LA COUR DE CASSATION, statuant en chambre mixte a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Compagnie Multinationale AIR AFRIQUE, dont le siège est ...,
en cassation d'un jugement rendu le 21 décembre 1984 par le tribunal d'instance du 8ème arrondissement de Paris, au profit de :
1°) Monsieur Daniel X..., demeurant ... (Yvelines),
2°) Le Syndicat National des Officiers Mécaniciens de l'aviation civile, dit SNOMAC, domicilié Centre Gambart de Lignières, A 461 à Orly Aérogare (Val-de-Marne),
défendeurs à la cassation
Mme le Premier Président a, par ordonnance du 31 décembre 1985, renvoyé l'examen du pourvoi devant une chambre mixte composée da la Première chambre civile, de la chambre sociale et de la chambre criminelle.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation, dont le premier est ainsi conçu :
"Le moyen fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté la compagnie Air Afrique de sa contestation de la désignation, en date du 10 octobre 1984, par le S.N.O.M.A.C., de Monsieur X..., personnel navigant technique, en qualité de délégué syndical pour assister aux réunions du Comité d'entreprise de la représentation générale à Paris de la Compagnie aérienne ; aux motifs qu'il appartient donc au Tribunal de rechercher si la loi du 28 octobre 1982, dite loi Auroux, s'applique à la succursale d'Air Afrique à Paris ; que, conformément à ce qui avait été indiqué par ce Tribunal dans une précédente décision en date du 12 septembre 1984, l'ensemble des textes relatifs aux représentants du personnel sont des lois de police d'application territoriale ; qu'ils s'imposent à toute personne physique ou morale exploitant une entreprise en France, même pour leurs salariés détachés à l'étranger ; ils sont aussi obligatoires pour les étrangers employant des salariés en France ;
que la succursale d'Air Afrique à Paris constituant une entreprise, la loi du 28 octobre 1982 lui est donc applicable ; alors, de première part, que, si les textes français relatifs à la représentation syndicale au sein du Comité d'entreprise (article L. 433-1 du Code du travail), qui constituent des lois de police, ont vocation, en vertu de l'article 3 du Code civil qui énonce que "les lois de police et de sûreté obligent ceux qui habitent le territoire", à s'appliquer à un établissement situé en France d'une société étrangère, les personnels navigants techniques de la compagnie Air Afrique - société étrangère dont le siège est situé à Abidjan, Côte d'Ivoire, engagés en vertu de contrats régis par une loi étrangère, exercent leur activité dans des avions immatriculés en Côte d'Ivoire sous pavillon ivoirien et n'ont aucune fonction sur le territoire français, de sorte qu'a méconnu les dispositions de l'article 3 du Code civil le jugement attaqué qui a fait application à l'espèce du texte précité du Code du travail français pour admettre le S.N.O.M.A.C. à désigner M. X..., personnel navigant technique (officier mécanicien navigant) en qualité de délégué syndical au sein du Comité d'entreprise de la représentation générale à Paris de la compagnie Air Afrique ; alors, de deuxième part, que l'article L. 433-1 du Code du travail dispose que le délégué syndical au sein du comité d'entreprise est "obligatoirement choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise" et qu'il était constant, et expressément invoqué par la compagnie exposante dans ses conclusions, que Monsieur X... avait été engagé à Abidjan (Côte d'Ivoire) en vertu d'un contrat de travail soumis à la loi ivoirienne et aux règles propres à la compagnie Air Afrique,
que Monsieur X..., comme tous les personnels navigants techniques de la compagnie exposante, dépendait exclusivement du siège administratif central de la compagnie Air Afrique à Abidjan, lequel, à l'aide de ses structures en place (Direction du Personnel, Direction de l'exploitation, Division Personnel Navigant Technique) administre les personnels navigants techniques et ordonnance leur salaire, que Monsieur X..., Officier mécanicien navigant, n'effectuait aucun travail au sol, son contrat de travail s'exécutant exclusivement à bord des avions de la compagnie immatriculés en Côte d'Ivoire et donc de nationalité ivoirienne, et que Monsieur X... ne travaillait absolument pas sur le territoire français, de sorte qu'a méconnu le texte précité le jugement attaqué qui a admis que le S.N.O.M.A.C. avait pu régulièrement désigner Monsieur X... en qualité de délégué syndical au sein du Comité d'entreprise de la représentation générale à Paris de la compagnie Air Afrique ; alors, de troisième part, qu'a aussi méconnu les dispositions de l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile le jugement attaqué qui a décidé que le syndicat français S.N.O.M.A.C. avait pu désigner Monsieur X... en qualité de délégué syndical au sein du comité d'entreprise de la représentation générale à Paris de la compagnie Air Afrique, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions de la compagnie exposante faisant valoir que, par deux arrêts des 7 juillet 1983 et 12 juin 1984, la Cour d'appel de Paris avait formellement constaté et jugé que le personnel navigant technique de la compagnie Air Afrique n'est pas compris dans les effectifs de la représentation générale à Paris de cette compagnie,
que M. X... n'avait jamais été administré par cette représentation générale à Paris, que tous les salaires des personnels navigants techniques, y compris les personnels navigants techniques français, sont ordonnancés par le siège à Abidjan, la représentation générale à Paris de cette compagnie, n'agissant que par délégation et pour assurer matériellement le transfert en France des sommes revenant à chacun d'eux, et que les personnels navigants techniques sont imposés en Côte d'Ivoire sur les salaires découlant de l'exécution des contrats de travail sur les avions d'Air Afrique ; et alors, de quatrième part, que le jugement attaqué ne pouvait admettre le syndicat français SNOMAC à désigner Monsieur X..., personnel navigant technique de la compagnie Air Afrique, en qualité de délégué syndical au sein du Comité d'entreprise de la représentation générale à Paris de cette compagnie, sans, de nouveau en méconnaissance des dispositions de l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile, s'expliquer sur le moyen des conclusions de la compagnie exposante faisant valoir que le SNOMAC, syndicat national français, ne pouvait s'immiscer dans les rapports de droit entre une société étrangère ayant son siège à l'Etranger et son personnel, fût-il français, relevant de ce siège et ne travaillant pas sur le sol français, ainsi qu'il avait été déjà jugé par la Cour d'appel de Paris à l'égard du syndicat français SNPL" ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 433-1 du Code du travail ;
Attendu que, selon ce texte, le représentant syndical au comité d'entreprise est obligatoirement choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise ;
Attendu que pour rejeter la contestation par la Compagnie Air Afrique de la désignation, faite en 1984, de Monsieur X... en qualité de représentant du Syndicat National des Officiers Mécaniciens navigants de l'Aviation Civile au comité d'entreprise de sa succursale de Paris, le Tribunal d'instance s'est borné à rappeler que les textes du Code du travail français relatifs à la représentation du personnel sont des lois de police d'application territoriale et s'imposaient donc à Air Afrique pour sa succursale de Paris ;
Attendu, cependant, que le personnel navigant technique exerçait exclusivement son activité sur des appareils ayant la nationalité ivoirienne en vertu de la Convention de Chicago du 7 décembre 1944, ce dont il résultait que ces navigants n'appartenaient pas au personnel de la succursale parisienne d'Air Afrique ;
Que, dès lors, le Tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE le jugement rendu le 21 décembre 1984, entre les parties, par le Tribunal d'instance du 8ème arrondissement de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d'instance du 16ème arrondissement de Paris, à ce désigné par délibération spéciale prise en la chambre du conseil.