ANNULATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Rémi, partie civile,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Angers (chambre correctionnelle) en date du 10 mai 1983, qui, dans des poursuites exercées contre Georges Y... et Roger Z... pour blessures involontaires et contraventions au Code de la route, a relaxé le premier nommé, a condamné le second à 1 500 francs d'amende pour le délit et à 200 francs d'amende pour la contravention de stationnement gênant, et s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires ampliatif, complémentaire et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 320 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Y... des fins de la poursuite pour blessures par imprudence dirigée contre lui ;
" aux motifs qu'il résulte des éléments de fait que le débouché de X... de derrière le véhicule de Z... fut concomitant au franchissement du passage protégé par Y... ; qu'il s'ensuit que ce dernier, dont aucun élément du dossier n'établit qu'il circulait à une vitesse excessive pour les difficultés auxquelles il se trouvait confronté, n'a commis aucune faute de conduite ; qu'il appartenait en effet à X..., qui émergeait de derrière un véhicule le masquant à Y..., sur un passage qui n'était commandé par aucun feu de signalisation, de s'assurer de l'absence de danger proche ;
" alors que, d'une part, l'arrêt constate que Y... abordait un passage protégé où la visibilité était anormalement limitée par suite de la présence d'un véhicule en stationnement à contresens et dans une position particulièrement encombrante ; qu'en écartant l'excès de vitesse eu égard aux obstacles normalement prévisibles tout en relevant le contexte anormalement dangereux, dans lequel le véhicule de Y... circulait au moment de l'accident, lors duquel il a percuté violemment le piéton déjà engagé sur le passage protégé, l'arrêt attaqué n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
" alors que, d'autre part, toute faute doit être retenue dès lors qu'elle a contribué d'une manière quelconque à la production du dommage ; que l'arrêt attaqué ne pouvait pas exclure tout lien de causalité entre le comportement de l'automobiliste, excès de vitesse par rapport aux conditions anormales de visibilité, et le dommage subi par la victime sans constater que la faute qu'il impute à la victime aurait été imprévisible et irrésistible pour l'automobiliste ; qu'en écartant la faute de Y... au motif que X... aurait commis une faute non imprévisible ni irrésistible, l'arrêt attaqué a violé l'article 320 du Code pénal " ;
Et sur le moyen additionnel pris de l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985, en ce qu'il tend à l'annulation de la décision rendue à l'égard de Y... :
Lesdits moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Rémi X..., qui traversait une rue en empruntant un passage prévu à l'intention des piétons, a été heurté et blessé par l'automobile de Y... ; que X... ayant été masqué à la vue de l'automobiliste, immédiatement avant la collision, par un véhicule appartenant à Z... et stationnant en partie sur le passage pour piétons, des poursuites ont été exercées contre Y... des chefs de blessures involontaires et d'omission de céder le passage à un piéton régulièrement engagé, et contre Z... des chefs de blessures involontaires et de stationnement gênant ;
Attendu que pour relaxer Y..., la juridiction du second degré retient notamment que le piéton a heurté l'automobile sur la partie latérale de l'aile avant droite, qu'il en résulte que X... a " débouché " de derrière le véhicule de Z... au moment même où la voiture franchissait le passage pour piétons, et que rien n'établit que l'automobiliste ait circulé à une vitesse excessive eu égard aux difficultés rencontrées ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations déduites d'une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au débat contradictoire, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, estimé que Y... n'avait commis aucune faute ; qu'elle en a tiré les conséquences légales en rejetant les demandes dirigées par la partie civile contre ce prévenu ;
Attendu que cette décision, antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, ne saurait être remise en cause en vertu de la loi du 5 juillet 1985 dès lors que les juges du second degré n'avaient pu être saisis d'une demande subsidiaire de la partie civile tendant à l'application des règles du droit civil et que, du fait du rejet du pourvoi formé contre la décision de relaxe, ils se trouvent définitivement dessaisis de la partie du litige opposant X... à Y... ;
Mais sur le moyen additionnel pris de l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 1985, en ce qu'il tend à l'annulation de la décision rendue à l'égard de Z... ;
Vu les articles 1er, 3 et 47 de ladite loi ;
Attendu qu'en vertu des deux premiers de ces textes, rendus applicables par le troisième aux affaires pendantes devant la Cour de Cassation, la victime âgée de plus de 70 ans, d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur est indemnisée des atteintes à sa personne, à moins qu'elle ne soit elle-même conductrice d'un tel véhicule ou qu'elle n'ait volontairement recherché le dommage qu'elle a subi ;
Attendu qu'après avoir déclaré Z... coupable du délit de blessures involontaires et de la contravention de stationnement gênant, les juges, se prononçant sur la demande de X... tendant à l'indemnisation des atteintes à sa personne, ont déclaré la partie civile responsable pour moitié des conséquences dommageables de l'accident au motif qu'elle avait contribué par son comportement fautif à la production de son propre préjudice ;
Mais attendu que, si la cour d'appel n'encourt aucune censure pour avoir ainsi statué à la date de sa décision, l'arrêt attaqué doit cependant être annulé pour permettre un nouvel examen de l'action civile au regard des règles instituées par la loi susvisée ;
Par ces motifs :
ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, en date du 10 mai 1983, mais seulement en ce qu'il s'est prononcé sur l'action civile dirigée contre Z..., toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de l'annulation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la même cour d'appel.