CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... (Antonio),
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Pau du 14 novembre 1986 qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du Gouvernement espagnol, a rejeté sa demande de mise en liberté.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 14, alinéa 2, de la loi du 10 mars 1927, de l'article 197 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué et de la procédure que la chambre d'accusation a rejeté la demande de mise en liberté déposée par M. X... et a maintenu en tant que de besoin l'écrou extraditionnel du 2 octobre 1986 sans qu'aient été observées les formalités prévues par l'article 197 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que, s'il est vrai que l'arrêt attaqué ne mentionne pas l'envoi des lettres recommandées à X... et à son conseil pour les aviser de la date de l'audience à laquelle la chambre d'accusation devait statuer sur la demande de mise en liberté présentée par cet étranger en application de l'article 14 de la loi du 10 mars 1927 et dès lors soumise aux formalités des articles 197 et suivants du Code de procédure pénale, il appert de ses énonciations, d'une part, que le dossier comprenant les réquisitions du procureur général, déposé au greffe de la juridiction saisie, a été mis à la disposition des parties, et, d'autre part, que X..., qui a eu la parole le dernier, a comparu en personne assisté de son avocat lequel a été entendu en ses observations sans formuler aucune réserve ;
Attendu que l'omission relevée par le demandeur n'a pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ; qu'en application de l'article 802 du Code de procédure pénale, la Cour de Cassation ne peut prononcer la nullité ;
Que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 16, alinéa 4, et 22 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, défaut de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté présentée par M. X... et en tant que de besoin a maintenu l'écrou extraditionnel du 2 octobre 1986 ;
" aux motifs, d'une part, que X... Antonio ayant été placé sous écrou le 2 octobre 1986, alors que les pièces afférentes à la demande d'extradition ayant été reçues à Paris le 12 novembre, le délai de 40 jours était expiré ; qu'il en résulte qu'au cas où X... eût été remis en liberté, la demande d'extradition désormais parvenue à Pau eût motivé une nouvelle arrestation immédiate en application de l'article 16, alinéa 5, qui prévoit expressément que " la mise en liberté ne s'opposera pas à une nouvelle arrestation et à l'extradition si la demande d'extradition parvient ultérieurement, c'est-à-dire au-delà du délai de 40 jours " ;
" aux motifs, d'autre part, que pour une bonne administration de la justice, il y a lieu de dire que l'ordre d'écrou extraditionnel est resté en vigueur et doit être maintenu dès lors que la demande d'extradition et les documents annexes sont parvenus aux autorités françaises avant que la chambre d'accusation n'ait été amenée à statuer ;
" alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 16, alinéa 4, de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, seul texte applicable en la cause, la Partie requise a l'obligation absolue de mettre fin à l'arrestation provisoire de l'étranger placé sous écrou extraditionnel lorsqu'un délai de 40 jours s'est écoulé sans qu'elle ait été saisie de la demande d'extradition et des pièces mentionnées à l'article 12 de la Convention, ce qui était précisément le cas en l'espèce, selon les propres énonciations de l'arrêt ;
" alors, d'autre part, que la Convention européenne d'extradition qui prévoit l'acceptation de règles uniformes en matière d'extradition a une portée différente de celle des traités bilatéraux d'extradition et qu'il résulte en particulier des dispositions combinées des articles 16 et 22 de la Convention susvisée que la personne dont l'extradition est demandée puise dans ce texte un titre dont elle peut exciper devant la juridiction française pour réclamer sa libération ;
" alors, enfin, que le recours à la notion de bonne administration de la justice ne permet pas de prolonger un ordre d'écrou d'ores et déjà périmé ; qu'il appartenait par conséquent à la chambre d'accusation, conformément aux principes applicables en matière de détention provisoire, de constater que M. X... n'était plus détenu en vertu d'un titre régulier et d'ordonner sa mise en liberté " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 13 et 19 de la loi du 10 mars 1927 ;
Attendu qu'en cas d'urgence la personne recherchée en vue d'une extradition peut, sur demande des autorités compétentes de la Partie requérante, faire l'objet d'une arrestation provisoire ; que selon la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 cette arrestation provisoire dont le terme est la date de réception par le ministère des Affaires étrangères de la demande d'extradition et des pièces y afférentes ne devra, en aucun cas, excéder quarante jours ;
Attendu que pour rejeter la demande de mise en liberté formée par X... à l'occasion de laquelle celui-ci alléguait que son arrestation provisoire avait duré plus de quarante jours, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que cet étranger avait été placé sous écrou extraditionnel le 2 octobre 1986 et que les pièces de l'extradition avaient été reçues le 12 novembre 1986 alors que le délai prévu à l'article 16-4 de la Convention européenne d'extradition était écoulé, énonce qu'au cas où X... eût été mis en liberté, la demande d'extradition et les documents annexes, parvenant ultérieurement, eussent motivé une nouvelle arrestation immédiate, " qu'en conséquence, pour une bonne administration de la justice, il y a lieu de dire que l'ordre d'écrou extraditionnel est resté en vigueur et doit être maintenu " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi par des motifs hypothétiques et en s'abstenant, alors qu'ils avaient constaté que l'arrestation provisoire avait excédé le délai prévu, d'ordonner la mise en liberté immédiate de l'étranger, les juges ont violé les dispositions de l'article 16-4 de la Convention européenne d'extradition ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Pau du 14 novembre 1986 ;
Dit que X... est détenu sans titre depuis le 12 novembre 1986 à 0 heure ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.