LA COUR DE CASSATION, statuant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société VARONAS INVESTMENT CORPORATION, société anonyme de droit panaméen, dont le siège social est à Panama City (Panama), 32, Avenida Justo X..., représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, et dont un établissement secondaire existe à Zurich (Suisse), Bleicherweg 59,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 décembre 1984 par la Cour d'appel de Colmar (Chambres réunies), au profit de l'ELECTRICITE DE FRANCE, service national, dont le siège social est à Paris (8ème), ..., représentée par M. le Chef du Groupe Régional de production hydraulique Rhin, à Mulhouse (Haut-Rhin), ...,
défenderesse à la cassation
La société Varonas Investment Corporation s'est pourvue en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Colmar en date du 26 avril 1979.
Cet arrêt ayant été cassé le 21 janvier 1981 par la Deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, la cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel de Metz cette juridiction a statué le 30 juin 1982. Sa décision a été, elle aussi, cassée par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation le 29 février 1984.
L'affaire ayant été renvoyée devant la Cour d'appel de Colmar, celle-ci s'est prononcée par arrêt du 17 décembre 1984, dans le même sens et sur le même fondement que la Cour d'appel de Metz.
Cet arrêt a été frappé par la société Varonas Investment Corporation d'un nouveau pourvoi
Electricité de France a formé un pourvoi incident contre l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar.
Par ordonnance du 25 juin 1985 Mme le Premier Président de la Cour de Cassation a, en application de l'article L. 131-2 du Code de l'Organisation judiciaire renvoyé la cause devant l'Assemblée Plénière.
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Varonas Investment Corporation fait grief à l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, d'avoir décidé que le tribunal d'instance d'Illkirch était compétent pour ordonner, le 3 juin 1977, une saisie contrainte sur des bateaux lui appartenant qui avaient, le 31 mai 1977, endommagé des installations construites sur le Rhin et concédées à Electricité de France, alors que, d'une part, la Cour d'appel ne pouvait pas faire référence à l'article 92 de la loi du 1er juin 1924, abrogé par l'article 11 du décret du 5 décembre 1975, pour justifier la mise en oeuvre, en l'espèce, de l'article 919 du Code local de Procédure civile, alors que, d'autre part, les juges du fond ne pouvaient pas refuser de faire application des règles du nouveau Code de procédure civile, applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, en vertu desquelles le juge d'instance n'a pas qualité pour autoriser une saisie conservatoire dont les causes excèdent sa compétence ;
Mais attendu, selon l'article 919 du Code local de Procédure Civile, qu'est compétent pour ordonner une saisie conservatoire, quelles qu'en soient les causes, le tribunal d'instance dans le ressort duquel se trouve le bien sur lequel la saisie doit s'exercer ; qu'en tant qu'il édicte une règle de compétence d'attribution, à laquelle était étranger l'article 92 de la loi du 1er juin 1924, uniquement relatif à la compétence territoriale, ledit article 919 a été maintenu en vigueur par l'article 18 du décret n° 58-1284 du 22 décembre 1958, lequel n'a pas été abrogé ; que c'est, dès lors, à bon droit que la Cour d'appel a retenu la compétence d'attribution du tribunal d'instance, seule contestée ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance de contrainte rendue à la requête d'E.D.F. contre la société Varonas, alors que, d'une part, en poursuivant la réparation de son propre préjudice tiré des dégâts occasionnés à l'ouvrage public dont l'entretien et la conservation lui incombent, l'E.D.F. n'exerçait pas l'action domaniale appartenant exclusivement à l'Etat mais agissait comme un simple particulier, de sorte que c'est à tort que la Cour d'appel a refusé d'appliquer à cette action de droit commun l'article 118 de la loi du 15 juin 1895 instituant une prescription d'un an, alors que, d'autre part, après avoir énoncé que la loi du 15 juin 1895 n'était pas applicable à l'action introduite par E.D.F. en sa qualité d'établissement public concessionnaire, les juges d'appel ne pouvaient, sans se contredire, se référer à cette même loi pour établir le bien-fondé de l'action dirigée par cet organisme contre la société Varonas en sa qualité de propriétaire des bâtiments, alors qu'encore, méconnaît l'article 2 de la loi du 15 juin 1895 l'arrêt qui confirme une contrainte ordonnée à l'encontre du véritable propriétaire des navires ayant causé le dommage litigieux et non contre l'armateur desdits navires, alors qu'enfin, le propriétaire d'un bâtiment étant, en vertu de l'article 4 de la même loi, tenu seulement sur le bâtiment et sur le fret, l'arrêt manque de base légale en validant la contrainte sans vérifier si les montants retenus n'excédaient pas la valeur des bâtiments et du fret ;
Mais attendu qu'après avoir exactement retenu que la substitution de l'armateur au véritable propriétaire, prévue, dans le seul intérêt des tiers, par l'article 2 de la loi du 15 juin 1985, n'autorisait le propriétaire à s'opposer à l'exercice par les tiers de droits sur son bateau que dans le cas, non invoqué, ou le bâtiment avait été utilisé sans droit par l'armateur apparent, l'arrêt a constaté qu'au regard de la valeur vénale des bâtiments et du fret, la créance alléguée justifiait la saisie contrainte ; qu'ainsi la Cour d'appel, qui, appelée à statuer sur la régularité de l'ordonnance de saisie du 3 juin 1977, n'avait pas à se prononcer sur l'éventuelle prescription, qui serait postérieurement intervenue, de l'action en réparation d'Electricité de France, a, sans se contredire, légalement justifié sa décision ;
Et sur le pourvoi incident d'Electricité de France :
Attendu qu'Electricité de France a déclaré se désister de son pourvoi incident dans le cas où le pourvoi principal serait rejeté ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
Donne acte à Electricité de France du désistement de son pourvoi incident ;