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11/02/1986 | FRANCE | N°84-15521

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 février 1986, 84-15521


Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que courant 1954, Adrien Z..., alors marié à Y... Samuel dont il a eu trois enfants, a souscrit pour le compte de Mme X..., avec laquelle il vivait maritalement, une promesse de vente de parts d'une société civile immobilière donnant droit à la jouissance et vocation à la propriété d'un appartement, vente qui a été ensuite régularisée par un acte sous seing privé ; qu'en janvier 1955, Mme X... a donné l'appartement en location à Adrien Z... pour dix-huit années ; que tous les

deux ont habité dans cet appartement qui est devenu leur domicile conjuga...

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que courant 1954, Adrien Z..., alors marié à Y... Samuel dont il a eu trois enfants, a souscrit pour le compte de Mme X..., avec laquelle il vivait maritalement, une promesse de vente de parts d'une société civile immobilière donnant droit à la jouissance et vocation à la propriété d'un appartement, vente qui a été ensuite régularisée par un acte sous seing privé ; qu'en janvier 1955, Mme X... a donné l'appartement en location à Adrien Z... pour dix-huit années ; que tous les deux ont habité dans cet appartement qui est devenu leur domicile conjugal, après le prononcé du divorce Z...
D... en novembre 1955 et leur propre union célébrée en mars 1956 sous le régime de la séparation de biens ; que la communauté de biens Z...
D... a été liquidée le 12 juillet 1956 ; que le 25 avril 1974 Mme X... est décédée laissant quatre enfants nés d'une première union et en l'état d'un testament léguant à deux de ses petites filles la quotité disponible de la part héréditaire de leur père, Jacques C... ; qu'Adrien Z... est lui-même décédé le 5 septembre 1978 ; que, prétendant que l'acquisition de l'appartement avait été réalisée au moyen de deniers fournis par Adrien Z... et que cette acquisition constituait une donation au profit de Mme X..., Mme D... et ses trois enfants, les consorts Z..., en ont demandé, contre les consorts C..., héritiers de Mme A..., l'annulation pour cause illicite ou immorale, ainsi que la réintégration de l'immeuble litigieux dans l'indivision existant entre Y... Samuel à concurrence de moitié et ses trois enfants à concurrence d'un sixième chacun ; qu'ils ont été déboutés de leur demande ;

Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que, d'une part, une obligation ne peut avoir aucun effet lorsqu'elle se fonde sur une cause illicite, de telle sorte que la Cour d'appel, qui a constaté que la donation déguisée faite par Adrien Z... à Mme X... consistait dans la fourniture des deniers nécessaires à l'acquisition d'un appartement destiné, en violation des obligations nées pour le donateur de son mariage, à permettre leur cohabitation, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1131 du Code civil ; alors, d'autre part, que les juges d'appel n'ont pas répondu aux conclusions qui faisaient valoir que l'illicéité de la donation résultait encore du bail de dix-huit années que le donateur s'était fait immédiatement consentir sur l'appartement par la donataire dans le but évident de concourir au maintien de leurs relations ; alors, en outre, que le bail ayant été consenti dans le but de pérenniser les relations adultères de Mme X... et d'Adrien Z..., cette circonstance justifiait à elle seule, et à titre principal, la demande en nullité de cette convention et en répétition des loyers versés, de telle sorte que la Cour d'appel, qui a jugé que la demande accessoire d'annulation devenait sans objet et que la demande consécutive en remboursement des loyers était dépourvue de fondement sans rechercher si cette convention ne reposait pas sur une cause illicite, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant ainsi sa décision de base légale ;

Mais attendu, qu'après avoir retenu qu'Adrien Z... et Mme X... se connaissaient depuis quatorze ans et vivaient ensemble depuis douze ans et que, dès le prononcé du divorce Z...
D..., ils s'étaient mariés et avaient vécu ensemble dans l'immeuble acquis en 1954 jusqu'au décès de Mme A..., soit pendant dix-huit ans, les juges du fond, dans l'exercice de leur pouvoir souverain, ont estimé que la donation de deniers, faite par Adrien Z... à celle qui était depuis longtemps sa compagne et qu'il se proposait d'épouser, ne pouvait apparaître comme motivée par le désir d'obtenir ses faveurs ou de maintenir un concubinage illicite ; qu'ayant ainsi écarté le caractère illicite de la donation, les juges du second degré n'avaient pas à répondre aux conclusions faisant valoir que le caractère immoral de l'acte résulterait encore du bail consenti par Mme X... à Adrien Z..., et n'avaient pas davantage à rechercher si ce bail reposait lui-même sur une cause illicite ;que la décision est légalement justifiée de ce chef ; d'où il suit que le moyen pris en ses trois premières branches n'est pas fondé ;

Le rejette ;

Mais sur la quatrième branche du moyen :

Vu les articles 4 et 12 du Nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que si le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il est défini par les prétentions exposées par les parties dans leurs conclusions, il lui appartient de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ;

Attendu que l'arrêt attaqué a estimé que l'acquisition par Mme X... de l'appartement litigieux à l'aide des deniers de M. Z... constituait une donation déguisée faite en prévision de leur union et que les dispositions de l'article 1099-1 du Code civil lui étaient applicables ; que pour débouter les consorts Z... de leur demande en nullité de cette donation, les juges du second degré ont retenu que " ceux-ci s'abstiennent, par une démarche délibérée, de réclamer la valeur actuelle de l'appartement et que leur action qui tend exclusivement à la réintégration de ce bien immobilier dans une indivision où ils prétendent avoir des droits analogues à ceux qu'ils avaient dans la communauté, depuis longtemps liquidée, des époux B..., se heurte aux dispositions formelles du texte précité " ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, au lieu de prononcer la nullité de la donation qui lui était demandée, sauf à constater que les droits des héritiers Z... ne pouvaient porter que sur des deniers, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE l'arrêt rendu le 4 juin 1984 entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Orléans


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-15521
Date de la décision : 11/02/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

CASSATION - Moyen - Méconnaissance des termes du litige - Chose demandée - Donation entre époux - Décision ayant constaté le caractère déguisé de la donation - Rejet de la demande en nullité

DONATION - Donation entre époux - Donation déguisée - Nullité - Décision constatant le caractère déguisé de la donation - Rejet de la demande en nullité - Méconnaissance des termes du litige

La Cour d'appel, qui constate qu'une acquisition constitue une donation déguisée et que sont applicables à celle-ci les dispositions de l'article 1099-1 du Code civil, ne saurait, sans violer les articles 4 et 12 du nouveau code de procédure civile, rejeter la demande en nullité dont elle était saisie, en retenant que les demandeurs s'étaient abstenus de réclamer la valeur actuelle de l'appartement et que leur action qui tendait à la réintégration du bien se heurtait aux dispositions du texte précité. Il lui appartenait de prononcer la nullité, sauf à constater que les droits des héritiers ne pouvaient porter sur des deniers.


Références :

Code civil 1099-1
Nouveau code de procédure civile 4, 12

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, chambre 1, 04 juin 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 fév. 1986, pourvoi n°84-15521, Bull. civ. 1986 I N° 21 p. 18
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 21 p. 18

Composition du Tribunal
Président : Pdt. M. Ponsard faisant fonction
Avocat général : Av.Gén. M. Rocca
Rapporteur ?: Rapp. Mme Delaroche
Avocat(s) : Av. demandeur : SCP Lyon-Caen Fabiani et Liard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.15521
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