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04/11/1987 | FRANCE | N°85-90290

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 1987, 85-90290


REJET des pourvois formés par :
1) X... Robert,
2) Y...André,
parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel de Rouen (chambre des appels correctionnels) en date du 11 décembre 1984 qui, dans des poursuites contre Jean Z... du chef de complicité d'infraction à l'article 227 du Code pénal, les a déboutés de leurs demandes.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Attendu que, André Y... étant décédé, son fils Gauthier Y... a repris l'instance en sa qualité d'héritier ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pr

is de la violation des articles 226 et 227 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale,...

REJET des pourvois formés par :
1) X... Robert,
2) Y...André,
parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel de Rouen (chambre des appels correctionnels) en date du 11 décembre 1984 qui, dans des poursuites contre Jean Z... du chef de complicité d'infraction à l'article 227 du Code pénal, les a déboutés de leurs demandes.
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Attendu que, André Y... étant décédé, son fils Gauthier Y... a repris l'instance en sa qualité d'héritier ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 226 et 227 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté les parties civiles de leur demande tendant à voir le prévenu, avocat d'une partie civile dans les poursuites les concernant, condamné comme complice de la publication de commentaires, notamment dans une revue périodique destinée à des magistrats, tendant à exercer des pressions sur la décision de la juridiction d'instruction saisie desdites poursuites ;
" aux motifs que les articles visés dans la citation ayant paru dans des organes de presse périodique et contenant l'avis de Jean Z... sur une affaire soumise à une juridiction d'instruction et susceptible d'aboutir à une décision juridictionnelle, constituent bien des commentaires publiés au sens de l'article 227 du Code pénal ; que la pression visée par cet article est celle qui naît de l'influence d'une presse qui persuade le lecteur ou l'opinion publique par une accumulation de faits, d'explications ou de documents contre laquelle ils peuvent difficilement lutter ;
" qu'il suffit que l'auteur de l'infraction ait pu prévoir la possibilité d'une pression sur la décision des juridictions ; qu'en l'espèce, Jean Z... a développé, sur une affaire faisant l'objet d'une information judiciaire, ses opinions et convictions sur un ton de vive polémique ; qu'il a émis sur la culpabilité des inculpés et sur le déroulement de la procédure des appréciations, suggestions ou même recommandations, mais qu'on ne peut y voir des procédés tendant à jeter le discrédit sur les magistrats ou leurs décisions ; que les commentaires incriminés ont paru dans des publications périodiques n'intéressant pas le grand public mais destinées à une clientèle restreinte ; que ces commentaires, dont le ton n'est ni menaçant, ni d'une particulière virulence, ne pouvaient être considérés par leur auteur au moment où il les exprimait, comme ayant pour conséquence logique de contraindre moralement la juridiction d'instruction saisie à prendre une décision particulière ;
" alors, d'une part, que le délit de l'article 227 du Code pénal est constitué lorsque les commentaires incriminés tendent à l'exercice d'une pression sur la décision des juridictions ; qu'il importe peu que les magistrats aient été effectivement influencés ; que, dès lors, en estimant que les commentaires incriminés ne seraient punissables que lorsque leur auteur pouvait les considérer comme ayant pour conséquence logique de contraindre moralement la juridiction d'instruction saisie à prendre une décision particulière, la Cour a violé les dispositions de l'article susvisé en y ajoutant un élément constitutif qu'il ne comporte pas ;
" alors, d'autre part, que la Cour a elle-même constaté que Jean Z... avait développé notamment dans une revue périodique destinée à des magistrats, et sur un ton de vive polémique, ses opinions et convictions, sur une affaire faisant l'objet d'une information judiciaire dans laquelle il était l'avocat d'une des parties civiles et qu'il avait émis sur la culpabilité des prévenus et sur le déroulement de la procédure des appréciations, suggestions ou même recommandations ; que la Cour n'a dès lors pas déduit de ses propres constatations, et abstraction faite du motif erroné critiqué par la première branche du moyen et des motifs inopérants pris de ce que les commentaires incriminés ne tendaient pas à jeter le discrédit sur les magistrats ou leurs décisions et n'avaient pu avoir d'influence sur l'opinion publique ou d'éventuels témoins, les conséquences légales qui en découlaient nécessairement en estimant néanmoins que le délit de l'article 227 n'était pas constitué ; qu'il en résulte, en effet, que les articles incriminés tendaient dans les termes et en les formes où ils étaient établis à exercer des pressions sur la décision du juge d'instruction saisi " ;
Attendu que, à la suite de deux déclarations de l'avocat Jean Z... publiées, l'une, par la " revue politique et parlementaire " et, l'autre, par la " revue justice, journal du syndicat de la magistrature ", ledit Z... a été poursuivi devant les juges correctionnels, à la requête de Robert X... et André Y..., pour complicité d'infraction à l'article 227 du Code pénal ; que dans ces deux déclarations, Z..., alors conseil d'une partie civile dans une procédure d'information suivie contre X... et Y... du chef d'infraction à l'ordonnance du 26 août 1944 sur l'organisation de la presse, exposait en premier lieu une thèse qui, selon les énonciations des juges du fond, ne différerait pas sensiblement de celle qu'il avait soumise au magistrat instructeur et qui consistait à soutenir que, par la constitution même du groupe de presse que dirigeaient X... et Y..., ceux-ci avaient méconnu les dispositions de l'ordonnance précitée ; que, d'autre part, Z... alléguait, dans l'une et l'autre déclarations, que la constitution de ce groupe aurait entraîné la commission d'infractions aux lois sur les sociétés et, notamment, d'abus de biens sociaux ; qu'enfin il exprimait, dans le premier article, le souhait que les députés appartenant à la majorité parlementaire de l'époque ne prennent pas, à l'égard de l'information ci-dessus mentionnée visant X... et Y..., une décision de suspension des poursuites et, dans le second article, celui que le Gouvernement soutenu par ladite majorité adopte les mesures nécessaires pour combattre l'action de X... et Y..., les déclarations rapportées dans ce second article se concluant par les mots : " voilà comment l'utilisation des mécanismes des groupes de sociétés permet d'essayer de déjouer les dispositions légales et, face à une volonté politique gouvernementale qui n'apparaît pas clairement, on peut légitimement poser la question suivante : X... peut-il échapper à la loi ? ou en termes politiques : X... peut-il échapper à la gauche ?... à moins qu'on ne se demande si... la gauche peut échapper à X... ? " ;
Attendu que, quelque polémique que soit, à l'égard de Robert X... et André Y..., le ton de ces déclarations, quelque graves que soient les imputations qu'elles comportent à leur égard, quelque pressant que soit le souhait exprimé par Jean Z... de voir le Gouvernement et la majorité parlementaire adopter des mesures propres à assurer l'engagement et la conduite de poursuites pénales contre ces deux personnes, la cour d'appel qui a relevé que les articles incriminés, " dont le ton n'est pas menaçant " à l'égard de la juridiction d'instruction saisie ne peuvent être analysés comme visant à faire peser une contrainte sur cette juridiction et " à la déterminer à prendre une décision particulière " ou inciter un témoin " à faire un témoignage non conforme à l'entière vérité ", a estimé à bon droit qu'il ne résultait pas de ces articles que, dans les termes et en les formes où ils ont été établis, ils tendaient à exercer des pressions sur les déclarations des témoins ou sur la décision des juridictions d'instruction ou de jugement ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-90290
Date de la décision : 04/11/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Commentaires avant décision juridictionnelle - Pression sur la décision des juges - Nécessité

* PRESSE - Commentaires avant décision juridictionnelle - Pression sur la décision des juges - Contrôle de la Cour de Cassation

L'article 227 du Code pénal n'incrimine les commentaires publiés avant l'intervention d'une décision juridictionnelle définitive que dans la mesure où ils tendent à exercer des pressions sur les déclarations des témoins ou la décision des juridictions d'instruction ou de jugement . La Cour de Cassation a le contrôle du point de savoir, au vu desdits commentaires, si dans les termes et en la forme où ils sont établis, ils tendaient à exercer lesdites pressions


Références :

Code pénal 227

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen (chambre correctionnelle), 11 décembre 1984

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1961-05-15, Bulletin criminel 1961, n° 257 p. 494 (rejet) ; Chambre criminelle, 1963-03-02, Bulletin criminel 1963, n° 164 p. 334 (rejet) ;


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 1987, pourvoi n°85-90290, Bull. crim. criminel 1987 N° 388 p. 1024
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 388 p. 1024

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Clerget
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Jean Simon
Avocat(s) : Avocat :la SCP de Chaisemartin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.90290
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