Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir été signé par l'un des magistrats présents aux débats et au délibéré sans que soit constaté l'empêchement du président ;
Mais attendu que l'arrêt indique la composition de la cour d'appel lors des débats et mentionne qu'après délibération par les mêmes magistrats, ledit arrêt a été prononcé en audience publique, où étaient présent l'un des conseillers, lequel a signé la minute ; que ces énonciations impliquent que le président a été empêché et que le conseiller, qui avait délibéré, a pu valablement signer la minute ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Le rejette ;
Mais, sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 1er de la loi du 11 mars 1957 et 1787 du Code civil ;
Attendu que la Société nationale de télévision en couleurs " Antenne 2 " a adressé le 4 novembre 1975 aux éditions de la Table Ronde, sous la signature de son président M. Marcel Jullian, la lettre suivante : " Nous avons établi, Michel de Saint-Pierre et moi, le projet qu'un livre de lui sur Y... serait la base d'un feuilleton télévisé, commandé et diffusé par Antenne 2, feuilleton sur le scénario et le dialogue duquel je veillerai tout particulièrement, en plein accord bien sûr avec Michel de Saint-Pierre ; 1) Antenne 2 s'engage donc à réaliser en 1977 six heures d'antenne sur le thème Y..., d'après le livre de Michel de Saint-Pierre, feuilleton qui portera obligatoirement le titre de l'ouvrage de Michel de Saint-Pierre et pour lequel tous les efforts seront faits pour lui assurer la qualité et l'ampleur des Rois Maudits ; 2) L'ouvrage télévisé sera tourné sous la direction de Claude X... ; 3) Jean Z..., sous réserve de son acceptation bien sûr, incarnera le rôle de Y..., le film étant en tout état de cause réalisé en 1977 " ; que, par contrat du 15 décembre 1975 faisant référence à cette lettre, Michel de Saint-Pierre a cédé aux éditions de la Table Ronde le droit exclusif d'exploiter par tous les moyens l'ouvrage " Monsieur de Y... " dont il s'engageait à remettre le manuscrit au plus tard le 1er décembre 1977 ; que le 24 décembre 1976, M. Marcel Jullian, toujours président d'Antenne 2, a écrit ce qui suit à la société Technisonor : " Si, durant un temps, un malentendu semblait s'être glissé au sujet de la série Y..., il a été dissipé entre Claude X... et moi, et il a été clairement entendu que cette affaire, dont j'ai pris l'initiative complète et que j'ai exposée devant vous, serait réalisée par votre société. Attendons donc de recevoir le texte de Michel de Saint-Pierre, de juger de son aptitude à être, dans un délai donné, mis en chantier, et seulement alors nous pourrons nous réunir afin de le faire aboutir. Ne craignez rien, je tiens trop à Monsieur de Y..., à Michel de Saint-Pierre et à l'engagement que j'ai pris envers vous " ; que, par contrat du 15 novembre 1977 contresigné par Michel de Saint-Pierre, qui avait entre-temps remis son manuscrit, la Table Ronde a cédé à Technisonor le droit exclusif d'adapter l'ouvrage pour réaliser une série de téléfilms d'une durée totale de six heures et
d'exploiter ces téléfilms ; que cependant, M. Marcel Jullian n'étant plus le président d'Antenne 2, les téléfilms n'ont jamais été réalisés ; que Michel de Saint-Pierre a assigné Antenne 2 en dommages-intérêts sur le fondement des articles 1142 et suivants et subsidiairement 1382 du Code civil ; qu'il faisait notamment valoir que pour tenir ses propres engagements et remettre son manuscrit dans le délai qui lui avait été imparti, il avait dû abandonner d'autres tâches et bouleverser ses projets en cours ;
Attendu que l'arrêt attaqué a rejeté la demande aux motifs que, notamment faute d'un prix déterminé ou même déterminable et ce en raison de l'absence de toute mention relative à l'étendue dans le temps et dans l'espace des droits prétendument cédés, la lettre du 4 novembre 1975 faisait apparaître l'existence d'un simple projet et non pas d'une offre d'acquisition des droits d'exploitation de l'oeuvre de Michel de Saint-Pierre susceptible d'être transformée en contrat par la seule acceptation de son destinataire, de sorte que la décision d'Antenne 2 de renoncer à ce projet ne revêt aucun caractère fautif, ni sur le plan contractuel, ni sur le plan délictuel ;
Attendu, cependant, que la cession des droits patrimoniaux de l'auteur sur son oeuvre n'est pas nécessairement concomitante avec la commande qui peut lui être faite de cette oeuvre, que l'existence d'une telle commande ne dépend pas de celle de la mention d'un prix et qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si, sans faire apparaître d'ores et déjà une offre d'achat du droit d'exploiter l'oeuvre à venir de Michel de Saint-Pierre, le libellé et le rapprochement des lettres et contrats ci-dessus n'établissaient pas à tout le moins qu'Antenne 2 lui avait passé commande de cette oeuvre en lui donnant pour certaine la réalisation d'un feuilleton télévisé et si, en conséquence, son comportement ne justifiait pas l'allocation des dommages-intérêts réclamés, pour cette raison même, dans l'assignation introductive d'instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, ni sur le troisième moyen du pourvoi :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu, le 28 juin 1984, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen