CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Patrick,
- Y... Francine,
contre un arrêt de la cour d'assises du Gard du 23 mai 1986 qui les a condamnés respectivement à 8 et 10 ans de réclusion criminelle pour coups ou violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner et vol, ainsi que contre l'arrêt du 24 mai 1986 par lequel la Cour a statué sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le pourvoi de X... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui de ce pourvoi ;
Sur le pourvoi de Y... :
Vu le mémoire produit ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 310 du Code de procédure pénale :
" en ce que le procès-verbal des débats indique que M. le président en vertu de son pouvoir discrétionnaire a fait donner lecture par M. l'avocat général à titre de renseignement de la déposition écrite jointe à la procédure de Mme Maria Luz Z..., témoin cité non comparant et excusé, entendu au cours de l'information ;
" alors qu'aucune disposition du Code de procédure pénale ne prévoit que le président qui a décidé en vertu de son pouvoir discrétionnaire de porter à la connaissance de la Cour et du jury la déposition écrite d'un témoin puisse laisser le soin au représentant du Parquet de lire cette déposition recueillie au cours de l'information " ;
Attendu que le procès-verbal des débats constate que le président, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a fait donner lecture par l'avocat général du procès-verbal d'audition à l'instruction d'un témoin défaillant ;
Attendu, en cet état, qu'il n'a été commis aucune violation de la loi ;
Que si, en effet, en application de l'article 310 du Code de procédure pénale, il appartient au seul président de prendre la décision de lire ou de faire lire la déposition écrite d'un témoin absent, il est loisible à ce magistrat de confier à une autre personne, et notamment au représentant du ministère public, le soin de procéder à la lecture ainsi ordonnée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 310 et 331 du Code de procédure pénale :
" en ce que le procès-verbal des débats indique que le témoin A..., déjà entendu sous la foi du serment, a été appelé à nouveau à la barre par le président en vertu de son pouvoir discrétionnaire et a été entendu sans prestation de serment et à titre de renseignement ;
" alors que le témoin qui a été entendu après avoir prêté le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale ne peut par la suite, sauf survenance d'une cause d'incapacité ou d'incompatibilité, être entendu à titre de renseignement " ;
Ce moyen étant relevé d'office en ce qui concerne l'accusé X... ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'un témoin légalement acquis aux débats ne peut être dépouillé de son caractère légal que pour des causes prévues par la loi ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que le témoin A... ayant fait sa déposition, serment préalablement prêté, a été plus tard réentendu en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ; qu'il est précisé que cette nouvelle audition a eu lieu " sans prestation de serment et à titre de renseignement " ;
Mais attendu que lorsqu'un témoin a, avant son audition, prêté le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale, ce serment s'applique à l'ensemble de ses déclarations, celles-ci fussent-elles recueillies à plusieurs reprises au cours des débats ;
Que, par suite, sauf survenance d'une cause d'incapacité ou d'incompatibilité, ce qui, en l'espèce, n'a pas été constaté, il ne peut être entendu dans la même affaire à titre de simple renseignement ;
Qu'en procédant comme il l'a fait, le président a excédé ses pouvoirs et que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 310 et 331 du Code de procédure pénale :
" en ce que le procès-verbal des débats mentionne que les témoins Sandrine B..., Marcel C... et Antoinette C... cités par l'accusé Patrick X... ont été entendus sans prestation de serment et à titre de renseignement en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ;
" alors que tout témoin cité ou dénoncé est acquis aux débats et doit prêter le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale ; qu'ainsi l'audition de Mlle B... et de M. et Mme C..., témoins cités par un accusé, à titre de renseignement, sans qu'il résulte du procès-verbal des débats que ces témoins se soient trouvés dans l'un des cas d'empêchement ou d'incapacité prévus par la loi, ni que les parties aient renoncé à cette audition, ni qu'elles y aient formé une opposition reconnue légalement fondée, procède d'une violation des textes visés au moyen " ;
Ce moyen étant également relevé d'office en ce qui concerne l'accusé X... ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout témoin cité et dénoncé, ou même seulement cité ou dénoncé, est acquis aux débats et doit, à peine de nullité, prêter, avant de déposer, le serment prescrit par l'article 331 du Code de procédure pénale ; qu'il ne peut être entendu, sans l'accomplissement de cette formalité, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président, que s'il se trouve dans l'un des cas d'empêchement ou d'incapacité prévus par la loi, ou si le ministère public et les accusés ont renoncé à son audition, ou encore s'il a été formé à cette audition une opposition reconnue fondée par la Cour ;
Attendu en l'espèce que le procès-verbal des débats constate que les trois témoins désignés au moyen, dont il est précisé qu'ils ont été cités par l'accusé X..., ont été entendus sans prestation de serment et à titre de renseignement, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ;
Mais attendu que ces témoins, acquis aux débats, ne pouvaient être entendus sans prestation de serment dès lors qu'il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal qu'ils se soient trouvés dans l'un des cas d'empêchement ou d'incapacité prévus par la loi, ni que le ministère public ou les accusés aient formé à ces auditions une opposition reconnue légalement fondée ;
D'où il suit que le principe ci-dessus rappelé a été méconnu, ce qui entraîne aussi la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt précité de la cour d'assises du Gard du 23 mai 1986, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;
Par voie de conséquence, CASSE ET ANNULE l'arrêt du 24 mai 1986 par lequel la Cour a statué sur les intérêts civils ;
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de l'Hérault.