sociétés CNP Hermès et Hermès pour être l'un des distributeurs de produits de celles-ci " ;
Sur le second moyen de cassation commun aux demanderesses précitées, et pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1134 du Code civil, 422-2° du Code pénal, dénaturation des écritures de la cause, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué relaxe en l'espèce les prévenus et déboute les sociétés CNP Hermès et Hermès de leurs constitutions de partie civile ;
" au motif notamment " qu'il n'est pas discuté que la société Rocadis s'est approvisionnée sur le marché européen en parfums Hermès... sans user de fraude... (arrêt p. 8, 6e alinéa) et que partant le délit prévu et réprimé par l'article 422, alinéa 2, du Code pénal n'est pas constitué " dès lors notamment " que lesdits produits avaient été acquis sans fraude auprès d'organismes qui les avaient eux-mêmes achetés aux sociétés titulaires de la marque " ;
" alors que dans leurs conclusions régulièrement déposées et visées les sociétés CNP Hermès et Hermès avaient expressément soutenu que dans le contexte où elles s'étaient situées et avaient été réalisées par le truchement de la société SIPLEC, ces acquisitions se trouvaient au contraire marquées du sceau de la fraude ; qu'en affirmant, pour écarter en l'espèce cette notion de fraude, l'absence prétendue de toute discussion devant elle sur ce point, la Cour a ainsi dénaturé les écritures de la cause et exposé à ce titre aussi son arrêt à la censure " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la mise en vente dans un centre commercial " Z... " exploité par la société Rocadis dont Jeanine X...est la présidente, de divers produits de parfumerie portant les marques Yves-Saint-Laurent ou Hermès, alors que ce distributeur n'était pas agréé par les titulaires de ces marques pour commercialiser de tels produits, la société des " parfums Yves-Saint-Laurent " (YSL) la société anonyme " Comptoir nouveau de la parfumerie " (CNP) et la société " Hermès " ont fait citer directement devant la juridiction correctionnelle Jeanine X... et Michel X... pour usage sans autorisation de marque appartenant à autrui, André Y... et Michel-Edouard Z... pour complicité de ce délit, prévu et réprimé par l'article 422-2° du Code pénal, et les sociétés Rocadis et SIPLEC comme civilement responsables de leurs préposés ;
Attendu que pour relaxer les prévenus des chefs de la prévention et débouter les parties civiles de leurs demandes, la cour d'appel énonce que si la vente d'un produit sans l'autorisation préalable du titulaire de la marque peut être constitutive d'une faute civile, en revanche, la loi pénale étant d'interprétation stricte, la mise en vente dans des conditions normales aux usages du commerce et notamment des grandes surfaces, de produits authentiques revêtus de la marque apposée par le fabricant lui-même ne saurait constituer, à raison d'un défaut d'agrément préalable de celui-ci, le délit de l'article 422-2° du Code pénal et alors que lesdits produits avaient été acquis sur le marché européen sans fraude auprès d'organismes qui les avaient eux-mêmes achetés aux titulaires des marques litigieuses ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel qui a répondu comme elle le devait et sans les dénaturer, aux conclusions dont elle était saisie, a fait l'exacte application des textes visés aux moyens, lesquels ne sauraient, dès lors, qu'être rejetés ;
Qu'en effet, l'article 422-2° du Code pénal ne saurait avoir pour objet de sanctionner pénalement les acquéreurs ou revendeurs de produits même commercialisés au mépris d'un système de distribution sélective, lorsque la marque utilisée n'a pas été contrefaite ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.