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06/06/1984 | FRANCE | N°82-14593

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 juin 1984, 82-14593


Sur le premier moyen pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Cloval Fourrures a chargé la société Services rapides Ducros (société Ducros) d'assurer le transport d'un colis de fourrures de Paris à Valence, que la société Ducros a confié à la société AGF le soin d'effectuer le transport du colis entre le siège de la société Cloval fourrures, situé ..., et ses entrepôts de Créteil, que la société AGF a sous-traité cette opération à la société Transport service fret (société TSF), que cette dernière société a

pris en charge, le 19 janvier 1979, ce colis qui a été dérobé le même jour dans son véhi...

Sur le premier moyen pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Cloval Fourrures a chargé la société Services rapides Ducros (société Ducros) d'assurer le transport d'un colis de fourrures de Paris à Valence, que la société Ducros a confié à la société AGF le soin d'effectuer le transport du colis entre le siège de la société Cloval fourrures, situé ..., et ses entrepôts de Créteil, que la société AGF a sous-traité cette opération à la société Transport service fret (société TSF), que cette dernière société a pris en charge, le 19 janvier 1979, ce colis qui a été dérobé le même jour dans son véhicule, que la société Cloval Fourrures a assigné la société TSF et la société Ducros en réparation du préjudice qui lui avait été causé, que la société Ducros a assigné en garantie la société TSF ;

Attendu que la société TSF fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'application de l'article 105 du Code de commerce et qu'elle avait opposée à la société Cloval ainsi qu'à la société Ducros, alors, selon le pourvoi, que, d'autre part, selon l'article 105 du Code de commerce, la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour perte partielle si, dans les trois jours qui suivent, le destinataire n'a pas notifié au voiturier sa protestation motivée ; qu'en cas de commission de transport, lorsque le commettant agit directement contre le voiturier, il réclame à son profit l'exécution du contrat de transport ; qu'il peut donc se voir opposer les fins de non-recevoir dont dispose le voiturier contre le commissionnaire, et en particulier celle instituée par l'article 105 du Code de commerce ; qu'au sens de ce texte, la perte est partielle lorsqu'une partie seulement de la marchandise reçue par le voiturier au titre du contrat de transport est livrée par celui-ci, quelle que soit d'ailleurs l'étendue de la perte subie par le commettant ; qu'en se fondant néanmoins, pour affirmer le caractère total de la perte imputable à la société TSF, sur ce que le colis de fourrures constituait l'intégralité de l'envoi effectué par la société Cloval, l'un des commettants de la société Ducros, au lieu de considérer l'ensemble des marchandises prises en charge par la société TSF en vertu du contrat de transport souscrit au profit de la société Ducros, et livrables à cette seule société, l'arrêt a violé, par fausse application, l'article 105 du Code de commerce, alors que, d'autre part, au sens de l'article 105 du Code de commerce, une perte doit être qualifiée de partielle à la seule condition que le colis non livré fasse partie d'un ensemble de marchandises transportées en vertu d'un contrat unique ; qu'en particulier, il est indifférent que la marchandise disparue ait ou non été englobée dans une opération de groupage ; qu'en se fondant cependant sur l'absence de preuve de ce que l'opération de collecte de colis confiée à la société TSF constituât un "groupage" au sens réglementaire du terme, pour estimer que le vol du colis de fourrures n'était pas une perte partielle, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 105 du Code de commerce, alors, au surplus, que la renonciation par le transporteur à la fin de non-recevoir de l'article 105 du Code de commerce suppose qu'il ait accepté des réserves formulées, au moment de la livraison, par le destinataire ; que la renonciation à un droit ne résulte que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que, dès lors, en se bornant à relever que la société TSF avait signalé le vol du colis et fait une déclaration au service de police, sans rechercher si des réserves avaient été émises par la société Ducros et acceptées par la société TSF, la Cour d'appel n'a pas caractérisé une renonciation de la société TSF au bénéfice de la fin de non-recevoir prévue à l'article 105 du Code de commerce, et ainsi a privé son arrêt de base légale, alors, enfin, que dans ses conclusions d'appel, la société Cloval se bornait à invoquer, pour écarter la fin de non-recevoir prévue à l'article 105 du Code de commerce, le caractère total de la perte qu'elle avait subie, et ne se prévalait nullement d'une éventuelle renonciation par la société TSF au bénéfice de ce texte ; que les écritures d'appel de la société Ducros sont également muettes sur une telle renonciation ;

qu'en estimant que, par sa déclaration de vol, la société TSF avait renonce implicitement à se prévaloir à l'égard des société Cloval et Ducros de la fin de non-recevoir de l'article 105 du Code de commerce, la Cour d'appel a donc soulevé d'office un moyen nouveau et, n'ayant pas réouvert les débats pour permettre aux parties de fournir leurs explications, a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la Cour d'appel a constaté que la société Cloval avait chargé la société Ducros du transport d'un seul colis et que c'est l'exécution de ce transport entre Paris et Créteil qui avait été confié à la société TSF ; qu'ayant en outre relevé que cette société n'apportait pas la preuve de l'opération de groupage qu'elle-même invoquait pour justifier l'existence entre elle et la société Ducros d'un contrat unique portant sur un ensemble de colis, la Cour d'appel a pu retenir que le colis expédié par la société Cloval avait fait l'objet d'un contrat de transport indépendant entre la société TSF et la société Ducros, au cours duquel était survenue une perte totale excluant l'application des dispositions de l'article 105 du Code de commerce ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 108, alinéa 3, du Code de commerce ;

Attendu que, selon ce texte, le délai de prescription prévu à l'alinéa 1er du même article est compté, en cas de perte totale de la marchandise transportée, du jour où la remise de celle-ci aurait dû être effectuée ;

Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir opposée par la société TSF à la société Cloval et tirée de l'expiration du délai de prescription d'un an prévu à l'article 108 du Code de commerce, l'arrêt énonce que, conformément aux dispositions de l'alinéa 3 de cet article, ce délai a pour point de départ, dans les cas de perte totale, le jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée, que, s'agissant d'une expédition ayant pour destinataire un négociant de Valence, la société TSF ne peut prétendre que la livraison aurait dû avoir lieu dès le 19 janvier, au seul motif que la partie de l'opération qu'elle s'était engagée contractuellement à effectuer s'achevait à cette dernière date, par la remise des marchandises à la société Ducros et qu'au sens de l'article 108, pour ce qui concerne le point de départ du délai de prescription, la livraison doit s'entendre de la remise de la marchandise au destinataire, même si, entre-temps, des transporteurs intermédiaires ont pris successivement en charge ladite marchandise ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée est celui où elle aurait dû être livrée à la fin du trajet dont s'était chargé le transporteur et au destinataire désigné par le contrat auquel il était partie, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, en ses dispositions portant condamnation de la société TSF au profit de la société Cloval, l'arrêt rendu entre les parties le 24 mai 1982 par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 82-14593
Date de la décision : 06/06/1984
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Prescription - Prescription annale (article 108 du Code de commerce) - Délai - Point de départ - Perte totale - Pluralité de transporteurs - Jour où la marchandise aurait dû être livrée à la fin du trajet dont s'est chargé le transporteur.

Selon l'article 108 alinéa 3 du Code de commerce, le délai de prescription prévue à l'alinéa 1 est compté en cas de perte totale de la marchandise transportée, du jour où la remise de celle-ci aurait dû être effectuée. Dans le cas où des transporteurs intermédiaires ont pris successivement en charge la marchandise, le jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée est celui où elle aurait dû être livrée à la fin du trajet dont s'était chargé le transporteur, et au destinataire désigné par le contrat auquel il était partie.


Références :

Code de commerce 108 al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, chambre 5 A, 24 mai 1982


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 jui. 1984, pourvoi n°82-14593, Bull. civ. 1984 IV N° 190
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1984 IV N° 190

Composition du Tribunal
Président : Pdt. M. Jonquères conseiller doyen
Avocat général : Av.Gén. M. Cochard
Rapporteur ?: Rapp. M. Gigault de Crisenoy
Avocat(s) : Av. Demandeur : Me George

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1984:82.14593
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