Sur le premier et le second moyens, pris en leur première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 4 février 1985), que le journal " l'Union de Reims ", créé dans la clandestinité, a paru officiellement à partir du 30 août 1944, sa gestion étant assurée par une société dont les parts étaient attribuées à douze associations patriotiques et politiques ayant participé à la résistance, un collège de six directeurs-gérants garantissant le pluralisme politique de la publication ; que le 22 juin 1982, en raison de difficultés financières, a été décidée la nomination d'un gérant unique ; que la situation économique de l'entreprise s'étant agravée, certains syndicats redoutant sa disparition, en ont pris le contrôle de fait à partir du 16 décembre 1982 ; que par lettre du 31 décembre 1982, M. X..., journaliste à " l'Union de Reims " depuis 1954, faisant état de l'instauration d'une gérance unique et de la main mise des syndicats sur le journal, a notifié à son employeur qu'il considérait son contrat comme résilié en application de l'article L. 761-7, 1er alinéa 3° du Code du travail ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir considéré qu'il ne pouvait se prévaloir de la clause de conscience des journalistes professionnels et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes d'indemnité de préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le recours à la clause de conscience est ouverte aux journalistes en cas de changement notable dans le caractère ou l'orientation du journal ; d'où il suit que la cour d'appel, qui constate que la structure collégiale de la direction de l'organe de presse avait pour but de garantir l'expression du pluralisme politique, que cette direction collégiale a disparu au profit d'un gérant unique et qui refuse cependant de faire jouer la clause de conscience au profit d'un journaliste démissionnaire sans rechercher si la modification de la structure du pouvoir à l'intérieur de la société propriétaire de l'organe de presse n'était pas de nature à changer le caractère ou l'orientation du journal, notamment en supprimant l'expression du pluralisme politique que les statuts d'origine avait pour but d'assurer, a privé de base légale sa décision au regard de l'article L. 761-7 du Code du travail ; alors, d'autre part, que la cour d'appel, qui décide que l'exercice d'un pouvoir de fait par certaines organisations syndicales à l'intérieur d'un organe de presse dont la structure de droit avait été organisée en vue d'assurer l'expression d'un pluralisme politique, n'en modifie pas notablement le caractère, viole l'article L. 761-7 du Code du travail ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée, a retenu que la modification de la structure de l'organe de gestion de l'entreprise de presse qui s'accompagnait de la mise en place d'un conseil de surveillance composé de représentants des organismes gérants, afin de veiller notamment à la pluralité de l'information, tendait uniquement à assainir la situation financière de l'entreprise et n'apportait pas de changement notable dans le caractère ou l'orientation du journal ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a relevé qui si la prise de contrôle du journal par certain syndicats avait affecté les structures administratives de l'entreprise, cette situation de fait illicite et momentanée, n'avait pas eu pour conséquence de priver les journalistes de leur indépendance rédactionnelle et d'empêcher l'expression dans le journal, selon la vocation qui était la sienne, d'opinions politiques divergentes ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu estimer que M. X... n'était pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-7 du Code du travail ; qu'ainsi en leur première branche les premier et second moyens ne sont pas fondés ;
Sur le premier et le second moyen, pris en leur seconde branche :
Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, d'une part, que le recours à la clause de conscience est ouvert au journaliste si le changement de caractère ou d'orientation du journal créé une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou à ses intérêts moraux ; d'où il suit que la cour d'appel qui, pour faire jouer la clause de conscience exige du journaliste la preuve de ce que les modifications intervenues dans la structure du pouvoir à l'intérieur du journal ont porté atteinte à sa liberté de création et à son indépendance ou l'ont obligé, contre son gré, à modifier le sens de ses écrits, ajoute aux exigences de l'article L. 761-7 du Code du travail qu'elle viole, ce faisant ; alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 761-7 du Code du travail, il suffit, pour que le journaliste démissionnaire puisse prétendre aux indemnités prévues à l'article L. 761-5, que le changement survenu dans le caractère ou l'orientation du journal créé une situation de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa réputation ou à ses intérêts moraux, d'où il suit qu'en soumettant le jeu de la clause de conscience à la preuve par le journaliste d'une atteinte actuellement portée à son indépendance rédactionnelle, la cour d'appel a ajouté aux exigences du texte susvisé qu'elle a, partant, violé ;
Mais attendu que la cour d'appel a considéré que n'était pas établie l'existence d'un changement notable dans le caractère ou l'orientation du journal, première des deux conditions auxquelles est subordonnée l'application de l'article L. 761-7, 1er alinéa 3° du Code du travail ; que dès lors, sont surabondants les motifs érronés critiqués par la seconde branche des premier et second moyens ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi