CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi de :
- X... Christian, partie civile,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 7 décembre 1987 qui, dans une procédure suivie sur sa plainte contre Y... Jacques du chef de recel de malfaiteurs et tous autres du chef de complicité de la même infraction a annulé l'ordonnance du juge d'instruction le déclarant recevable en sa constitution de partie civile et qui a renvoyé la procédure au procureur de la République.
LA COUR,
Vu l'ordonnance en date du 15 janvier 1988 par laquelle le président de la chambre criminelle, en application des articles 570 et 571 du Code de procédure pénale, a prescrit l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 80, 83, 85 et 86 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé l'ordonnance du 6 octobre 1987 du juge d'instruction qui, sans être désigné conformément à l'article 83 du Code de procédure pénale, a statué sur les réquisitions du ministère public contestant la recevabilité de la constitution de partie civile de X... ;
" alors que le juge d'instruction saisi, conformément à l'article 85 du Code de procédure pénale, de la plainte avec constitution de partie civile, est compétent pour statuer sur les réquisitions du Parquet tendant à faire déclarer irrecevable ladite constitution de partie civile ;
" et alors que l'information ne débute qu'après le réquisitoire prévu par l'article 80 du Code de procédure pénale ; que dès lors la désignation du magistrat instructeur conformément à l'article 83 du Code de procédure pénale, ne s'imposait pas en l'espèce, aucun réquisitoire introductif n'étant intervenu et le Parquet estimant qu'il n'y avait pas lieu d'informer " ;
Attendu que de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure il résulte que X... a, le 21 septembre 1987, porté plainte avec constitution de partie civile contre Y... et tous autres, des chefs de recel de malfaiteurs et complicité, auprès de l'un des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, M. Sauret ; que ce magistrat a constaté, par ordonnance du 23 septembre 1987, le dépôt de la plainte et fixé la consignation conformément aux prescriptions de l'article 88 du Code de procédure pénale ; que celle-ci ayant été versée avant l'expiration du délai imparti le juge d'instruction a, en application de l'article 86 du même Code, communiqué la procédure au procureur de la République qui a pris des réquisitions tendant à ce que la plainte soit déclarée irrecevable ; que par ordonnance du 6 octobre 1987 le même magistrat instructeur a décidé que ladite plainte était recevable ;
Attendu que, sur appel du ministère public, pour annuler l'ordonnance entreprise la chambre d'accusation observe qu'aucune décision du président du Tribunal prise en application de l'article 83 du Code de procédure pénale n'avait désigné M. Sauret pour être chargé de l'information et que la circonstance que ce magistrat ait reçu la plainte ne lui permettait pas, en l'absence d'une telle décision de se prononcer sur la recevabilité de ladite plainte après mise en mouvement de l'action publique ;
Attendu qu'en cet état, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, c'est à juste titre que les juges du second degré ont prononcé l'annulation de l'ordonnance entreprise ;
Qu'en effet, contrairement à ce qui est allégué, dès lors que le procureur de la République, auquel la procédure a été communiquée en vertu de l'article 86 précité, a pris des réquisitions, seul le magistrat instructeur chargé, conformément aux dispositions de l'article 83 susvisé, de l'information ouverte dès le dépôt de la plainte suivie du versement de la consignation, a qualité pour se prononcer sur lesdites réquisitions, quel qu'en soit le sens ; que l'absence d'une désignation régulière du juge d'instruction constitue une nullité substantielle d'ordre public touchant à l'organisation et à la composition des juridictions ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le moyen relevé d'office et pris de la violation de l'article 206 du Code de procédure pénale ;
Vu ledit article ;
Attendu que, selon ce texte, après annulation d'un acte de la procédure la chambre d'accusation peut soit évoquer, soit renvoyer le dossier de la procédure au même juge d'instruction ou à tel autre afin de poursuivre l'information ;
Attendu qu'après avoir annulé l'ordonnance du magistrat instructeur déclarant la partie civile recevable la chambre d'accusation a cru devoir prescrire que le dossier de la procédure serait renvoyé au procureur de la République en vue de la désignation par le président du tribunal de grande instance du juge d'instruction qui serait chargé de l'information ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi la chambre d'accusation a méconnu les dispositions ci-dessus rappelées ; que la cassation est dès lors encourue ;
Par ces motifs ;
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions renvoyant la procédure au procureur de la République, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 7 décembre 1987 et, pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rouen.