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16/12/1986 | FRANCE | N°86-90892

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 décembre 1986, 86-90892


CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
O..., G..., C... , B..., A..., B..., B..., C..., - D..., - D..., E..., L..., L..., S..., M..., M..., M..., P...-L..., M..., R...,
contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Grenoble, en date du 12 février 1986, qui, sur renvoi après cassation, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un service ou mandat public.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que,

par arrêt du 26 mai 1982, la Cour de Cassation a, par application de l'arti...

CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
O..., G..., C... , B..., A..., B..., B..., C..., - D..., - D..., E..., L..., L..., S..., M..., M..., M..., P...-L..., M..., R...,
contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Grenoble, en date du 12 février 1986, qui, sur renvoi après cassation, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un service ou mandat public.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que, par arrêt du 26 mai 1982, la Cour de Cassation a, par application de l'article 681 du Code de procédure pénale, désigné la Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence pour être chargée de l'information dans la procédure pouvant être suivie à l'égard de O... en sa qualité de maire de la commune de C... et un certain nombre d'autres personnes, en raison de la plainte avec constitution de partie civile de C... pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un service ou mandat public et diffusion de fausses nouvelles ;
Attendu que, par arrêt du 2 octobre 1985, la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 17 mai 1984 qui, à la suite de l'information ouverte après cette désignation, avait renvoyé les demandeurs devant le tribunal correctionnel ; que l'affaire ayant été renvoyée devant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Grenoble cette juridiction, par l'arrêt attaqué, a renvoyé lesdits demandeurs devant le tribunal correctionnel sous la prévention de diffamation publique envers citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public ;
Qu'aux termes de l'article 684 du Code de procédure pénale, le pourvoi en cassation contre une telle décision est recevable ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 27, 29, 31, 33, 50, 53, 65 de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à mémoire régulièrement déposé ;
" en ce que l'arrêt attaqué a omis de constater la nullité de la plainte avec constitution de partie civile et a rejeté l'exception de prescription de l'action publique soulevée par les demandeurs et les a renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention du délit de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public prévu par les articles 29-1 et 31-1 de la loi du 29 juillet 1881 pour avoir pris part directement et personnellement le 8 juillet 1982 à la rédaction du procès-verbal de séance du conseil municipal relatant ses délibérations dans lequel sont inscrits les passages suivants : 1° " la réinstallation de C... nous paraît de nature à provoquer des désordres publics qui ne manquerait " sic " de trouver un écho dans la Corse toute entière " ; 2° " pour nous C..., l'homme qui va gérer les affaires de la ville est celui dont le dernier mandat a été marqué par la disparition des deniers publics... par des aliénations du domaine communal " 3° " le retour au pouvoir de personnalités telles que la sienne pourrait bien contribuer à ranimer et à généraliser ce malaise, le malaise visé étant " le malaise corse " ; 4° " nous passerons sous silence la disparition des deniers publics puisqu'une information judiciaire est ouverte " ; 5° " il s'agissait d'évincer l'ancien maire qui incarnait et qui incarne toujours, à leurs yeux, la politique d'abaissement moral et social de la Corse toute entière " ; 6° " et c'est pourquoi nous ne resterons pas les bras croisés à droite comme à gauche, s'il se trouve de nouveau en situation de spolier cyniquement la commune " ;
" au motif, d'une part, que les faits visés dans l'extrait n° 4 constitueraient en même temps selon le plaignant un délit de diffamation et un délit de publication de fausses nouvelles mais que cette double qualification n'apporte aucune ambiguïté à la plainte ;
" au motif, d'autre part, que les extraits 1, 3, 5 contiennent des allégations qui portent atteinte à l'honneur et à la considération et sont susceptibles d'être qualifiés de diffamation et non d'injures et que ces allégations visent des faits suffisamment précis et déterminés ;
" alors, d'une part, qu'une plainte indiquant comme étant applicables au même fait incriminé deux textes prévoyant et réprimant deux infractions de nature et de gravité différentes dont elle retient cumulativement les qualifications, à savoir de diffamation publique et de publication de fausses nouvelles crée nécessairement par son caractère alternatif une incertitude dans l'esprit des prévenus sur l'objet précis des poursuites, est entachée de nullité et ne peut dès lors interrompre la prescription ; qu'en outre, le réquisitoire introductif était tardif bien qu'il ait réparé le vice de double qualification ; qu'il s'ensuit que la procédure est nulle ;
" alors, d'autre part, qu'ainsi que le soutenaient les demandeurs dans un chef péremptoire de leur mémoire demeuré sans réponse, les imputations 1, 3 et 5 ne se présentent pas sous la forme d'une articulation précise de nature à être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire et de ce fait, ne peuvent caractériser que le délit d'injure ; qu'en outre, les extraits 1 et 3 sont de simples hypothèses relatives à des événements futurs et de ce fait insusceptibles de preuve et qu'enfin l'extrait n° 5 est une appréciation de politique générale régionale visant directement les clans et non C... " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 681 du Code de procédure pénale ;
Attendu que la plainte auprès du juge d'instruction avec constitution de partie civile, mettant en cause l'une des personnes énumérées à l'article 681, alinéa 1, du Code de procédure pénale, qui contraint le procureur de la République à présenter requête à la Cour de Cassation aux fins de désignation de juridiction suspend le cours de la prescription jusqu'à ce que l'arrêt de la Chambre criminelle soit porté à la connaissance du Ministère public et du plaignant ; que, pour que la prescription dont le cours reprend alors soit ensuite valablement interrompue, il faut que, dans le délai restant à courir, intervienne soit le dépôt d'une plainte conforme aux exigences de l'alinéa 3 dudit article 681 soit un acte de poursuite du Ministère public ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que C..., maire de Calvi, a, le 30 avril 1982, déposé auprès du juge d'instruction une plainte, datée du 26 avril précédent, des chefs de diffamation publique envers citoyen chargé d'un mandat public et diffusion de fausses nouvelles visant O..., à la fois son prédécesseur et successeur en qualité de maire, ainsi qu'un certain nombre de membres du conseil municipal, en raison des termes contenus dans une délibération de cette assemblée du 8 février 1982 comportant des allégations que le plaignant considère comme constitutives desdites infractions ;
Que, par application de l'article 681 du Code de procédure pénale, le juge d'instruction ayant communiqué la procédure au procureur de la République le 30 avril 1982, celui-ci a présenté requête à la Cour de Cassation qui, par arrêt du 26 mai 1982, a désigné la Chambre d'accusation de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence pour être chargée de l'information ; que cet arrêt a été signifié au plaignant le 15 juillet 1982 ;
Que, cependant, alors qu'aucune plainte assortie de constitution de partie civile ne lui avait été adressée, la Chambre d'accusation d'Aix-en-Provence a cru devoir, sur réquisitions du Ministère public du 7 septembre 1982, par arrêt du 21 septembre suivant, fixer le montant de la consignation à fournir par C..., laquelle a effectivement été versée le 5 novembre ; qu'ensuite, le 24 novembre 1982, le procureur général a requis contre les demandeurs l'ouverture de l'information ;
Attendu que pour écarter l'exception de prescription de l'action publique soulevée devant elle et renvoyer les prévenus devant le tribunal correctionnel sous la prévention de diffamation publique envers citoyen chargé d'un service ou mandat public, la Chambre d'accusation de Grenoble, saisie sur renvoi après cassation, énonce que la plainte datée du 26 avril 1982 est régulière au regard des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 et a interrompu la prescription qui, par la suite, a été régulièrement interrompue par des actes de procédure ;
Mais attendu que si la prescription de l'action publique s'est trouvée suspendue pendant la durée de la procédure prévue par l'article 681, alinéa 1, du Code de procédure pénale, le cours de cette prescription a repris dès que la partie civile, qui seule en la matière avait l'initiative de la poursuite, a été en mesure d'agir ; que tel a été le cas à partir du 15 juillet 1982, jour de la signification dudit arrêt, à compter duquel elle pouvait saisir de sa plainte la Chambre d'accusation ainsi désignée ;
Qu'il s'ensuit, contrairement à ce qui a été décidé par la Chambre d'accusation, que la plainte datée du 26 avril 1982 n'a pu valablement interrompre le délai de prescription de trois mois instauré par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, s'appliquant en l'espèce, non plus que les réquisitions du procureur général prises après expiration de ce délai qui, ayant commencé à courir le 8 février 1982, n'avait été suspendu qu'à compter du 30 avril 1982 ;
Que, dès lors, c'est en méconnaissance du principe ci-dessus rappelé que l'arrêt attaqué a refusé de faire droit à l'exception de prescription et a renvoyé les demandeurs devant le tribunal correctionnel ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et attendu que la prescription étant acquise il ne reste plus rien à juger ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Grenoble, du 12 février 1986 ;
Et vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Dit qu'il n'y a lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-90892
Date de la décision : 16/12/1986
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CRIMES ET DELITS COMMIS PAR DES MAGISTRATS ET CERTAINS FONCTIONNAIRES - Article 681 du Code de procédure pénale - Plainte avec constitution de partie civile - Plainte avant désignation de la Chambre d'accusation - Plainte devant le juge d'instruction avant toute désignation - Prescription - Action publique - Effet suspensif.

ACTION PUBLIQUE - Extinction - Prescription - Suspension - Crimes et délits commis par des magistrats et certains fonctionnaires - Article 681 du Code de procédure pénale - Plainte avec constitution de partie civile - Plainte avant désignation de la Chambre d'accusation - Plainte devant le juge d'instruction * PRESCRIPTION - Action publique - Suspension - Crimes et délits commis par des magistrats et certains fonctionnaires - Article 681 du Code de procédure pénale - Plainte avec constitution de partie civile - Plainte avant désignation de la Chambre d'accusation - Plainte devant le juge d'instruction.

1° Lorsqu'une plainte avec constitution de partie civile mettant en cause l'une des personnes visées à l'article 681 du Code de procédure pénale est déposée auprès du juge d'instruction elle suspend le cours de la prescription tant que la procédure prévue par l'article précité est elle-même en cours et que l'arrêt portant désignation de juridiction n'a pas été porté à la connaissance de la partie poursuivante.

2° ACTION CIVILE - Partie civile - Constitution - Plainte devant le juge d'instruction avant toute désignation - Article 681 du Code de procédure pénale - Obligation de renouveler la constitution.

INSTRUCTION - Nullités - Violation des articles 681 et 688 du Code de procédure pénale - Constitution de partie civile - Obligation de renouveler la constitution faite devant le juge d'instruction avant toute désignation.

2° Quand il y a lieu à application de l'article 681 du Code de procédure pénale le plaignant doit renouveler auprès de la Chambre d'accusation chargée de l'information la plainte avec constitution de partie civile précédemment portée auprès du juge d'instruction ; faute de l'avoir fait il ne peut se prévaloir des droits attachés à la qualité de partie civile et n'a pas mis en mouvement l'action publique (1).


Références :

Code de procédure pénale 681, 688

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 12 février 1986

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1982-01-12, bulletin criminel 1982 N° 10 p. 20 (Irrecevabilité).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 déc. 1986, pourvoi n°86-90892, Bull. crim. criminel 1986 N° 372 p. 971
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 372 p. 971

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, Conseiller le plus ancien faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. Clerget
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Zambeaux
Avocat(s) : Avocats : la Société civile professionnelle Labbé et Delaporte et M. Spinosi.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:86.90892
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