CASSATION sur le pourvoi formé par :
- Y... Raoul, partie civile,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 2 mai 1986, qui, dans des poursuites exercées contre Abel X... des chefs de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire totale de plus de trois mois et infraction au Code de la route, a statué sur les réparations civiles, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés de la Somme.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er, 3 et 47 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, 593 du Code de procédure pénale, violation de la loi, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif a dit que la responsabilité civile des conséquences dommageables de l'accident incombait pour deux tiers à X..., et pour un tiers à Y... ;
" aux motifs que Raoul Y... qui, à l'instant de l'accident, se trouvait près de l'arrière de sa voiture pour y prendre un chiffon dans le coffre, a été blessé et a subi une incapacité totale de travail supérieure à trois mois ;
" que Raoul Y..., automobiliste conduisant son véhicule, a en l'arrêtant sur la chaussée exercé un acte de conduite ; qu'en décidant d'essuyer sa vitre pour une meilleure visibilité, il a entendu faire un acte lié à la conduite de son véhicule et pour sa sécurité ; qu'en conséquence, tous les gestes qu'impliquait cette décision, dont la descente sur la chaussée et l'ouverture du coffre à l'arrière sont entièrement liés à l'acte de conduite ; qu'en effet bien qu'ayant quitté son siège et son volant, il n'a perdu ni la garde ni la détention ni l'usage effectif et permanent ni la responsabilité du contrôle de son automobile ; qu'en conséquence, il n'a pas pu perdre sa qualité de conducteur d'automobile pour acquérir celle de piéton au sens où l'entend la loi du 5 juillet 1985 ;
" que Raoul Y... a, en arrêtant son véhicule sur la chaussée, réalisé un stationnement gênant, alors que les indications données par les gendarmes selon lesquelles les accotements à cet endroit sont herbeux et larges de 3 m sans contre-indication d'impraticabilité (sic) ;
" qu'un tel comportement est fautif et de nature à engager la responsabilité de son auteur, qu'il a concouru à la réalisation de l'entier dommage qu'il a subi ;
" alors que les victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur sont, hormis les conducteurs desdits véhicules, indemnisés des dommages résultant des atteintes à leur personne sans que puisse leur être opposée leur propre faute, à l'exception de leur faute inexcusable, si elle a été la cause exclusive de l'accident ou à moins que la victime n'ait volontairement recherché le dommage qu'elle a subi ;
" qu'il ressort des constatations des juges du fond que M. Y..., automobiliste, a été grièvement blessé alors qu'il était descendu de son véhicule et se trouvait près de l'arrière de sa voiture pour y prendre un chiffon afin de nettoyer sa vitre ;
" que, dans ces conditions, M. Y... n'avait pas la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, mais celle de victime, relevant des dispositions de l'article 3 de la loi susvisée ;
" que, dès lors, en retenant, pour faire droit seulement pour partie à la demande d'indemnisation de M. Y..., que celui-ci avait commis une faute qui avait concouru à la réalisation de son dommage, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en vertu des articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985, applicables aux instances en cours, en cas d'accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur les victimes, hormis les conducteurs d'un tel véhicule, ne peuvent se voir opposer leur propre faute sauf si celle-ci est inexcusable et a été la cause exclusive de l'accident ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 29 août 1984 à 8 heures, Y... a arrêté la voiture qu'il conduisait sur la chaussée d'un chemin départemental ; que s'étant porté à l'arrière de son véhicule pour nettoyer la lunette, il a été alors heurté et grièvement blessé par la voiture conduite par Abel X... ;
Attendu que poursuivi pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail supérieure à trois mois et défaut de maîtrise, Abel X... a été condamné de ces chefs ; que statuant sur les conclusions des parties civiles, Raoul Y... et la caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés de la Somme, l'arrêt a instauré un partage de responsabilité entre l'auteur et la victime de l'accident ;
Attendu que pour statuer ainsi, en écartant l'application des dispositions de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 dont le bénéfice lui était expressément demandé, la cour d'appel énonce que Y... " n'a pas pu perdre sa qualité de conducteur d'automobile pour acquérir celle de piéton au sens où l'entend la loi du 5 juillet 1985 " ;
Mais attendu qu'en faisant ainsi application de l'article 4 de la loi précitée alors que Y..., n'étant plus aux commandes de son véhicule, se trouvait à pied sur la chaussée et ne pouvait de ce fait, être considéré comme un conducteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue quant à l'ensemble des dispositions civiles de l'arrêt déféré, y compris en celles concernant la caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés de la Somme, défenderesse au pourvoi ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens en date du 2 mai 1986,
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai.