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04/11/1987 | FRANCE | N°86-93702

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 1987, 86-93702


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la compagnie d'assurances " La Protectrice ", partie intervenante,
contre un arrêt de la cour d'appel de Nîmes (chambre correctionnelle) en date du 7 mars 1986 qui, dans une procédure suivie contre X... du chef de blessures involontaires, l'a déclarée tenue à garantie pour le compte de qui il appartiendra.
LA COUR,
Vu le mémoire produit et les observations présentées pour le Fonds de garantie automobile ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 211-1 du Code des assurances, 385-1, 38

5-2, 388-1, 388-2, 388-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut ...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la compagnie d'assurances " La Protectrice ", partie intervenante,
contre un arrêt de la cour d'appel de Nîmes (chambre correctionnelle) en date du 7 mars 1986 qui, dans une procédure suivie contre X... du chef de blessures involontaires, l'a déclarée tenue à garantie pour le compte de qui il appartiendra.
LA COUR,
Vu le mémoire produit et les observations présentées pour le Fonds de garantie automobile ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 211-1 du Code des assurances, 385-1, 385-2, 388-1, 388-2, 388-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'exception de nullité du contrat présentée par la compagnie La Protectrice et a dit qu'elle serait tenue de verser les sommes dues pour le compte de qui il appartiendra ;
" aux motifs propres et adoptés que l'assureur a saisi le tribunal de grande instance d'Avignon statuant en matière civile aux fins de nullité du contrat d'assurance consenti au propriétaire de la voiture conduite par Alain X... antérieurement à la décision pénale, qu'en conséquence la juridiction pénale ne peut se saisir de la question de la garantie en l'absence du souscripteur de la police d'assurance ;
" alors, de première part, que la cour d'appel qui déclare que le juge pénal ne peut se saisir de la question de garantie en raison de la saisine antérieure du juge civil sans énoncer les règles de droit qui font obstacle en pareil cas à la recevabilité de l'exception de nullité soulevée par la partie intervenante, a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs violant ainsi l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" alors, de deuxième part, et à supposer même que la Cour ait implicitement admis qu'il y avait litispendance entre les instances civiles et pénales, qu'elle ne pouvait néanmoins se dessaisir au profit de la juridiction civile première saisie, dans la mesure où la loi du 8 juillet 1983 a, dans l'hypothèse où l'assureur est appelé à intervenir devant le juge pénal, donné compétence exclusive à ce dernier pour connaître de l'exception de nullité soulevée par la compagnie d'assurances ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour a violé les textes susvisés ;
" alors, de troisième part, qu'il résulte des dispositions de la loi du 8 juillet 1983- qui, dans l'intérêt des victimes, ont pour but de concentrer devant le juge répressif saisi le contentieux de la réparation-que l'assureur assigné devant le juge pénal en intervention forcée doit obligatoirement et ce, à peine de forclusion, présenter les exceptions de nullité dont il veut se prévaloir ; que la recevabilité d'une telle exception que l'assureur est ainsi contraint de présenter devant le juge pénal est soumise à la seule condition que l'exception soit de nature à exonérer totalement l'assureur ; qu'ainsi la cour d'appel qui, en l'absence de toute règle interdisant à l'assureur de présenter devant le juge pénal l'exception de nullité du contrat après avoir saisi le juge civil, s'est fondée sur cette seule circonstance pour décider que le juge pénal ne pouvait se saisir de la question de garantie, a ensemble méconnu l'étendue de sa saisine et violé les articles 385-1, 385-2, 388-1, 388-2 et 388-3 du Code de procédure pénale ;
" alors, de quatrième part, que l'article L. 211-1 du Code des assurances institue une stipulation légale pour autrui autorisant le promettant à opposer au tiers bénéficiaire de la promesse toutes les exceptions de nullité contemporaines de la formation du contrat y compris celles fondées sur le dol du stipulant, ce qui implique que nonobstant l'absence aux débats du souscripteur du contrat, l'assureur peut opposer au conducteur tiers bénéficiaire de la stipulation toutes les causes de nullité qu'il pourrait opposer à son cocontractant ; qu'ainsi la Cour qui, pour déclarer irrecevable l'exception soulevée par l'assureur, s'est fondée sur la circonstance que le souscripteur du contrat n'était pas présent en la cause, a violé les textes susvisés ;
" et alors enfin et au demeurant, que le juge pénal tire des textes susvisés et de ses pouvoirs généraux d'investigation, la faculté de faire appeler en la cause l'assuré, si la présence de celui-ci apparaît nécessaire pour apprécier le bien-fondé de l'exception de nullité de l'assurance relevée par l'assureur pour décliner sa garantie " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que X..., conduisant une automobile dont le propriétaire, Y..., avait souscrit une police d'assurance auprès de la compagnie La Protectrice, a involontairement causé des blessures à Corinne Z... ; que par jugement du 2 mai 1983, devenu définitif, le tribunal correctionnel l'a déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident et a ordonné une expertise médicale de la victime ;
Attendu que le 10 novembre 1983 la compagnie La Protectrice a fait assigner X... et Y... devant la juridiction civile à laquelle elle a demandé de prononcer la nullité du contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle du souscripteur quant à l'identité du conducteur habituel du véhicule ;
Attendu qu'en janvier 1985 Corinne Z... a assigné X... devant le tribunal correctionnel, sollicitant la réparation de son préjudice au vu du rapport d'expertise ; que la compagnie d'assurances à laquelle la procédure avait été dénoncée est intervenue et, faisant état de l'instance pendante devant la juridiction civile, a demandé au juge répressif, à titre principal, de surseoir à toute condamnation la concernant, et subsidiairement, de se prononcer lui-même sur la validité du contrat d'assurance ;
Attendu que la juridiction du second degré, statuant en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et du Fonds de garantie, a condamné X... à payer diverses sommes à la partie civile et à la caisse primaire et, déclarant irrecevable l'exception de nullité soulevée par l'assureur, a dit celui-ci tenu de garantir X..., pour le compte de qui il appartiendra, du paiement des sommes mises à sa charge ;
Attendu, en cet état, que la demanderesse ne saurait faire grief aux juges d'avoir déclaré l'exception de nullité irrecevable, fût-ce par un motif erroné, mais surabondant, relatif à l'intervention nécessaire du souscripteur du contrat, dès lors que leur compétence n'était pas exclusive et qu'ils constataient que l'assureur, ayant préalablement saisi la juridiction civile d'une action en nullité du contrat, ne s'était pas désisté de cette instance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 385-1, 385-2, 388-1, 388-2, 388-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer sur la demande de dommages-intérêts formée par la partie civile et a condamné la compagnie La Protectrice, assureur du véhicule conduit par l'auteur du dommage, qui excipait de la nullité de la police souscrite par le propriétaire de celui-ci, à payer les dommages-intérêts alloués à la victime " pour le compte de qui il appartiendra " ;
" aux motifs que l'assureur a saisi le juge civil aux fins de nullité du contrat d'assurance consenti au propriétaire de la voiture conduite par Alain X... antérieurement à la décision pénale ; que la juridiction pénale ne peut donc se saisir de la question de garantie ; que c'est donc à bon droit que la demande de l'assureur a été déclarée irrecevable par le tribunal correctionnel, la compagnie étant tenue de régler les sommes dues pour le compte de qui il appartiendra ;
" alors, d'une part, que la cour d'appel qui, sans adopter expressément ou implicitement les motifs des premiers juges, a rejeté la demande de sursis à statuer formée par l'assureur sans aucunement s'expliquer sur les motifs de ce rejet a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant ainsi l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, et à supposer même que la Cour ait adopté les motifs du jugement entrepris, que le juge qui s'estime insuffisamment informé pour apprécier la portée du moyen soulevé par une partie ne pouvant rejeter la demande de celle-ci sans, au préalable, ordonner toute mesure d'investigation nécessaire à son information, la Cour ne pouvait rejeter la demande de sursis à statuer formée par la compagnie La Protectrice en se bornant à constater qu'en l'état des éléments qui lui étaient soumis elle n'était pas en mesure d'apprécier si la nullité invoquée était opposable aux tiers et ne pouvait de ce fait différer l'indemnisation de la victime ; qu'en statuant ainsi la Cour a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs " ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 385-1, 385-2, 388-1, 388-2, 388-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la décision opposable à l'assureur et a décidé qu'il serait tenu pour le compte de qui il appartiendra ;
" aux motifs que la compagnie La Protectrice sera tenue pour le compte de qui il appartiendra en l'état de la contestation sur la garantie ;
" alors que, la cour d'appel qui déclare que l'examen de l'exception de nullité présentée par l'assureur ne relève pas de sa compétence mais de celle du juge civil antérieurement saisi et qui se refuse ainsi à se prononcer sur l'existence de la garantie due par l'assureur au conducteur du véhicule, ne saurait, sans violer les textes susvisés, condamner l'assureur à verser le montant des dommages-intérêts pour le compte de qui il appartiendra " ;
Ces moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que pour rejeter la demande de sursis à statuer présentée par la compagnie La Protectrice et condamner celle-ci à garantir X..., pour le compte de qui il appartiendra, du paiement des sommes mises à sa charge au profit de Corinne Z... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, la juridiction du second degré se borne, en adoptant implicitement les motifs du Tribunal, à énoncer qu'elle " ne saurait différer l'indemnisation de la victime par un sursis à statuer " ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi sans indiquer sur quel fondement légal elle prononçait cette condamnation et sans vérifier, en particulier, que les conditions d'application de l'article R. 420-8 du Code des assurances étaient réunies en l'espèce, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes en date du 7 mars 1986, mais seulement en ce qu'il a prononcé contre la compagnie d'assurances La Protectrice une condamnation pour le compte de qui il appartiendra, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-93702
Date de la décision : 04/11/1987
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ASSURANCE - Action civile - Intervention de l'assureur - Juridictions pénales - Exception de nullité du contrat - Irrecevabilité - Instance en nullité pendante devant la juridiction civile.

1° Un assureur ne saurait faire grief à une cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable son exception de nullité du contrat d'assurance dès lors qu'il avait lui-même saisi la juridiction civile d'une instance en annulation dudit contrat et ne s'était pas désisté de cette action

2° ASSURANCE - Action civile - Intervention de l'assureur - Juridictions pénales - Exception de nullité du contrat - Irrecevabilité - Condamnation de l'assureur pour le compte de qui il appartiendra - Conditions.

2° En l'état d'une contestation sur la validité du contrat d'assurance, contestation dont est saisie la juridiction civile, la juridiction pénale a compétence pour prononcer contre l'assureur une condamnation pour le compte de qui il appartiendra . Mais elle ne peut le faire que si et dans la mesure où les conditions d'application de l'article R. 420-8 du Code des assurances sont remplies, ce qu'il lui appartient de vérifier


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes (chambre correctionnelle), 07 mars 1986

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1987-05-05 , Bulletin criminel 1987, n° 177, p. 477 (cassation partielle). (2°). Chambre criminelle, 1987-05-05 , Bulletin criminel 1987, n° 177, p. 477 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 1987, pourvoi n°86-93702, Bull. crim. criminel 1987 N° 385 p. 1014
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 385 p. 1014

Composition du Tribunal
Président : Président :M. de Bouillane de Lacoste, conseiller le plus ancien faisant fonction . -
Avocat général : Avocat général :M. Clerget
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Brégeon
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, M. Coutard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.93702
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