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03/02/1987 | FRANCE | N°86-91214

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 février 1987, 86-91214


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Marie-Thérèse, veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens de ses enfants mineurs Didier et Christophe,
- Y... Patrick,
parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel de Riom (chambre correctionnelle) en date du 5 février 1986 qui, dans la procédure suivie contre Z... du chef d'homicide involontaire, n'a pas entièrement fait droit à leurs demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation, pris

de la violation des articles 1382 et suivants du Code civil, ensemble violation ...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Marie-Thérèse, veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens de ses enfants mineurs Didier et Christophe,
- Y... Patrick,
parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel de Riom (chambre correctionnelle) en date du 5 février 1986 qui, dans la procédure suivie contre Z... du chef d'homicide involontaire, n'a pas entièrement fait droit à leurs demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 et suivants du Code civil, ensemble violation des articles 593 et suivants du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce qu'une cour d'appel, statuant sur les intérêts civils des enfants, ayants droit de la victime d'un accident de la circulation, a accordé aux trois enfants des rentes jusqu'à l'âge de 20 ans ;
" aux motifs qu'ils pouvaient normalement espérer bénéficier des ressources du père jusqu'à l'âge de 20 ans ;
" alors que, d'une part, la cour d'appel ne pouvait pas se borner à cette seule affirmation, qu'elle devait à tout le moins s'expliquer sur l'âge de 20 ans qu'elle retenait à l'encontre de la demande de rente jusqu'à 25 ans ;
" et alors que, d'autre part, la MAIF ayant dans ses conclusions retenu l'âge de 21 ans, la cour d'appel, en limitant à l'âge de 20 ans, l'âge jusqu'auquel la rente serait servie, a méconnu les termes du litige " ;
Attendu qu'appelés à statuer sur la réparation des conséquences dommageables de l'accident dont Alain Z..., reconnu coupable d'homicide involontaire sur la personne de Jean-Claude Y..., avait été déclaré responsable, les juges étaient saisis de conclusions du prévenu et de son assureur demandant de fixer respectivement à 26 800 francs, 49 430 francs et 56 180 francs les préjudices patrimoniaux subis par les trois enfants de la victime, âgés de 17, 14 et 13 ans lors de l'accident, et ce, compte tenu du prix du franc de rente temporaire applicable à chacun d'eux " jusqu'à 21 ans " ;
Attendu que la cour d'appel a évalué lesdits préjudices à 48 240 francs, 88 974 francs et 101 124 francs en retenant notamment que les trois enfants " pouvaient normalement espérer bénéficier des ressources du père jusqu'à l'âge de 20 ans " ;
Attendu que vainement les consorts Y... reprochent à la juridiction du second degré d'avoir ainsi statué dès lors, d'une part, qu'elle a souverainement apprécié l'âge auquel les enfants de la victime auraient cessé de bénéficier des ressources de leur père, et d'autre part, qu'elle a fait application des prix du franc de rente dont Z... et son assureur faisaient état et a mis à la charge de ces derniers des indemnités non inférieures à leurs offres ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, ensemble violation des articles 593 et suivants du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce qu'une cour d'appel ayant à déterminer le montant de la rente due aux ayants droit d'une victime d'un accident de la circulation a attribué à la veuve une rente dont le capital constitutif a été estimé à 567 672 francs ;
" aux motifs qu'il convenait de baser les différents chefs d'indemnisation sur la moyenne des appointements nets que Jean-Claude Y... aurait dû obtenir à partir de la date de l'accident, compte tenu de la diminution des ressources à partir de l'âge de la retraite, que cette moyenne, sur la base de l'attestation de l'employeur, pouvait être équitablement fixée à la somme de 120 000 francs par an, que la part qu'auraient prise les ayants droit sur le montant de ces appointements, compte tenu de la présence au foyer de trois enfants mineurs, devait être fixée en la cause à 35 % pour la veuve, et 15 % pour chacun des enfants, et que sur les sommes ainsi obtenues, il convenait d'appliquer le barème de droit commun de capitalisation des rentes, basé sur un taux raisonnable d'intérêts de 5,75 %, que le mari étant âgé de 40 ans au moment de l'accident, le barème de droit commun faisait ressortir un prix de franc de rente de 13 516 francs ;
" alors que, d'une part, pour réparer l'intégralité du préjudice subi par la veuve de la victime d'un accident de la circulation, la cour d'appel devait, dans le calcul du capital de la rente allouée à la veuve, tenir compte de l'évolution normale et prévisible de la carrière de la victime, qu'il était établi par une attestation de l'employeur de la victime que celle-ci pouvait prétendre à des salaires d'un montant de 150 000 francs annuel à l'âge de 50 ans, c'est-à-dire dix ans après le décès et plusieurs années avant la retraite, d'où il suit qu'en retenant la somme de 120 000 francs comme base de calcul, la cour d'appel n'a pas réparé l'intégralité du préjudice ;
" alors que, d'autre part, la cour d'appel a affirmé l'existence d'un tarif de droit commun pour le calcul du capital d'une rente, qu'il n'existe aucun barème de droit commun en la matière, d'où il suit qu'en se référant à ce tarif, sans en indiquer la source et les éléments, elle n'a pas légalement justifié sa décision, ni mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
" alors que, de troisième part, le prix du franc de rente due à la veuve d'une victime doit être calculé en fonction de l'âge de la veuve et non de l'âge de la victime décédée, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas réparé l'intégralité du préjudice ;
" alors qu'enfin, la cour d'appel a fixé à 35 % la part due à la veuve, qu'elle a, de ce fait, méconnu les termes du litige, l'assureur du responsable ayant dans ses conclusions admis que la part de la veuve devait être fixée à 45 % ;
" et alors qu'en tout état de cause, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les termes du litige, allouer à la veuve une somme moindre que celle proposée par la MAIF, assureur du responsable de l'accident " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ;
Attendu que Z... et son assureur, admettant que Mme Y... utilisait pour elle-même 45 % des ressources du ménage, demandaient de fixer à 608 220 francs son préjudice patrimonial et à 76 045,01 francs, après déduction des créances de deux organismes sociaux, le solde auquel elle pouvait prétendre ; que les juges ont évalué à 35 % seulement la part de l'épouse et fixé respectivement à 567 672 francs et à 59 107 francs son préjudice patrimonial et le solde indemnitaire mis à la charge de ses adversaires ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom en date du 5 février 1986, mais seulement en ce qu'il s'est prononcé sur la réparation du préjudice patrimonial de Marie-Thérèse X..., veuve Y..., toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-91214
Date de la décision : 03/02/1987
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JUGEMENTS ET ARRETS - Conclusions - Obligation de statuer dans leurs limites - Réparations civiles - Conclusions du prévenu - Conclusions proposant une évaluation supérieure à celle retenue

* ACTION CIVILE - Préjudice - Evaluation - Jugements et arrêts - Conclusions - Obligation de statuer dans leurs limites

Les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis. Méconnaît ce principe et encourt la cassation l'arrêt qui, en l'état d'un accident ayant causé la mort d'un chef de famille, évalue à 35 % seulement la part de la veuve dans le budget familial et fixe respectivement à 567 672 francs et à 59 107 francs son préjudice patrimonial et le solde lui revenant après déduction de créances sociales, alors que le défendeur avait demandé d'évaluer la part de la veuve à 45 % et de fixer respectivement à 608 220 francs et à 76 045 francs son préjudice patrimonial et le solde auquel elle pouvait prétendre.


Références :

Code civil 1382, 1383
Code de procédure pénale 593

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 05 février 1986

(1°) CONFER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1985-03-19, bulletin criminel 1985 N° 115 p. 303 (Cassation partielle). A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1971-05-25, bulletin criminel 1971 N° 172 p. 431 (Rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 fév. 1987, pourvoi n°86-91214, Bull. crim. criminel 1987 N° 54 p. 138
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 54 p. 138

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bruneau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. de Bouillane de Lacoste
Avocat(s) : Avocats :MM. Garaud et Le Prado, la SCP Le Bret et de Lanouvelle.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.91214
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