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18/12/1986 | FRANCE | N°85-12098

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 décembre 1986, 85-12098


Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 janvier 1985), la Banque nationale de Paris (la banque), qui consentait depuis plusieurs années à la société Garages X... (la société) un découvert permanent, a refusé, sans préavis, le 21 juin 1979, de payer cinq chèques émis par cette dernière qui, après avoir déclaré six jours plus tard la cessation de ses paiements, a été mise en règlement judiciaire ; que, sur l'assignation de la société assistée du syndic, le comportement de la banque a été jugé fautif par un

e précédente décision, devenue irrévocable, qui a, en outre, ordonné une mesure...

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 janvier 1985), la Banque nationale de Paris (la banque), qui consentait depuis plusieurs années à la société Garages X... (la société) un découvert permanent, a refusé, sans préavis, le 21 juin 1979, de payer cinq chèques émis par cette dernière qui, après avoir déclaré six jours plus tard la cessation de ses paiements, a été mise en règlement judiciaire ; que, sur l'assignation de la société assistée du syndic, le comportement de la banque a été jugé fautif par une précédente décision, devenue irrévocable, qui a, en outre, ordonné une mesure d'instruction ;

Attendu que la société et le syndic de son règlement judiciaire font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leurs demandes d'indemnisation au motif que, la société se trouvant déjà en état de cessation de paiement au moment où la banque avait décidé de révoquer l'ouverture de crédit, il n'était pas établi qu'il existait un lien de causalité entre la faute retenue contre la banque et le dépôt de son bilan par la société, la perte de son fonds de commerce et la résiliation de la concession que lui avait accordée un constructeur d'automobiles, alors, selon le pourvoi, d'une première part, qu'un lien de causalité existe entre la rupture brutale par le banquier de la convention de découvert et le dépôt de bilan par la société, dès lors qu'à la date à laquelle le banquier a refusé d'honorer ses engagements, la société, compte tenu notamment du crédit dont elle disposait auprès de la banque, était en mesure de faire face à ses dettes immédiatement exigibles ; que pour dénier l'existence d'un tel lien de causalité, la cour d'appel fait état de dettes exigibles " à moins d'un an " et par ailleurs comprend dans le déficit imputé à la société le complément de trésorerie nécessaire pour " apurer le solde débiteur du compte à la banque " ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas examiné le lien de causalité entre la faute et le dommage et par conséquent a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, alors, de deuxième part, que l'état de cessation de paiements suppose que le débiteur n'est pas en état de faire face avec son actif disponible à son passif exigible ; qu'en déclarant que la société s'était trouvée en état de cessation de paiements dès avant la faute commise par le banquier et ce sans avoir vérifié si compte tenu du crédit disponible à la banque - dont la cour d'appel constate qu'il était inférieur au découvert conventionnellement consenti - la société eût été en mesure de faire face à un passif immédiatement exigible, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard des articles 1er et 6 de la loi du 13 juillet 1967 ;alors, de troisième part, que le juge du fond qui écarte les constatations expertales servant de fondement aux conclusions d'une partie, doit motiver sa décision en réfutant le rapport d'expertise ; que l'expert judiciairement désigné avait constaté qu'à la date à laquelle le banquier avait brutalement rompu la convention de découvert, la situation de la société n'était pas irrémédiablement compromise car " la valeur de ses actifs était supérieure au montant de ses dettes " ; qu'en s'abstenant de réfuter cette constatation expertale et de s'expliquer sur le point de savoir si le passif immédiatement

exigible eût été insusceptible d'être honoré par la société, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs et par là même d'une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de quatrième part, qu'en retenant que l'expert " n'envisage pas un concours possible d'un autre établissement bancaire " quand l'expert, dans son rapport constate que " Mme X... aurait donc pu dans le délai d'un mois obtenir un tel crédit... ", la cour d'appel a dénaturé par omission le rapport d'expertise et par là même a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin qu'en reprochant à la garante de la société de ne pas avoir, postérieurement au refus par le banquier d'honorer ses engagements et donc postérieurement à la consommation du dommage consécutif au refoulement des chèques, tenté d'obtenir du banquier la " révision " de sa position, la cour d'appel a méconnu la notion de lien de causalité laquelle suppose que le caractère dommageable de la faute soit apprécié en fonction du dommage effectivement subi et non point en fonction de mesures hypothétiques qui eussent pu être prises postérieurement à sa consommation ; d'où il suit que la cour d'appel a entaché son arrêt d'une violation par refus d'application de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'indépendamment des motifs surabondants critiqués par les première et cinquième branches du moyen, la cour d'appel, écartant les appréciations de l'expert, a retenu que les comptes de la société, arrêtés au 31 décembre 1978, mais qui n'ont été remis à la banque que le 21 juin 1979, faisaient apparaître que l'actif disponible ne s'élevait qu'à un montant considérablement inférieur à celui du passif exigible, même déduction faite du compte de Mme X..., gérante de la société, et traduisaient un état de cessation des paiements, masqué par le découvert accordé par la banque, existant encore en juin 1979 ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui a relevé que l'expert n'envisageait pas un " concours possible " d'un autre établissement bancaire en faveur de la société, n'a pas dénaturé les remarques formulées par celui-ci sur le crédit qu'aurait pu obtenir, à titre personnel, la gérante de la société ;

Attendu qu'ayant de la sorte fait ressortir à bon droit l'absence d'un lien direct et certain de causalité entre la faute commise par la banque et les dommages dont il était demandé réparation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir retenu que la société se trouvait en état de cessation de paiement antérieurement à la révocation par la banque de l'ouverture de crédit, alors, selon le pourvoi, que le jugement de règlement judiciaire est revêtu de l'autorité de la chose jugée erga omnes ; qu'en vertu du jugement rendu le 27 juin 1979, le tribunal a fixé la date de cessation des paiements au jour du prononcé de sa décision, donc à une date postérieure à la faute commise par le banquier au préjudice de la société ; qu'en déclarant dès lors, pour dénier le caractère dommageable de la faute, que la société se serait trouvée en état de cessation de paiements à une date antérieure à celle fixée par le jugement de règlement judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 6 et 13 de la loi du 13 juillet 1967 ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles 6, alinéa 3, et 30 de la loi du 13 juillet 1967 que le tribunal peut modifier la date de la cessation des paiements par une décision postérieure au jugement prononcant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens et antérieure à l'arrêté de l'état des créances, et que la disposition qui fixe cette date conserve jusque-là un caractère provisoire et n'a autorité qu'à l'égard de la masse ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est enfin fait grief à la cour d'appel d'avoir retenu que seul aurait pu être réparé le préjudice lié à la brutalité des conditions dans lesquelles a été résiliée la convention de découvert par la banque mais qu'aucune demande n'avait été formée de ce chef alors, selon le pourvoi, que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt ainsi que des écritures que la société et son syndic avaient demandé la réparation de l'entier préjudice consécutif à la rupture brutale et sans préavis par le banquier de la convention de découvert ; qu'en se considérant dès lors comme n'étant pas saisie d'une telle demande, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 5 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des conclusions prises par la société et le syndic, dont il n'est pas argué qu'elles aient été dénaturées, que ceux-ci ont demandé à la cour d'appel de juger que la faute commise par la banque était la cause directe du dépôt de son bilan par la société, de la résiliation du contrat de concession dont elle était titulaire et de la liquidation de l'entreprise, ainsi que l'a relevé la cour d'appel qui, en rejetant les demandes de dommages et intérêts présentées pour compenser l'insuffisance d'actif subie par la masse et la perte de son fonds de commerce par la société, a statué sur tous les chefs de demandes dont elle était saisie ; que le moyen est sans fondement ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 85-12098
Date de la décision : 18/12/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

REGLEMENT JUDICIAIRE, LIQUIDATION DES BIENS (loi du 13 juillet 1967) - Cessation des paiements - Date - Report - Conditions - Décision rendue antérieurement à l'arrêté définitif de l'état des créances

* REGLEMENT JUDICIAIRE, LIQUIDATION DES BIENS (loi du 13 juillet 1967) - Cessation des paiements - Date - Fixation - Caractère provisoire jusqu'à l'arrêté définitif de l'état des créances - Portée

Il peut être décidé qu'un débiteur se trouvait en état de cessation de paiement antérieurement à la révocation fautive par sa banque d'une ouverture de crédit, en dépit du jugement de règlement judiciaire, puisqu'il résulte des dispositions des articles 6, alinéa 3, et 30 de la loi du 13 juillet 1967 que le tribunal peut modifier la date de la cessation des paiements par une décision postérieure au jugement prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens et antérieure à l'arrêté de l'état des créances, et que la disposition qui fixe cette date conserve jusque-là un caractère provisoire et n'a autorité qu'à l'égard de la masse. .


Références :

Loi 67-563 du 13 juillet 1967, art. 6, al. 3, art. 30

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 30 janvier 1985


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 déc. 1986, pourvoi n°85-12098, Bull. civ. 1986 IV N° 244 p. 211
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 IV N° 244 p. 211

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Baudoin
Avocat général : Avocat général :M. Montanier
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Patin
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier et M. Vincent .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.12098
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