ANNULATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par X..., contre un arrêt de la cour d'appel de Caen, en date du 12 septembre 1984, qui, pour entrée illicite en France, l'a condamné à 45 jours d'emprisonnement, a ordonné son maintien en détention et sa reconduite à la frontière avec exécution provisoire.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 19 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, 1er et 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, 3 du décret n° 53-377 du 2 mai 1953, 1er et 31 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 publiée en France par le décret n° 54-1055 du 14 octobre 1954, 55 de la Constitution, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel de Caen a appliqué à X... une sanction pénale à raison de son entrée irrégulière en France le 27 août 1984, en le condamnant à 45 jours d'emprisonnement et à être reconduit à la frontière ;
" aux motifs que, débarqué à Nantes le 27 août 1984, il ne s'était présenté à aucune autorité administrative locale, mais s'était au contraire rendu à Alençon et ne s'était manifesté que le 31 août suivant ; que ce comportement n'apparaissait pas comme celui d'une personne qui voudrait se réfugier en France pour y séjourner régulièrement ; que d'ailleurs il n'avait allégué aucun motif politique lors de son audition par la police, qui avait pu traduire de l'anglais ses déclarations ;
" alors que, d'une part, l'article 31 de la convention de Genève susvisée oblige la France à ne pas appliquer de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irrégulier, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée, entrent ou se trouvent sur son territoire sans autorisation, sous la seule réserve qu'ils se présentent aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulière, et oblige enfin la France à n'appliquer aux déplacements de ces réfugiés, jusqu'à la régularisation de leur statut, que les restrictions nécessaires ; qu'en écartant en l'espèce le fait justificatif prévu par ce texte et en rendant impossible la régularisation par le prévenu de son statut de réfugié au seul motif que le prévenu ne s'était pas présenté aux autorités dès son débarquement mais quatre jours plus tard, la cour de Caen a violé les textes susvisés ;
" alors que, d'autre part, en l'absence de tout examen par les autorités compétentes du caractère valable des raisons de l'entrée irrégulière du refugié en France, il appartenait au juge répressif de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'un tel examen ait eu lieu ; qu'en appréciant elle-même cette question préalable, la Cour a excédé ses pouvoirs ; "
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X... a été poursuivi pour entrée illicite en France ;
Attendu que pour refuser au prévenu-qui soutenait avoir la qualité de réfugié-le bénéfice de l'immunité pénale prévue par l'article 31 § 1er de la convention de Genève, la cour d'appel relève que " débarqué à Nantes le 27 août 1984 (X...) ne s'est présenté à aucune autorité administrative locale ; qu'il s'est rendu à Alençon et ne s'est manifesté que le 31 août 1984 ; que ce comportement n'apparaît pas comme celui d'une personne qui voudrait se réfugier en France pour y séjourner dans des conditions régulières " ; que les juges ajoutent que " d'ailleurs il n'a allégué aucun motif politique lors de son audition par la police " et que " les allégations actuelles (du prévenu) apparaissent comme présentées tardivement pour les besoins de la cause " ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations la cour d'appel, qui avait compétence pour apprécier si se trouvaient réunies les conditions d'application des articles 1er A et 31 § 1er de la convention de Genève et qui n'avait, en conséquence, pas à surseoir à statuer, a pu se prononcer ainsi qu'elle l'a fait sans encourir les griefs du moyen qui doit donc être écarté ;
Et sur le moyen relevé d'office (sans intérêt) ;
Par ces motifs :
ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Caen rendu le 12 septembre 1984, et ce par voie de retranchement et sans renvoi, en ce qu'il a prononcé la reconduite à la frontière de X..., les autres dispositions étant expressément maintenues.