La société Eurorga s'est pourvue en cassation contre un arrêt de la Cour d'assises de l'Essonne en date du 24 octobre 1979 qui, dans sa procédure suivie du chef d'incendie volontaire contre Alain X..., a statué sur les intérêts civils ; cet arrêt a été cassé le 30 avril 1980 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation.
La cause et les parties ont été renvoyées devant le Tribunal de grande instance de Versailles dont le jugement du 7 juillet 1982 a été infirmé par la Cour d'appel de Versailles le 21 février 1984.
Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles l'attaquant par le même moyen que celui ayant provoqué la cassation de l'arrêt de la Cour d'assises de l'Essonne, Madame Le Premier président, constatant que le pourvoi pose une question de principe et révèle l'existence d'une divergence entre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles et la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en cette matière a, par ordonnance, renvoyé la cause et les parties devant l'assemblée plénière.
La demanderesse invoque devant l'assemblée plénière, le moyen unique de cassation suivant :
"Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que la S.G.I. n'était pas civilement responsable de son préposé, Alain X..., aux motifs qu'il est évident que, quels que soient ses mobiles, M. X... a allumé volontairement un incendie à l'effet de détruire l'immeuble et les objets immobiliers qu'il était chargé de protéger et dont il aurait dû assurer pour le compte de son employeur, la sécurité ; qu'ainsi, agissant volontairement à l'encontre de l'objet de sa mission, à des fins contraires à ses attributions, M. X... s'est placé, au moment des faits, hors des fonctions auxquelles il était employé par la S.G.I. ; qu'il convient, en conséquence, de constater que la cause du dommage réside dans un acte délibéré, étranger à ses fonctions, accompli par Alain X... à des fins contraires à son emploi ; qu'ainsi, la responsabilité de la S.G.I. ne saurait être engagée ;
1 - Alors que les maîtres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés, dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. X..., employé à la S.G.I., a incendié les locaux de la société Eurorga alors qu'il effectuait une ronde de surveillance dans le cadre de ses fonctions ; d'où il suit que le fait dommageable se rattachait étroitement à l'exercice de l'activité du préposé ; qu'en déclarant que le commettant n'était pas responsable des actes commis par son préposé au seul motif qu'il avait commis une faute volontaire, contraire par essence à son emploi, la Cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ;
2 - Alors que le commettant ne peut être déchargé de la responsabilité qui lui incombe pour les dommages causés par son préposé que si ce dernier a agi à des fins personnelles et étrangères à ses attributions, se plaçant ainsi hors des fonctions auxquelles il était employé ; qu'il résultait de l'instruction criminelle, ainsi que la société Eurorga le rappelait dans ses conclusions d'appel, que M. X... avait agi non pas dans un but personnel mais pour attirer l'attention de ses supérieurs sur l'insuffisance des mesures prises pour assurer la sécurité de l'usine qu'il devait garder ; qu'en s'abstenant de rechercher si le préposé avait agi à des fins personnelles et étrangères à ses fonctions au motif que les mobiles du préposé sont indifférents, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil" ;
Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par la société civile professionnelle Boré et Xavier, avocat de la société Eurorga.
Un mémoire en défense a été produit par la société civile professionnelle Martin-Martinière et Ricard, avocat de la société Surveillance Générale Industrielle ; un mémoire en intervention a également été produit par cette même société civile professionnelle, avocat de MM. Y... et Z..., syndics de la liquidation de biens de la société Surveillance Générale Industrielle survenue au cours de l'instance en cassation.
Sur quoi, la Cour, statuant en assemblée plénière,
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, sleon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation d'un arrêt civil de la Cour d'assises, qu'Alain X..., préposé de la société de Surveillance Générale Industrielle (S.G.I.) a été condamné pour avoir volontairement incendié l'usine, appartenant à la société Eurorga, qu'il avait pour mission de protéger ; que la société Eurorga fait grief à la cour d'appel d'avoir décidé que la société S.G.I. n'était pas civilement responsable du dommage causé par M. X..., alors que celui-ci effectuait une ronde de surveillance dans le cadre de ses fonctions et qu'en déclarant que le commettant n'était pas responsable des actes accomplis par son préposé, au seul motif, selon le moyen, qu'il avait commis une faute volontaire, contraire par essence à son emploi, l'arrêt attaqué aurait violé l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ; qu'il est aussi prétendu par le pourvoi que les juges du fond n'auraient pas, au regard du même texte, donné de base légale à leur décision, faute d'avoir recherché si le préposé avait bien agi à des fins personnelles étrangères à ses fonctions, l'instruction criminelle ayant pourtant révélé que M. X... avait seulement voulu attirer l'attention de ses supérieurs sur l'insuffisance des mesures prises pour assurer la sécurité de l'usine qu'il devait garder ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était saisie qu'en vertu des règles de la responsabilité délictuelle, a rappelé, à bon droit, que les dispositions de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ne s'appliquent pas au commettant en cas de dommages causés par le préposé qui, agissant sans autorisation à des fins étrangères à ses attributions, s'est placé hors des fonctions auxquelles il était employé ; que, dès lors, ayant souverainement retenu que M. X... avait agi de façon délibérée, quels que fussent ses mobiles, à l'encontre de l'objet de sa mission, à des "fins contraires à ses attributions", la juridiction du second degré en a justement déduit que ledit M. X... s'était placé hors des fonctions auxquelles il était employé par la société S.G.I. et que celle-ci n'était pas civilement responsable des agissements de son préposé ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens, y compris les frais d'exécution ;