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20/01/1987 | FRANCE | N°84-94444

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 janvier 1987, 84-94444


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP),
- le comité local du MRAP de Montpellier,
parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel de Montpellier, 3e chambre, en date du 21 juin 1984, qui, dans des poursuites contre Maurice X... et Jean-Marie Y... pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, a déclaré nulle la citation éman

ée des parties civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et e...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP),
- le comité local du MRAP de Montpellier,
parties civiles,
contre un arrêt de la cour d'appel de Montpellier, 3e chambre, en date du 21 juin 1984, qui, dans des poursuites contre Maurice X... et Jean-Marie Y... pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, a déclaré nulle la citation émanée des parties civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 23, 24 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la nullité des citations délivrées à la requête du MRAP à Jean-Marie Y... ainsi qu'au directeur de publication du journal quotidien Midi libre ;
" aux motifs que s'agissant de propos recueillis et rapportés par un tiers étranger aux poursuites, la citation directe se doit dans l'intérêt et le respect des droits de la défense, de préciser notamment les circonstances de publicité réprimées par la loi, que l'assignation des parties civiles se bornant à dénoncer un entretien entre un journaliste et un homme politique, sans préciser les circonstances de lieu ou de réunion publics au cours desquels les propos auraient été articulés comportent donc, nonobstant la qualité de journaliste d'un des interlocuteurs, une omission constitutive d'une irrégularité irréductible qui la vicie fondamentalement ;
" alors que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, en exigeant que la citation introductive d'instance précise le fait incriminé et le qualifie, n'oblige pas en revanche la partie poursuivante à lui indiquer toutes les circonstances de fait de nature à caractériser la publicité du délit dont il appartient au juge de vérifier l'existence d'après les faits matériels qu'il constate ; que, dès lors, la cour qui a ainsi prononcé la nullité de la citation délivrée à la requête du MRAP du chef de provocation à la haine raciale pour avoir omis de préciser les circonstances de lieu ou de réunion publics au cours desquels auraient été proférés les propos incriminés et relatés dans un article qui précisait au demeurant qu'ils avaient été tenus en présence de nombreuses personnes dans un bar, lieu public par destination, a en tout état de cause méconnu les dispositions légales susvisées " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 42, 43 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la nullité de la citation introductive d'instance délivrée à la requête du MRAP à Jean-Marie Y... ainsi qu'au directeur de publication du Midi libre ;
" aux motifs que le fait de présenter par ailleurs un compte rendu d'information relatif à un entretien journalistique, comme un écrit provocateur, sans rechercher l'auteur de cet écrit ni préciser si le contenu dudit écrit doit être imputé aux personnes poursuivies à charge d'action principale, de coaction ou de complicité, constitue une autre lacune de l'assignation de nature à porter atteinte au droit de la défense et qui, partant, la vicie également ;
" alors que, d'une part, si les dispositions des articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 déterminent de manière très stricte l'ordre des responsabilités pénales en matière de délit de presse, aucune disposition légale n'impose en revanche à la partie poursuivante de mettre obligatoirement en cause, en même temps que l'auteur principal tel que défini par l'article 42 susvisé, tous ceux qui se sont éventuellement rendus complices du délit incriminé ; que, dès lors, aucune nullité ne saurait résulter de ce qu'en l'espèce les poursuites intentées par le MRAP ne l'ont été qu'à l'encontre du directeur de publication du Midi libre, auteur principal présumé en application de l'article 42 précité ainsi que de Jean-Marie Y..., auteur des propos incriminés, sans que soit mis en cause le rédacteur de l'article relatant ces propos, dont la responsabilité pénale ne pouvait de même que celle incombant à Jean-Marie Y..., être recherchée en tout état de cause qu'au titre de la complicité conformément aux dispositions de l'article 43 précité ;
" alors que, d'autre part, aucune disposition légale n'impose à la partie poursuivante de préciser la nature de la responsabilité pénale encourue en application des dispositions des articles 42 et 43 de la loi précitée par la personne poursuivie, d'où il suit qu'aucune nullité ne saurait résulter de ce que la citation délivrée aux prévenus n'a pas indiqué en quelle qualité d'auteur ou de complice ces derniers devaient voir retenue leur responsabilité pénale " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ne subordonne pas à la mise en cause de l'auteur de l'écrit la poursuite, à titre d'auteur principal, du directeur de la publication ou celle, à quelque titre que ce soit, d'autres personnes pénalement responsables en application des articles 42 et 43 de ladite loi ;
Attendu, d'autre part, que la loi n'exige pas que la citation introductive de l'instance qualifie elle-même le mode de participation du prévenu aux faits spécifiés contre lui dans la poursuite ; qu'il suffit, pour que cet acte satisfasse à cet égard aux prescriptions de la loi, qu'il indique exactement au prévenu les faits et infractions qui lui sont reprochés et le mette en mesure de préparer utilement sa défense ;
Attendu, enfin, qu'aucune disposition de la loi du 29 juillet 1881, n'oblige la partie poursuivante à indiquer dans la citation introductive d'instance toutes les circonstances de fait de nature à caractériser la publicité du délit poursuivi ;
Attendu qu'il résulte de l'examen de la procédure que, à la suite de la publication dans le quotidien Le Midi libre du 5 juin 1983 d'un article relatant des propos recueillis par un journaliste lors d'une entrevue avec Jean-Marie Y..., le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) et le comité local du MRAP de Montpellier ont cité directement Jean-Marie Y... et Maurice X..., directeur de la publication, du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;
Attendu que, relevant que les parties civiles n'avaient pas poursuivi l'auteur de l'article, n'avaient pas, dans la citation introductive de l'instance, précisé à quel titre les deux prévenus étaient poursuivis et n'avaient pas, dans le même acte, indiqué les circonstances desquelles résultait la publicité des propos tenus par Jean-Marie Y..., la cour d'appel s'est fondée sur ces éléments pour déclarer nulle ladite citation ;
Mais attendu que les juges, à qui il appartenait d'apprécier eux-mêmes le mode de participation de chacun des prévenus aux faits poursuivis et qui devaient s'assurer, d'après les faits matériels prouvés devant eux, de l'existence de la publicité alléguée par les parties civiles, ont, en prononçant la nullité de la citation, méconnu les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et attendu que si, d'après l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881, le droit de se pourvoir appartient à la partie civile quant aux seules dispositions relatives à ses intérêts civils, cette restriction aux effets du pourvoi n'a pas lieu lorsque, comme en l'espèce, il n'a été statué que sur la nullité de la citation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, en date du 21 juin 1984, et, pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi tant sur l'action publique que sur l'action civile ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 84-94444
Date de la décision : 20/01/1987
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Responsabilité pénale - Directeur de la publication - Conditions - Mise en cause de l'auteur de l'écrit - Nécessité (non).

1° Aucune disposition de la loi du 29 juillet 1881 ne subordonne la poursuite, à titre d'auteur principal, du directeur de la publication ou celle, à quelque titre que ce soit, d'autres personnes pénalement responsables en application des articles 42 et 43 de ladite loi, à la mise en cause de l'auteur de l'écrit.

2° PRESSE - Procédure - Citation - Mentions obligatoires - Qualification des faits incriminés - Mode de participation du prévenu - Nécessité (non).

2° Satisfait aux prescriptions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 la citation qui indique exactement au prévenu les faits et les infractions qui lui sont reprochés et le met en mesure de préparer sa défense ; aucune disposition de la loi n'exige que cet acte qualifie le mode de participation du prévenu aux faits poursuivis ; il appartient aux juges d'apprécier ce mode de participation.

3° PRESSE - Procédure - Citation - Mentions obligatoires - Circonstances caractérisant la publicité du délit (non).

3° L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, en exigeant que la citation introductive d'instance précise le fait incriminé et le qualifie, n'oblige pas la partie poursuivante à y indiquer toutes les circonstances de fait de nature à caractériser la publicité du délit ; il appartient aux juges de vérifier l'existence de cette publicité d'après les faits matériels qu'ils constatent.

4° PRESSE - Procédure - Cassation - Pourvoi - Pourvoi de la partie civile - Effets - Décision n'ayant statué que sur la nullité de la citation.

CASSATION - Effets - Pourvoi de la partie civile - Presse - Cassation fondée sur la nullité de la citation.

4° Si, d'après l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881, la partie civile ne peut se pourvoir que quant aux dispositions relatives à ses intérêts civils, cette instruction n'intervient pas lorsqu'il n'a été statué que sur la nullité de la citation.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 21 juin 1984

(1°) CONFER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1950-12-21, bulletin criminel 1950 N° 292 p. 484 (Cassation). (2°) CONFER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1985-06-18, bulletin criminel 1985 N° 235 p. 610 (Cassation) et les arrêts cités. (3°) CONFER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1985-06-18, bulletin criminel 1985 N° 235 p. 610 (Cassation) et les arrêts cités. (4°) CONFER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1969-03-12, bulletin criminel 1969 N° 120 p. 293 (Cassation) et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jan. 1987, pourvoi n°84-94444, Bull. crim. criminel 1987 N° 30 p. 72
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 30 p. 72

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Clerget
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Jean Simon
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard et M. Vincent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:84.94444
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