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10/02/1988 | FRANCE | N°86-93258

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 février 1988, 86-93258


CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Robert,
- Y... Paul,
contre un arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, du 29 mai 1986, qui, pour ingérence, trafic d'influence, les a condamnés, le premier à un 1 an d'emprisonnement avec sursis, le second à 3 ans d'emprisonnement dont 2 ans et 2 mois avec sursis et 100 000 francs d'amende.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le deuxième moyen de cassation, présenté au nom de Robert X... et pris de la violation de l'article

175 du Code pénal et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défau...

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Robert,
- Y... Paul,
contre un arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, du 29 mai 1986, qui, pour ingérence, trafic d'influence, les a condamnés, le premier à un 1 an d'emprisonnement avec sursis, le second à 3 ans d'emprisonnement dont 2 ans et 2 mois avec sursis et 100 000 francs d'amende.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le deuxième moyen de cassation, présenté au nom de Robert X... et pris de la violation de l'article 175 du Code pénal et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné Robert X... pour le délit d'ingérence ;
" aux motifs que " si les litiges d'ordre individuel des agents des services publics industriels et commerciaux sont portés devant le juge judiciaire et si ces deux prévenus ne doivent pas être considérés comme des agents publics suivant la définition de la jurisprudence administrative, ils doivent être considérés cependant comme agents du Gouvernement compte tenu à la fois de leur appartenance à un établissement public à caractère industriel et commercial et des fonctions qu'ils y remplissent, puisqu'ils interviennent dans la gestion des affaires de l'EDF dans le Sud-Ouest ; qu'en effet, en ce qui concerne la situation hiérarchique et les attributions de Robert X... et de Paul Y..., le premier a été chef du département exploitation à compter du mois de janvier 1976 ayant la responsabilité de l'exploitation des réseaux hautes et basses tensions de l'agglomération toulousaine dont l'adaptation aux charges, le dépannage, le maintien de la qualité du service et de l'entretien et depuis août 1980, la responsabilité entière du département exploitation (D23), ayant le pouvoir d'engager l'EDF pour des commandes dont le montant a été augmenté en août 1980, jusqu'à concurrence de 30 000 francs a-t-il déclaré (D7) signant les propositions pour les montants supérieurs à cette somme " ;
" alors que l'article 175 du Code pénal exige pour son application que la personne mise en cause ait commis les faits reprochés en qualité de représentant d'un organisme ou d'un établissement à qui l'Etat a confié une mission d'intérêt public ; qu'en se bornant à dire que la qualité de X... de " chef du département exploitation " au sein du centre d'EDF de Toulouse, ayant à ce titre la responsabilité de l'exploitation des réseaux hautes et basses tensions de l'agglomération toulousaine, suffit à le considérer comme un " agent du Gouvernement ", alors qu'ils ont relevé que X... n'eût le pouvoir d'engager Electricité de France qu'à compter du mois d'août 1980, postérieurement au marché litigieux du 2 octobre 1979, et pour des commandes inférieures à 30 000 francs et qu'ils n'ont nullement constaté que X... ait, à l'occasion du marché litigieux agi véritablement en qualité de représentant de l'établissement, en son nom et pour son compte, et d'autant plus que dans ses conclusions ignorées, X... avait bien précisé qu'il n'avait " ni la surveillance, ni le contrôle, ni le pouvoir de passer la moindre commande au nom d'Electricité de France ", les juges n'ont pas caractérisé la qualité prétendue d'agent de Gouvernement de X... qui ne pouvait se déduire seulement des responsabilités exercées par l'intéressé au sein de l'établissement public et violé les textes cités au moyen " ;
Et sur le premier moyen de cassation présenté au nom de Paul Y... et pris de la violation des articles 175 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable du délit d'ingérence et l'a condamné à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et demi et de 100 000 francs d'amende ;
" aux motifs que Y... doit être considéré comme un agent du Gouvernement au sens de l'article 175, compte tenu de son appartenance à EDF-GDF, établissement public à caractère industriel et commercial et des fonctions qu'il y remplit en qualité de chef de la division voies et transmission du département exploitation et entretien du service des télécommunications du centre régional de transports et télécommunications du Sud-Ouest et, depuis 1976, en qualité d'ingénieur, responsable d'un laboratoire d'essais de mise en service de dépannage des matériels EDF, disposant de la signature pour les achats inférieurs à 100 francs et contrôlant le matériel à acheter ; qu'il avait ainsi choisi le type d'antenne à acquérir sur les radios, contacté le fournisseur pour les commandes passées successivement à la Sonade le 5 décembre 1980 puis à EREL le 13 avril 1981, dont il était devenu gérant de fait ; qu'après avoir testé en 1979 l'émetteur-récepteur vendu par la Sonade, Y... avait transmis un avis technique au laboratoire EDF de Saint-Denis qui cherchait ce type d'appareils pour l'exploitation des réseaux électriques ; qu'était alors intervenu, le 2 octobre 1979, le marché national portant sur la fourniture de cet émetteur-récepteur ; que si les prix des marchés Sonade ou EREL avec EDF ont été considérés comme normaux, si l'expérience et la technicité du prévenu ont été bénéfiques, le délit d'ingérence n'en demeure pas moins caractérisé ;
" alors que l'appartenance d'un salarié à un établissement public à caractère industriel et commercial n'établit pas, à elle seule, sa qualité d'agent du Gouvernement, ni davantage la fonction d'encadrement qu'il y exerce, dès lors qu'il ne dispose d'aucun pouvoir personnel qui puisse nuire à l'intérêt public ; qu'en relevant, d'une part, que le supérieur hiérarchique de Y... détenait seul la signature des commandes d'un montant supérieur à 100 francs et qu'ainsi, hormis des dépenses mineures, Y... n'avait pas de pouvoir de décision sur le choix des achats à effectuer sur lequel il se bornait à donner un avis technique ; d'autre part, qu'il avait pris part au marché conclu entre EDF et la Sonade en sa seule qualité de représentant de celle-ci et non en raison des fonctions qu'il exerçait à EDF, la Cour ne pouvait légalement, en l'état de ces constatations, qualifier ce chef d'un département technique d'une division régionale dénué de pouvoir de représentation et de décision, d'agent du Gouvernement " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'aux termes de l'article 175 du Code de procédure pénale, sont coupables du délit d'ingérence, notamment les agents du Gouvernement, qui, soit ouvertement, soit par actes simulés, soit par interposition de personnes, auront pris ou reçu quelque intérêt que ce soit dans les actes, adjudications, entreprises ou régies dont ils ont ou avaient, au temps de l'acte, en tout ou en partie, l'administration ou la surveillance ;
Attendu que pour entrer en voie de condamnation du chef d'ingérence, les juges, après avoir énuméré et analysé les faits reprochés aux prévenus, énoncent que Y..., ingénieur d'Electricité de France, chef de la division voies et transmissions du département exploitation et entretien du service des télécommunications du centre régional de transports et télécommunications du Sud-Ouest, et X..., ingénieur d'électricité de France, chef du département exploitation, responsable de l'exploitation des réseaux haute et basse tensions de l'agglomération toulousaine, sont des agents du Gouvernement, compte tenu à la fois, de leur appartenance à un établissement public à caractère industriel et commercial, et des fonctions qu'ils y remplissent, puisqu'ils interviennent dans la gestion des affaires d'EDF dans le Sud-Ouest ;
Qu'ainsi, le premier a la signature pour les achats inférieurs à 100 francs, est responsable d'un laboratoire d'essais et de mise en service de dépannage des matériels à acheter, le choix du nouveau matériel et du fournisseur et a le contrôle technique dudit matériel ; que le second a le pouvoir d'engager EDF pour des commandes jusqu'à concurrence de 30 000 francs ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les agents subalternes des services publics industriels ou commerciaux n'ont pas la qualité d'agent public, et, d'autre part, que les prévenus n'étaient chargés d'aucune mission officielle leur donnant le droit de délibérer, d'administrer, de liquider ou de surveiller une affaire au nom de la puissance publique, la cour d'appel, en leur attribuant la qualité d'agents du Gouvernement, a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
Que dès lors les moyens réunis doivent être accueillis ;
Et attendu qu'en raison de l'indivisibilité de la peine la cassation doit être totale en ce qui concerne les demandeurs au pourvoi ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 29 mai 1986 en ses seules dispositions concernant Robert X... et Paul Y...,
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Riom.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-93258
Date de la décision : 10/02/1988
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INGERENCE DE FONCTIONNAIRES - Agent du Gouvernement - Ingénieur d'Electricité de France (non)

ELECTRICITE-GAZ - Electricité de France - Personnel - Ingénieur - Poursuites pour ingérence - Agent du Gouvernement (non)

Les agents subalternes des services publics industriels ou commerciaux n'ont pas la qualité d'agent public. Doit être cassé l'arrêt de la cour d'appel qui qualifie d'agents du Gouvernement des ingénieurs d'Electricité de France, alors que ces agents n'étaient chargés d'aucune mission officielle leur donnant droit de délibérer, d'administrer, de liquider ou de surveiller une affaire au nom de la puissance publique.


Références :

Code pénal 175

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (chambre correctionnelle), 29 mai 1986

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1976-10-07 , Bulletin criminel 1976, n° 285, p. 731 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1980-11-20 , Bulletin criminel 1980, n° 310, p. 793 (rejet). (1)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 fév. 1988, pourvoi n°86-93258, Bull. crim. criminel 1988 N° 69 p. 183
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 69 p. 183

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Angevin, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Azibert
Avocat(s) : Avocats :M. Coutard, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.93258
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