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17/11/1987 | FRANCE | N°86-12608

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 novembre 1987, 86-12608


Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Lyon, 25 février 1986) que, désirant effectuer un placement, M. X... a remis à M. Y..., employé de la banque Rothschild, devenue société Européenne de Banque (la banque), en plusieurs versements, une somme déterminée ; que M. Y... lui a remis des reçus à en-tête de la banque mentionnant : " pour souscription bon de caisse à un an, intérêts payés d'avance ", la différence entre le montant total des sommes figurant sur les reçus et la somme versée représent

ant la première annuité d'intérêts précomptés ; qu'à la suite d'une réclamati...

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Lyon, 25 février 1986) que, désirant effectuer un placement, M. X... a remis à M. Y..., employé de la banque Rothschild, devenue société Européenne de Banque (la banque), en plusieurs versements, une somme déterminée ; que M. Y... lui a remis des reçus à en-tête de la banque mentionnant : " pour souscription bon de caisse à un an, intérêts payés d'avance ", la différence entre le montant total des sommes figurant sur les reçus et la somme versée représentant la première annuité d'intérêts précomptés ; qu'à la suite d'une réclamation de M. X..., qui n'avait pas été mis en possession des bons de caisse, il est apparu que M. Y... avait détourné les fonds qui lui avaient été remis ; que M. Y... a été condamné par le tribunal correctionnel pour abus de confiance ; que M. X..., qui s'était constitué partie civile, s'est vu allouer une somme représentant celle versée par lui ; que la banque, déclarée civilement responsable de son préposé, a été condamnée, in solidum avec celui-ci, au paiement de cette somme ; que M. X... a assigné la banque devant le tribunal civil en paiement des intérêts conventionnels dus par elle sur la somme remise à M. Y... ;

Attendu que la banque fait grief à la cour d'appel d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans ses conclusions d'appel, la banque faisait valoir que M. X..., qui avait demandé et obtenu la condamnation sur le terrain délictuel, ne pouvait plus former une nouvelle action fondée sur les mêmes faits pour obtenir la condamnation sur le terrain contractuel ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a privé sa décision de motif, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, la partie qui a agi sur le terrain délictuel ne peut plus agir à raison des mêmes faits sur le terrain contractuel à peine de méconnaître la règle du non cumul des responsabilités ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. X... a obtenu la condamnation de la banque sur le fondement de sa responsabilité délictuelle, en raison du détournement des sommes par son préposé, M. Y... ; qu'en accueillant la demande de M. X... en paiement des intérêts de ces sommes, fondée cette fois sur le terrain contractuel, la cour d'appel a méconnu la règle du non-cumul, violant ainsi les articles 1384 alinéa 5 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la décision du tribunal correctionnel rejetant la demande en paiement des intérêts présentée par M. X..., au motif que ceux-ci n'étaient pas compris dans le préjudice résultant directement de l'infraction, ne mettait pas obstacle à ce que M. X... forme devant la juridiction civile la même demande qui avait pour objet non la réparation d'un dommage résultant d'une infraction mais l'exécution d'une convention ; qu'ainsi, dès lors que la demande présentée devant la juridiction pénale et celle présentée devant la juridiction civile n'avaient pas le même fondement, elle n'a pas méconnu le principe du non cumul de la responsabilité délictuelle et de la responsabilité contractuelle et a répondu aux conclusions invoquées ; que le moyen n'est fondé ni en l'une ni en l'autre de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la banque fait aussi grief à la cour d'appel d'avoir statué ainsi qu'elle l'a fait alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans ses conclusions d'appel la banque soutenait que M. Y... n'était pas habilité à recevoir les sommes versées et qu'en outre, aucun contrat n'avait pu se former entre la banque et M. X..., les sommes d'argent n'ayant jamais transité dans les comptes de la banque ; qu'en énonçant qu'il n'est pas contesté que M. Y... avait agi dans l'exercice de ses fonctions en recevant les sommes versées, la cour d'appel a dénaturé les conclusions claires et précises de la banque, violant ainsi les articles 1134 du Code civil et 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, les constatations du juge répressif sur l'existence du fait poursuivi sont des causes nécessaires de la décision pénale et sont en conséquence revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée ; qu'il résulte du jugement pénal définitif auquel M. X... a acquiescé que M. Y... n'était habilité à recevoir des fonds qu'à hauteur de 35 000 francs et qu'il n'avait aucun pouvoir pour effectuer des opérations financières avec les fonds qu'il recevait en espèces de la banque ; qu'en énonçant qu'il n'est pas contesté que M. Y... ait agi dans l'exercice de ses fonctions en recevant la somme de 3 560 000 francs destinée à une opération financière, la cour d'appel a violé l'article 1350 du Code civil et le principe de l'autorité absolue au civil de la chose jugée au pénal ; alors que, en outre l'obligation du mandant apparent a un fondement quasi-délictuel et non contractuel ; qu'en condamnant néanmoins la banque à payer à M. X... des intérêts contractuellement prévus, alors que son obligation n'aurait pu être que délictuelle, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1147 du Code civil et alors enfin, que l'obligation résultant du mandat est contractuelle tandis que celle résultant du mandat apparent est quasi-délictuelle ; que la cour d'appel énonce que la banque est engagée sur le fondement du mandat, qu'il soit réel ou apparent ; qu'en se déterminant ainsi, bien que le fondement de l'obligation de la banque ait eu une influence déterminante sur la solution du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que c'était en qualité de mandataire de son employeur et dans l'exercice de ses fonctions que M. Y... avait reçu les sommes versées par M. X..., qu'à supposer que ses pouvoirs aient été limités à hauteur d'une certaine somme, M. X... avait pu légitimement ignorer cette limitation et que la banque était engagée sur le fondement d'un mandat, que celui-ci ait été réel ou apparent ; qu'elle a fait ressortir à juste titre que, dans un cas comme dans l'autre, la demande n'avait pas de fondement délictuel ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, sans dénaturer les conclusions de la banque ni méconnaître l'autorité au civil de la chose jugée au pénal, elle a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la banque fait enfin grief à la cour d'appel de s'être prononcée comme elle l'a fait, alors, selon le pourvoi, qu'en matière de prêt d'argent, l'exigence d'un écrit mentionnant le taux de l'intérêt conventionnel est une condition de validité de la stipulation d'intérêt ; que la cour d'appel a déduit le montant des intérêts prétendument dus par la banque de la différence entre la somme versée par M. X... et celle prétendument promise par la banque ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses constatations que la convention litigieuse ne mentionnait pas le taux de l'intérêt conventionnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui en découlaient violant ainsi les articles 1907 alinéa 2 du Code civil et 4 de la loi du 28 décembre 1966 ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de la banque que celle-ci ait soutenu devant les juges du fond l'argumentation présentée par le moyen ; que, nouveau et mélangé de fait et de droit, celui-ci est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 86-12608
Date de la décision : 17/11/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Non-cumul des deux ordres de responsabilité - Domaine de la responsabilité contractuelle - Banque - Abus de confiance commis par un préposé - Demande en paiement d'intérêts de la somme détournée - Dommage indépendant du délit

* BANQUE - Responsabilité - Préposé - Faute pénale d'un préposé - Action civile en paiement des intérêts fondée sur l'inexécution d'une convention - Décision pénale condamnant la banque à rembourser le principal de la dette en qualité de commettant - Obstacle (non)

* CHOSE JUGEE - Identité d'objet - Responsabilité civile - Dommage - Réparation - Eléments non inclus dans une précédente action

Une juridiction pénale ayant rejeté une demande en paiement d'intérêts présentée par la partie civile au motif que ceux-ci n'étaient pas compris dans le préjudice résultant directement de l'infraction, c'est sans méconnaître le principe du non-cumul de la responsabilité délictuelle et de la responsabilité contractuelle qu'une cour d'appel, statuant en matière civile, a estimé que cette décision ne mettait pas obstacle à ce que la personne lésée forme devant la juridiction civile la même demande qui avait pour objet non la réparation d'un dommage résultant d'une infraction mais l'exécution d'une convention .


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 25 février 1986


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 nov. 1987, pourvoi n°86-12608, Bull. civ. 1987 IV N° 241 p. 179
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 IV N° 241 p. 179

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Baudoin
Avocat général : Avocat général :M. Jéol
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Peyrat
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, M. Choucroy .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.12608
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