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19/11/1987 | FRANCE | N°86-91592

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 novembre 1987, 86-91592


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai en date du 11 mars 1986 qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'abus de biens sociaux, présentation de bilans inexacts, faux, usage de faux, complicité et recel, a déclaré irrecevables les exceptions de nullité de la procédure par lui présentées ainsi que sa requête aux fins de restitution du cautionnement et qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prononçant sur sa demande de mainlevée totale du contrôle judiciaire.
LA COUR,


Vu l'ordonnance de M. le président de la chambre criminelle en date d...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai en date du 11 mars 1986 qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'abus de biens sociaux, présentation de bilans inexacts, faux, usage de faux, complicité et recel, a déclaré irrecevables les exceptions de nullité de la procédure par lui présentées ainsi que sa requête aux fins de restitution du cautionnement et qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prononçant sur sa demande de mainlevée totale du contrôle judiciaire.
LA COUR,
Vu l'ordonnance de M. le président de la chambre criminelle en date du 22 août 1986 disant n'y avoir lieu à statuer sur la requête présentée au nom du demandeur sur le fondement des articles 570 et 571 du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 171, 172, 206, 802, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble de l'article 7 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt a déclaré irrecevable la demande de l'inculpé tendant à voir annuler quatre procès-verbaux de constatation d'infractions économiques rédigés en violation des droits de la défense en mai et juin 1982, ainsi que la procédure subséquente ;
" aux motifs que par arrêt du 10 novembre 1983, la chambre criminelle de la Cour de Cassation, saisie du même moyen, l'a déjà rejeté en ce qu'il est étranger à l'unique objet de la saisie de la chambre d'accusation, le contrôle judiciaire (arrêt p. 3 § 4 et 5) ;
" 1°) alors, d'une part, qu'en se référant abstractivement à une jurisprudence de la chambre criminelle rendue à l'occasion d'un litige distinct, la chambre d'accusation, qui a omis de procéder à l'examen particulier du dossier qui lui était soumis, a privé sa décision de motifs ;
" 2°) alors, d'autre part, que l'article 206 du Code de procédure pénale dispose que la chambre d'accusation examine la régularité des procédures qui lui sont soumises, sans distinguer suivant l'origine de sa saisine qu'ainsi, la chambre d'accusation doit, dans tous les cas, pouvoir prononcer la nullité des procès-verbaux de constatation d'infractions économiques portant atteinte aux droits de la défense comme ayant été rédigés deux ans après la vérification initiale du SRPJ ;
" 3°) alors, de troisième part, que l'article 171 du Code de procédure pénale, dans l'interprétation tendant à interdire à l'inculpé d'obtenir, malgré l'inertie du Parquet, du juge d'instruction et de la chambre d'accusation, la reconnaissance en cours d'instruction d'une nullité de procédure affectant directement les poursuites le concernant, n'est pas conforme aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme intéressant la notion de procès équitable ; qu'il n'y a pas alors égalité des armes entre la partie poursuivante et la partie poursuivie ;
" 4°) alors, de quatrième part et enfin, que le délai de six ans écoulé en l'état entre la première perquisition du SRPJ et le refus par la chambre d'accusation de supprimer le contrôle judiciaire de l'inculpé en l'absence de charges démontrées à son endroit, après quatre années d'instruction proprement dite, n'est pas un délai raisonnable au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme " ;
Attendu qu'il est vainement reproché à la chambre d'accusation, qui n'était saisie que de l'appel de l'ordonnance du juge d'instruction du 20 décembre 1985 n'ayant pas fait droit à la demande de mainlevée totale du contrôle judiciaire formée par X..., d'avoir déclaré irrecevable la requête, présentée dans le même temps par ce dernier, aux fins de faire constater d'éventuelles nullités de procédure, dès lors qu'en permettant aux inculpés de relever appel des ordonnances prévues par les articles 186, alinéas 1 et 3, et 186-1 du Code de procédure pénale, ces textes, dont les dispositions sont limitatives, leur ont attribué un droit exceptionnel dont ils ne sauraient s'autoriser pour faire juger, à l'occasion de ces procédures spéciales, des exceptions et des fins de non-recevoir étrangères à leur unique objet ; qu'en conséquence, la décision attaquée, abstraction faite du motif erroné mais surabondant qui est critiqué dans la première branche du moyen, est justifiée, et que les griefs fondés sur la méconnaissance des textes invoqués par le demandeur ne peuvent être admis ;
Attendu, par ailleurs, que X... ne saurait invoquer pour la première fois devant la Cour de Cassation une prétendue violation des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prise de ce qu'il n'aurait pas été jugé dans un délai raisonnable ; qu'un tel grief, mélangé de fait et de droit, est nouveau et comme tel irrecevable ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 138, 142 et suivants, R. 19 et suivants, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'ordonner le remboursement de la caution versée par l'inculpé ;
" aux motifs que " la suppression de l'obligation de verser un cautionnement est sans intérêt puisque le cautionnement a été versé et que les conditions de sa restitution ne sont pas remplies " (arrêt p. 5 in fine) ;
" 1°) alors, d'une part, qu'après avoir constaté que l'inculpé avait satisfait à toutes les obligations de contrôle judiciaire que la chambre d'accusation a supprimé en partie, il appartenait à la Cour d'ordonner, à tout le moins, le remboursement du cautionnement destiné à garantir l'exécution desdites obligations ;
" 2°) alors, d'autre part, que la Cour dispose d'un pouvoir d'appréciation en équité pour ordonner en tout ou partie le remboursement d'une caution, dès lors que les circonstances particulières méritent d'être prises en considération ; qu'en se refusant dès lors à répondre aux conclusions de X... sur sa difficile situation professionnelle et familiale, la Cour a violé l'article 142-2 du Code de procédure pénale " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 140 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'article 140 du Code de procédure pénale que la mainlevée du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout moment par les juridictions d'instruction ; que celles-ci, lorsqu'elles sont saisies d'une telle demande par l'inculpé, statuent par décision motivée ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que X... a sollicité le 13 décembre 1985 la mainlevée totale du contrôle judiciaire auquel il avait été astreint par ordonnance rendue le 2 juillet 1982 par le juge d'instruction qui lui avait imposé diverses obligations en application des dispositions de l'article 138-5°, 6° et 9° du Code de procédure pénale ainsi que le versement d'un cautionnement devant garantir, à raison de 100 000 francs, sa représentation à tous les actes de la procédure, et à raison de 300 000 francs, le paiement des dommages, frais ou amendes ; que par ordonnance du 20 décembre 1985, le magistrat instructeur a rejeté cette demande tout en supprimant l'obligation, initialement impartie à l'inculpé, de se présenter périodiquement auprès du commissariat de police ;
Attendu que devant la chambre d'accusation, saisie de l'appel de X... contre cette ordonnance, celui-ci a soutenu dans un mémoire régulier que les obligations auxquelles il était soumis n'étaient plus justifiées et a fait valoir notamment les motifs familiaux et professionnels rendant nécessaire, selon lui, la mainlevée du cautionnement ;
Attendu que dans l'arrêt attaqué, les juges ont énoncé que la suppression de l'obligation de fournir un cautionnement était sans objet puisque l'inculpé en avait versé le montant, et qu'en l'absence de décision mettant fin à la procédure, la demande de restitution du cautionnement était irrecevable par application des articles 142-2 et 142-3 du Code de procédure pénale ; qu'ils ont confirmé l'ordonnance entreprise ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, et alors qu'elle était appelée à examiner, hors du domaine d'application des articles 142-2 et 142-3 du Code de procédure pénale, une requête en mainlevée du contrôle judiciaire, dont le cautionnement n'était qu'une modalité et qui pouvait, aux termes de l'article 140 du même Code, intervenir à tout moment de l'information, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Qu'ainsi, la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Douai du 11 mars 1986 et pour qu'il soit à nouveau prononcé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-91592
Date de la décision : 19/11/1987
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° INSTRUCTION - Ordonnances - Appel - Appel de l'inculpé - Portée - Fins de non-recevoir étrangères à son objet (non).

1° Les articles 186, alinéas 1 et 3, et 186-1 du Code de procédure pénale, qui permettent aux inculpés de relever appel des ordonnances énumérées par ces textes et qui comportent à cet égard des dispositions limitatives, ont attribué auxdits inculpés un droit exceptionnel dont ils ne sauraient s'autoriser pour faire juger, à l'occasion de ces procédures spéciales des exceptions et des fins de non-recevoir étrangères à leur unique objet, et notamment pour faire statuer, lors de l'examen d'un appel en matière de contrôle judiciaire, sur de prétendues nullités de procédure entachant l'information

2° CASSATION - Moyen - Moyen mélangé de fait et de droit - Convention européenne des droits de l'homme - Jugement dans un délai raisonnable.

2° Voir le sommaire suivant.

3° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Juridictions correctionnelles - Jugement dans un délai raisonnable.

3° Est irrecevable, comme mélangé de fait et de droit, le moyen proposé par un demandeur qui allègue, pour la première fois devant la Cour de Cassation, une violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, prise de ce qu'il n'aurait pas été jugé dans un délai raisonnable

4° CONTROLE JUDICIAIRE - Chambre d'accusation - Arrêt statuant sur une demande de mainlevée - Contrôle judiciaire comportant un cautionnement - Rejet - Motifs - Motif fondé sur les dispositions des articles et 142-3 du Code de procédure pénale (non).

CHAMBRE D'ACCUSATION - Contrôle judiciaire - Demande de mainlevée - Rejet - Motifs - Motif fondé sur les dispositions des articles et 142-3 du Code de procédure pénale (non).

4° Voir le sommaire suivant.

5° CONTROLE JUDICIAIRE - Chambre d'accusation - Arrêt statuant sur une demande de mainlevée - Contrôle judiciaire comportant un cautionnement - Rejet - Motifs - Motif pris de l'exécution de l'obligation de fournir le montant du cautionnement imposé (non).

CHAMBRE D'ACCUSATION - Contrôle judiciaire - Demande de mainlevée - Rejet - Motifs - Motif pris de l'exécution de l'obligation de fournir le montant du cautionnement imposé (non).

5° Il ressort de l'article 140 du Code de procédure pénale que la mainlevée du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout moment par les juridictions d'instruction, et que celles-ci, lorsqu'elles sont saisies d'une demande à cette fin, statuent par décision motivée. Encourt la cassation l'arrêt d'une chambre d'accusation qui, pour écarter la demande de mainlevée totale du contrôle judiciaire imposé à un inculpé astreint notamment au versement d'un cautionnement conformément à l'article 138-11° du Code de procédure pénale, se borne à énoncer, d'une part, qu'il n'y a pas lieu à suppression de l'obligation de fournir le cautionnement puisque celui-ci a été versé, et d'autre part, qu'il résulte des articles 142-2 et 142-3 du même Code que la requête, en ce qu'elle s'analyse comme une demande de restitution du cautionnement, est irrecevable en l'absence de décision mettant fin à la procédure, alors que cette juridiction était appelée à se prononcer hors du domaine d'application de ces derniers textes et qu'en toute hypothèse, la mainlevée du contrôle judiciaire, dont le cautionnement n'était qu'une modalité, était susceptible d'intervenir à tout moment de l'information


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (chambre d'accusation), 11 mars 1986

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1984-11-28 , Bulletin criminel, 1984, n° 373, p. 986 (rejet), et les arrêts cités. (2°). Chambre criminelle, 1986-02-19 , Bulletin criminel, 1986, n° 66, p. 162 (cassation, rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 nov. 1987, pourvoi n°86-91592, Bull. crim. criminel 1987 N° 420 p. 1104
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 420 p. 1104

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Guirimand
Avocat(s) : Avocat :M. Guinard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.91592
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