REJET des pourvois formés par :
- la compagnie Assurances générales de France, partie intervenante,
- Ferhoune X..., veuve Larbi Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens de ses enfants mineurs Philippe, Dalila, Dreifa, Saïd, Abdallah, Macira, Wacila, Salini, Y... Brigitte, Roumilla, Y... Jean-Claude, Amar, parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'assises du département d'Eure-et-Loir en date du 4 novembre 1985 qui après avoir condamné André Z... du chef d'homicide involontaire sur la personne de Larbi Y... par arrêt du 26 février 1985, a prononcé sur les intérêts civils, déclaré la compagnie Assurances générales de France tenue à garantie et mis hors de cause la compagnie Mutuelle assurances des commerçants et industriels de France.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense par les compagnies Assurances générales de France et Mutuelle assurances des commerçants et industriels de France ;
Sur le pourvoi des consorts Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ;
Sur le pourvoi de la compagnie Assurances générales de France :
Sur le premier et le deuxième moyens proposés par la demanderesse, le premier, pris de la violation des articles 1384, alinéa 5, du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme A... civilement responsable de son préposé André Z... et a dit que la compagnie Assurances générales de France devra garantir André Z... et Mme A... des condamnations prononcées contre lui sur la demande des consorts Y... ;
" aux motifs qu'il ressort des éléments de l'enquête et de l'information que de façon régulière, en fin de journée et le dimanche, André Z... venait servir au bar et s'occuper de la cave ; que le jour des faits, il est intervenu pour régler un différend avec un consommateur, Larbi Y..., qui se plaignait de n'avoir pas reçu le lot qu'il disait avoir gagné dans l'établissement ; qu'il a ensuite entrepris de l'expulser en raison du scandale qu'il faisait ; qu'au cours de toute la scène Z... s'est manifestement comporté comme un représentant de la direction ; que pour dénier l'existence d'un lien de préposition occasionnel on ne saurait tirer argument de l'absence de rémunérations ; qu'il est certain en revanche que les époux A... tiraient avantage de la collaboration régulière et fréquente que leur apportait André Z..., concubin de leur fille Martine ; que dès lors il y a lieu de retenir Mme Jeanne A... comme civilement responsable aux termes de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil des faits établis à l'encontre d'André Z... ; que M. André A... avait souscrit en 1978 auprès de la compagnie AGF un contrat d'assurances portant le numéro 70 651 983 qui, en l'article Ier à A 2e alinéa des conditions générales, garantissait sa responsabilité civile lorsque les dommages avaient été causés par des préposés et résultaient de l'exploitation ;
" alors que l'arrêt attaqué, qui n'a pas dénié que Z... était salarié d'une autre entreprise, n'a pas constaté que, le jour et au moment des faits, celui-ci, dont elle n'a retenu que la qualité de préposé occasionnel, servait au bar et s'occupait de la cave ; que dès lors, en se bornant à relever que Z... s'était " comporté comme un représentant de la direction ", la Cour n'a pas caractérisé un état de subordination ni l'existence du lien de préposition contesté " ;
le deuxième, pris de la violation des articles 1384, alinéa 5, du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme A... civilement responsable de son préposé André Z... et a dit que la compagnie Assurances générales de France devra garantir André Z... et Mme A... des condamnations prononcées contre lui sur la demande des consorts Y... ;
" aux motifs que la compagnie défenderesse ne saurait valablement soutenir qu'André Z... a commis un abus de fonction en se livrant à des voies de fait sur la personne d'un consommateur, et que son comportement aurait eu ainsi un caractère imprévisible ; que tout d'abord la qualification retenue par la cour d'assises est exclusive de tout acte volontaire à la charge de l'accusé et qu'au surplus l'analyse des circonstances de la cause démontre bien que Z... est intervenu dans le cadre des fonctions de préposé occasionnel ;
" alors que l'arrêt attaqué a seulement retenu qu'en fin de journée et le dimanche, Z... venait servir au bar et s'occuper de la cave et avait agi au moment des faits en qualité de préposé occasionnel ; que dès lors en omettant de rechercher si l'initiative prise par Z... d'expulsion par la force d'un consommateur n'avait pas constitué un abus de fonction, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'André Z... a été condamné par arrêt de la cour d'assises du département d'Eure-et-Loir en date du 26 février 1985 à la peine de 1 d'emprisonnement avec sursis pour homicide involontaire commis le 31 juillet 1982 sur la personne de Larbi Y... ;
Attendu que statuant par l'arrêt attaqué sur les intérêts civils, la cour d'assises, pour dire Jeanne A... responsable des conséquences dommageables du délit mis à la charge de Z..., qui avait fait assigner celle-ci en qualité de civilement responsable, énonce qu'il ressort des éléments de la cause que le condamné, concubin de la fille des époux A..., qui exploitent un hôtel-restaurant à Dreux, venait dans cet établissement de façon régulière en fin de journée et le dimanche pour servir au bar et s'occuper de la cave ; qu'elle constate que le jour des faits, André Z... est intervenu pour régler un différend avec Larbi Y..., consommateur qui se plaignait de ne pas avoir reçu un lot qu'il disait avoir gagné dans ledit établissement et a tenté d'expulser ce client ; qu'elle ajoute que pendant cette scène, au cours de laquelle Y... a été blessé par Z..., celui-ci s'est manifestement comporté comme " le représentant de la direction " ; qu'elle en déduit que Z... a agi dans le cadre de ses fonctions de préposé, fussent-elles occasionnelles, des époux A..., lesquels ont tiré avantage de sa collaboration régulière et fréquente et qu'il importe peu que l'intéressé n'ait reçu aucune rémunération pour son travail ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui, d'une part, suffisent à caractériser l'existence d'un lien de subordination supposant de la part du commettant le pouvoir de faire acte d'autorité en donnant à son préposé des ordres ou instructions sur la manière de remplir, même à titre temporaire et sans contrepartie financière, l'emploi confié et qui, d'autre part, établissent que l'infraction, commise au temps et au lieu du travail, n'était pas indépendante du lien de préposition unissant Z... et les époux A..., la cour d'assises a justifié sa décision ;
Qu'il s'ensuit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 114-1 du Code des assurances, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'article L. 114-1 du Code des assurances invoquée par la compagnie Assurances générales de France ;
" aux motifs que les droits de l'assuré contre les AGF n'ont pris naissance que le 26 février 1985, date à laquelle la cour d'assises a déclaré Z... coupable du délit d'homicide involontaire ; qu'antérieurement à cet arrêt, ni Z..., inculpé de coups mortels, ni les époux A... ne pouvaient envisager un quelconque recours en garantie ;
" alors qu'en matière d'assurances de responsabilité, la constitution de partie civile de la victime fait courir le délai de la prescription biennale ; que dès lors, en fondant sa décision sur le fait que les droits de l'assuré n'auraient pris naissance qu'au jour de l'arrêt du 26 février 1985 déclarant Z... coupable, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'André Z... a également fait assigner devant la cour d'assises la compagnie Assurances générales de France auprès de laquelle avait été souscrit un contrat d'assurance garantissant les dommages causés par les préposés des époux A... ou ceux résultant de l'exploitation de leur établissement ;
Attendu qu'après avoir déclaré recevable la mise en cause effectuée par le condamné au regard des dispositions de l'article 388-2 du Code de procédure pénale, la cour d'assises a dit les Assurances générales de France tenues à garantie et a écarté l'argumentation de cette compagnie qui soutenait, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 114-1 du Code des assurances, que la prescription de l'action de l'assuré contre l'assureur prévue par ce texte était acquise, plus de deux ans s'étant écoulés entre les constitutions de partie civile des ayants droit de la victime, intervenues en cours d'information le 20 août 1982 et le 12 février 1983, et l'assignation délivrée à la requête de Z... le 24 avril 1985 ;
Attendu qu'en cet état, il ne saurait être reproché aux juges d'avoir méconnu les dispositions de l'article L. 114-1 susvisé dont il résulte que lorsque l'action de l'assuré ou du bénéficiaire de la garantie a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré, dès lors qu'en l'espèce les consorts Y..., qui d'ailleurs, pour certains d'entre eux, se sont seulement constitués parties civiles à l'encontre de Z... lors de l'audience de la cour d'assises des 25 et 26 février 1985, n'ont formulé leurs demandes de réparations auprès de la juridiction de jugement qu'à partir de ces dates ;
Que, dès lors, le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.