CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement et sans renvoi sur le pourvoi formé par la société anonyme Valor-Acier, partie civile, contre un arrêt de la cour d'appel de Dijon, Chambre correctionnelle, en date du 14 mai 1986, qui, dans une procédure suivie contre X... Philippe pour émission de chèque sans provision, a confirmé le jugement déboutant la partie civile et a condamné celle-ci à des réparations civiles envers le prévenu et un tiers appelé en la cause.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 472, 515, 516 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur le seul appel de la partie civile d'un jugement ayant prononcé la relaxe du prévenu, après avoir confirmé ce jugement, l'a condamnée à payer au prévenu la somme de 5 000 francs, à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que l'article 475-1 du Code de procédure pénale, qui bénéficie à la partie civile et non au prévenu relaxé, est invoqué à tort par X... ; qu'en revanche, par application de l'article 472 dudit Code, celui-ci est en droit d'obtenir de la SA Valor-Acier, qui a choisi témérairement la voie de la citation directe et de l'appel pour recouvrer sa créance, des dommages-intérêts ;
" alors que l'article 472 du Code de procédure pénale ne peut être appliqué pour la première fois devant la cour d'appel que dans les conditions posées par l'article 516 du même Code, qui supposent que la Cour prononce le renvoi du prévenu des fins de la poursuite par réformation du jugement ; qu'ainsi, en l'espèce, la Cour, statuant sur le seul appel de la SA Valor-Acier, partie civile, ne pouvait, après avoir confirmé le jugement qui ne l'avait pas condamnée à verser au prévenu des dommages-intérêts, condamner cette société pour la première fois sur le fondement de l'article 472 ;
" alors en tout état que l'application de l'article 472 du Code de procédure pénale est subordonnée à la condition que la mise en mouvement de l'action publique par la partie civile résulte d'une faute lourde commise par celle-ci ; qu'une telle faute ne peut se déduire du seul exercice du droit de citation directe, ouvert par les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, non plus que de l'exercice de l'appel relevé par la partie civile ouvert par l'article 497 du Code de procédure pénale, l'appel ne pouvant au demeurant à lui seul justifier l'application de l'article 472 ;
" d'où il résulte que la Cour ne pouvait condamner la société Valor-Acier, victime de l'émission d'un chèque retourné impayé pour défaut de provision, en se fondant sur le seul choix opéré par celle-ci de la citation directe et de l'appel " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 516 du Code de procédure pénale dans le cas où la cour d'appel réforme le jugement déféré et relaxe le prévenu, celui-ci, s'il demande des dommages-intérêts dans les conditions prévues à l'article 472 du même Code, porte directement sa demande devant la cour d'appel ;
Attendu que la société Valor-Acier, partie civile, a fait citer directement Philippe X... devant le tribunal correctionnel pour avoir émis un chèque sans provision d'un montant de 76 911, 09 francs et qu'il a été relaxé, la preuve de sa mauvaise foi n'étant pas établie ;
Attendu que l'arrêt attaqué, sur le seul appel de la partie civile, après avoir confirmé le jugement, a énoncé que ladite partie civile avait choisi la voie de la citation directe et l'usage de l'appel et, se fondant sur les dispositions des articles 412 et 516 du Code de procédure pénale, a condamné la société Valor-Acier à payer 5 000 francs de dommages-intérêts à Philippe X... ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que le renvoi du prévenu des fins de la poursuite était définitif, l'appel de la seule partie civile ne pouvant remettre en cause l'action publique, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 475-1 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt a condamné la société Valor-Acier à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 2 000 francs ;
" aux motifs que, " à juste titre, la société Lyonnaise de Banque réclame le remboursement des frais que lui a occasionnés la singulière procédure dirigée contre elle " ;
" alors que, ni l'article 475-1 du Code de procédure pénale, invoqué par la Société Lyonnaise de Banque, ni aucun texte du Code de procédure pénale ne donnait à la Cour le pouvoir de condamner la société Valor-Acier, partie civile, à rembourser à la banque les frais non compris dans les dépens exposés par celle-ci " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'article 475-1 du Code de procédure pénale énonce que lorsqu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la partie civile, les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais et dépens, le jugement peut condamner l'auteur de l'infraction à lui payer le montant qu'il détermine ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que la société Valor-Acier, partie civile, a fait citer en cause d'appel la société Lyonnaise de Banque, que ladite société a demandé à la Cour de condamner la partie civile à lui payer une somme de 5 000 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que la cour d'appel après avoir énoncé que la mise en cause de la société Lyonnaise de Banque n'avait aucun fondement légal et que la demande était irrecevable, lui a alloué une somme de 2 000 francs pour le remboursement des frais occasionnés par la procédure dirigée contre elle par la société Valor-Acier ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 475-1 ne peut être invoqué que par la partie civile à l'encontre de l'auteur de l'infraction, la cour d'appel a méconnu les dispositions ci-dessus rappelées ;
D'où il suit que la cassation est aussi encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon du 14 mai 1986, dans ses seules dispositions civiles concernant la condamnation de la société Valor-Acier à payer des dommages-intérêts sur le fondement des articles 472 et 475-1 du Code de procédure pénale, toutes autres dispositions de l'arrêt étant expressément maintenues ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
Dit que cette cassation aura lieu par voie de retranchement et sans renvoi.