La société Européenne de Supermarchés s'est pourvue en cassation contre un jugement du Tribunal d'instance de Guebwiller en date du 14 mars 1983 ; ce jugement a été cassé le 6 juillet 1983 par la chambre sociale de la Cour de cassation.
La cause et les parties ont été renvoyées devant le Tribunal d'instance de Mulhouse, qui, par jugement du 17 mai 1984, prononçant dans la même affaire, a statué dans le même sens que le Tribunal d'instance de Guebwiller, par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation.
Un pourvoi ayant été formé contre le jugement du Tribunal d'instance de Mulhouse l'attaquant par le même moyen que celui ayant provoqué la cassation du jugement du Tribunal d'instance de Guebwiller, Mme le Premier Président, constatant que le pourvoi pose une question de principe et révèle l'existence d'une divergence, entre le jugement du Tribunal d'instance de Mulhouse et la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation en cette matière, a, par ordonnance du 11 février 1985, renvoyé la cause et les parties devant l'assemblée plénière.
La demanderesse invoque devant l'assemblée plénière le moyen unique de cassation suivant :
"Il est reproché au jugement attaqué d'avoir débouté la Société Européenne de Supermarchés, qui emploie trois mille deux cents salariés, de sa contestation de la désignation de Mme X... comme déléguée syndicale pour le supermarché Migros de Soultz qui occupe moins de cinquante salariés, aux motifs que l'article L. 412-11 alinéa 1er du Code du travail permet la désignation d'un délégué syndical comme délégué du personnel dans un établissement de moins de cinquante salariés, qu'il dispose en effet que dans les entreprises et organismes visés par l'article L. 421-1 qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs peuvent désigner un délégué du personnel comme délégué syndical, que, en application de l'article L. 421-1, les délégués du personnel peuvent être désignés dans les établissements distincts et qu'il n'y a pas lieu de craindre que ces délégués syndicaux fassent double emploi avec les délégués syndicaux centraux qui sont désignés dans les entreprises d'au moins deux mille salariés qui comportent au moins deux établissements de cinquante salariés et qui n'ont pas les mêmes fonctions que les délégués syndicaux, alors que le quatrième alinéa de l'article L. 412-11 du Code du travail, qui prévoit la désignation d'un délégué du personnel comme délégué syndical, ne concerne que les entreprises dont l'effectif global est inférieur à cinquante personnes, et où, par conséquent, les dispositions du premier alinéa de l'article L. 412-11 concernant la désignation des délégués syndicaux dans les entreprises qui ont un effectif global de cinquante salariés et plus ne sont pas applicables" ;
Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par Me Delvolvé, avocat de la Société Européenne des Supermarchés. Un mémoire en défense a été produit par la société civile professionnelle Nicolas, Masse-Dessen et Georges, avocat de Mme X... et du syndicat C.F.D.T..
Sur quoi, LA COUR, statuant en assemblée plénière.
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 412-11, alinéas 1 et 4 du Code du travail ;
Attendu que si, dans une entreprise comptant moins de cinquante salariés, chaque syndicat représentatif peut désigner un délégué du personnel comme délégué syndical, il n'en va pas de même dans un établissement de moins de cinquante salariés, qui dépend d'une entreprise dont l'effectif global est au moins égal à ce chiffre ;
Attendu que le jugement attaqué a débouté la Société Européenne de Supermarchés de sa demande en annulation de la désignation, le 25 janvier 1983, par le syndicat C.F.D.T., de Mme X..., déléguée du personnel de son établissement "Supermarché Migros" de Soultz, en qualité de déléguée syndicale dans le même établissement, au motif que, pour l'application des dispositions de l'article L. 412-11, 4ème alinéa, du Code du travail, il convenait d'assimiler à la notion d'entreprise celle d'établissement distinct ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 412-11, 4ème alinéa, ne peut concerner un établissement occupant moins de cinquante salariés, tel le Supermarché Migros de Soultz qui dépend de la Société Européenne de Supermarchés, entreprise groupant, elle, plus de cinquante salariés répartis en plusieurs établissements distincts, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE le jugement rendu le 17 mai 1984, entre les parties, par le Tribunal d'instance de Mulhouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d'instance de Besançon, à ce désigné par délibération spéciale prise en la Chambre du Conseil ;