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14/01/1988 | FRANCE | N°85-40348

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 janvier 1988, 85-40348


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Sur la fin de non-recevoir soulevée par la défense :

Attendu que M. X... soutient que la société a déclaré dans la procédure avoir son siège à Sharjah, que dès lors, faute pour une société Six Constructions Limited ayant son siège à Bruxelles d'avoir instruit le pourvoi en cassation contre l'arrêt, le pourvoi formé par une société de même dénomination, mais ayant son siège à Sharjah, est irrecevable ;

Mais attendu que selon l'article 114 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, la nullité ne peut être invoquée qu'à charge pour l'adversa

ire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'u...

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Sur la fin de non-recevoir soulevée par la défense :

Attendu que M. X... soutient que la société a déclaré dans la procédure avoir son siège à Sharjah, que dès lors, faute pour une société Six Constructions Limited ayant son siège à Bruxelles d'avoir instruit le pourvoi en cassation contre l'arrêt, le pourvoi formé par une société de même dénomination, mais ayant son siège à Sharjah, est irrecevable ;

Mais attendu que selon l'article 114 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, la nullité ne peut être invoquée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; que si la société qui a indiqué dans la déclaration de pourvoi avoir son siège social à Bruxelles a mentionné dans le mémoire ampliatif qu'elle avait son siège en un autre lieu, M. X... qui a régulièrement comparu et a fait valoir ses droits ne peut se prévaloir utilement de la nullité du mémoire ampliatif ; qu'il s'ensuit que le pourvoi est recevable ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que, selon la procédure, M. X..., engagé à Bruxelles par la société Six Constructions Limited, par acte du 28 mars 1979 qu'il n'a pas signé, a été envoyé par son employeur en Lybie, puis au Zaïre et enfin à Abu Dhabi et a été licencié le 10 décembre 1979 ; qu'alors domicilié à Labrède (Gironde), il a fait convoquer la société devant le conseil de prud'hommes de Bordeaux pour obtenir paiement de diverses indemnités ; que la cour d'appel, statuant sur contredit, a confirmé la décision de la juridiction prud'homale qui, se fondant sur les dispositions de l'article R. 517-1 du Code du travail, avait rejeté l'exception d'incompétence soulevée par l'employeur au motif que le contrat de travail attribuait compétence aux juridictions de Bruxelles ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté le contredit de compétence qu'elle avait formé, alors, selon le moyen, que, d'une part, la validité formelle des clauses dérogatoires aux règles de compétence est soumise par l'article 17 de la convention de Bruxelles, à la seule condition d'une convention écrite ou orale confirmée par écrit, que ce texte n'exige nullement que la convention écrite contenant une clause dérogatoire porte la signature précédée de la mention " lu et approuvé " des deux parties ; qu'en l'espèce, la clause dont se prévalait la société était écrite et insérée au contrat de travail de M. X..., dont l'exécution sans réserve établissait l'acceptation ; qu'en déclarant cette clause nulle au seul motif que le contrat qui la comportait était rédigé en anglais et n'était pas signé par le salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé, alors, d'autre part, que l'acceptation d'une clause attributive de juridiction n'a pas à être distincte de celle de l'ensemble du contrat ; qu'en l'espèce, il ressortait des propres constatations de la cour d'appel que M. X..., en l'exécutant sans réserve, avait accepté le contrat de travail le liant à la société et par conséquent la clause attributive de compétence que contenait celui-ci ; qu'en déclarant cependant que l'acceptation de ce contrat ne pouvait conduire à considérer le salarié comme ayant donné son

consentement à la clause attributive de juridiction, la cour d'appel a violé l'article 1124 du Code civil ;

Mais attendu que, selon l'article 17 alinéa 1er de la convention de Bruxelles, la clause attributive de juridiction n'est valable que si elle résulte d'une convention écrite ou d'une convention verbale confirmée par écrit ; qu'il résulte de l'arrêt 25/76 de la Cour de justice des Communautés du 14 décembre 1976 que le fait de ne pas élever d'objection contre les conditions d'un contrat émanant unilatéralement d'une partie ne vaut pas acceptation de la clause attributive de juridiction qui y est incluse, sauf si l'accord verbal se situe dans le cadre de rapports courants entres les parties, établis sur la base de conditions générales de l'une d'entre elles, comportant une clause d'attribution ;

Attendu qu'ayant constaté que l'accord verbal de M. X..., qui n'avait pas apposé sa signature sur le contrat, lequel, loin de s'insérer dans le cadre de rapports courants, avait fondé les relations contractuelles entre les parties, portait sur les conditions générales du contrat et non pas, de manière expresse, sur la clause attributive de juridiction qui n'avait pas fait l'objet d'une acceptation écrite, la cour d'appel répondant aux conclusions prétendument délaissées, abstraction faite de motifs surabondants, a pu en déduire que la clause ne répondait pas aux conditions de validité imposées par la convention susvisée ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 3 du protocole de Luxembourg du 3 juin 1971, ensemble les articles 2 et 5-1° de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ;

Attendu que pour décider qu'il devait être fait application de l'article R. 517-1 du Code du travail attribuant compétence au conseil de prud'hommes dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié lorsqu'il ne travaille pas dans un établissement, la cour d'appel a retenu que la détermination de la juridiction compétente devait se faire selon les règles de ce texte, le bénéfice des dispositions des articles 14 et 15 du Code civil étant expressément écarté par la convention de Bruxelles ;

Attendu cependant qu'il résulte de l'arrêt du 13 novembre 1979 (affaire 25/79) de la Cour de justice des Communautés européennes que le droit du travail fait partie du domaine matériel de la convention ; qu'il s'ensuit que les règles de compétence sont celles déterminées par ladite convention à l'exclusion de celles résultant du Code français du travail ;

Attendu que, selon l'article 5-1° de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, un défendeur, domicilié sur le territoire d'un Etat membre, peut en matière contractuelle être attrait devant le tribunal du lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée ; qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européenes du 26 mai 1982 (affaire 133/81 Ivenel c/ Schwab) que l'obligation à prendre en considération pour l'application de ce texte en matière de contrat de travail est celle qui caractérise le contrat ;

Attendu que le litige portant sur un contrat de travail qui ne s'est pas exécuté dans un établissement déterminé mais dans plusieurs pays en dehors du territoire de la Communauté, il convient de demander à cette haute juridiction quel est dans ce cas l'obligation à prendre en considération et si, à défaut de pouvoir dans un tel cas retenir la compétence résultant du lieu d'exécution, le défendeur doit être attrait devant une juridiction de l'Etat de son domicile, conformément à l'article 2 de la convention de Bruxelles ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE à la Cour de justice des Communautés européennes aux fins de dire, par interprétation de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 :

Quelle est l'obligation à prendre en considération pour l'application de l'article 5-1° lorsque le juge est saisi de demandes fondées sur les obligations résultant d'un contrat de travail liant un salarié résidant en France à une société ayant son siège en Belgique qui l'a envoyé dans plusieurs pays, en dehors du territoire de la Communauté ;

S'il convient de considérer que l'obligation caractéristique s'exécute dans l'établissement qui l'a embauché ou si la compétence juridictionnelle est à déterminer en application de l'article 2 de la convention de Bruxelles ;

SURSEOIT A STATUER sur le pourvoi jusqu'à la décision de la Cour de justice des Communautés européennes


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 85-40348
Date de la décision : 14/01/1988
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Clause attributive - Validité - Insertion dans un contrat de travail.

COMPETENCE - Clause attributive - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Insertion dans un contrat de travail - Validité - Conditions * COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Compétence territoriale - Clause attributive - Validité - Conditions * CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale des juridictions françaises - Compétence territoriale - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Clause attributive - Insertion dans un contrat de travail - Validité - Conditions * PRUD'HOMMES - Compétence - Compétence territoriale - Clause attributive - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Validité - Conditions.

1° Une clause attributive de juridiction, insérée dans un contrat de travail non signé du salarié, qui n'a pas fait l'objet d'une acceptation écrite de sa part, ne répond pas aux conditions de validité imposées par l'article 17 alinéa 1er de la convention de Bruxelles .

2° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Cour de justice des Communautés - Compétence - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Interprétation - Article °.

COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Compétence territoriale - Contrat de travail - Contrat exécuté dans différents pays étrangers - Pluralité d'obligations en résultant - Article ° de la Convention - Interprétation - Renvoi devant la Cour de justice des Communautés * CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Contrat de travail - Contrat exécuté dans différents pays étrangers - Pluralité d'obligations en résultant - Article ° de la Convention - Interprétation - Renvoi devant la Cour de justice des Communautés * CASSATION - Arrêt - Arrêt de sursis à statuer - Renvoi préjudiciel devant la Cour de justice des Communautés économiques européennes - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Article ° - Interprétation.

2° Lorsqu'un litige porte sur les obligations résultant d'un contrat de travail liant un salarié résidant en France à une société ayant son siège en Belgique qui l'a envoyé dans plusieurs pays, en dehors du territoire de la Communauté, il convient de saisir la Cour de justice des Communautés européennes, aux fins de dire, par interprétation de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 quelle est l'obligation à prendre en considération pour l'application de l'article 5-1°.


Références :

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 art. 17 al. 1
Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 art. 5-1°

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 21 novembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 jan. 1988, pourvoi n°85-40348, Bull. civ. 1988 V N° 45 p. 28
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 V N° 45 p. 28

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Jonquères
Avocat général : Avocat général :M. Ecoutin
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Saintoyant
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, la SCP Nicolas, Massé-Dessen et Georges .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:85.40348
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