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15/11/1982 | FRANCE | N°82-90065

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 novembre 1982, 82-90065


STATUANT SUR LE POURVOI COMMUN FORME PAR :
- X... MARCEL, ET LA S A BISCOTTERIES X...,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE CAEN, CHAMBRE CORRECTIONNELLE, EN DATE DU 10 DECEMBRE 1981, QUI, SUR RENVOI APRES CASSATION, L'A CONDAMNE, POUR REFUS DE VENTE, A 2 000 FRANCS D'AMENDE ET A DECLARE LADITE SOCIETE CIVILEMENT RESPONSABLE ;
VU LE MEMOIRE PRODUIT ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1134 DU CODE CIVIL, 37-1° DE L'ORDONNANCE N° 45-1483 DU 30 JUIN 1945, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE LA CO

UR D'APPEL A DECLARE X... COUPABLE DU DELIT DE REFUS DE VENTE...

STATUANT SUR LE POURVOI COMMUN FORME PAR :
- X... MARCEL, ET LA S A BISCOTTERIES X...,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE CAEN, CHAMBRE CORRECTIONNELLE, EN DATE DU 10 DECEMBRE 1981, QUI, SUR RENVOI APRES CASSATION, L'A CONDAMNE, POUR REFUS DE VENTE, A 2 000 FRANCS D'AMENDE ET A DECLARE LADITE SOCIETE CIVILEMENT RESPONSABLE ;
VU LE MEMOIRE PRODUIT ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1134 DU CODE CIVIL, 37-1° DE L'ORDONNANCE N° 45-1483 DU 30 JUIN 1945, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE LA COUR D'APPEL A DECLARE X... COUPABLE DU DELIT DE REFUS DE VENTE ;
AUX MOTIFS QUE SI LE CONTRAT LIANT LA SOCIETE X... AUX ETABLISSEMENTS Y... INTERDISAIT AU FABRICANT DE LIVRER, DANS LE SECTEUR CONCEDE, A D'AUTRES GROSSISTES DES MARCHANDISES DESTINEES A DES BOULANGERS DETAILLANTS OU ASSIMILES, IL NE LUI INTERDISAIT PAS DE LIVRER CES MARCHANDISES A UN AUTRE GROSSISTE QUI LES DISTRIBUERAIT A D'AUTRES DETAILLANTS QUE LES BOULANGERS ET ASSIMILES ;
ALORS, D'UNE PART, QU'IL RESULTAIT DES TERMES CLAIRS ET PRECIS DU CONTRAT DE DISTRIBUTION LIANT Y... A LA SOCIETE X... QUE CELLE-CI NE CONTRACTAIT AVEC SES DISTRIBUTEURS QU'EN VUE DE LA DISTRIBUTION DE SES PRODUITS AUPRES DES BOULANGERS ET PROFESSIONS ASSIMILEES, QUE CETTE LIMITATION MENTIONNEE AU PARAGRAPHE 2 DE LADITE CONVENTION ETAIT L'EXPRESSION DE LA LIMITATION RECIPROQUE DE LEUR PROPRE LIBERTE COMMERCIALE QUE S'IMPOSAIT CHACUNE DES PARTIES ET QUI FAISAIT LA REPUTATION COMMERCIALE DE LA SOCIETE X... AINSI QUE CELA ETAIT AFFIRME PAR DE NOMBREUSES ATTESTATIONS VERSEES AUX DEBATS PAR CETTE DERNIERE, QUE DES LORS LA COUR D'APPEL N'A PU AFFIRMER QUE LADITE CONVENTION N'INTERDISAIT PAS A X... DE LIVRER SES PRODUCTIONS A UN AUTRE GROSSISTE QUI LES DISTRIBUERAIT A D'AUTRES DETAILLANTS QUE LES BOULANGERS ET ASSIMILES SANS DENATURER LES TERMES CLAIRS ET PRECIS DU CONTRAT DE DISTRIBUTION CARACTERISANT LA VOLONTE DES PARTIES DE LIMITER LEUR LIBERTE CONTRACTUELLE ;
ET ALORS D'AUTRE PART QUE DANS SES CONCLUSIONS REGULIEREMENT PRODUITES DEVANT LA COUR D'APPEL DE CAEN, X... AVAIT FAIT VALOIR QUE LA DISTRIBUTION AUPRES DES BOULANGERS ET PROFESSIONS ASSIMILEES EXCLUSIVEMENT ETAIT UN IMPERATIF QUE LA SOCIETE X... DEVAIT RESPECTER DANS L'INTERET DES CONSOMMATEURS AFIN D'ASSURER LA LIVRAISON EN PRODUITS FRAIS ET LE CONTROLE DE LA FRAICHEUR DES PRODUITS OFFERTS AU PUBLIC, QUE CE SOUCI EXCLUAIT LA POSSIBILITE D'UNE DISTRIBUTION EN DEHORS DE CE RESEAU, CE QUI FAISAIT LA BONNE REPUTATION DE LA DEMANDERESSE AUPRES DU PUBLIC AINSI QUE LE PROUVAIENT LES NOMBREUSES ATTESTATIONS VERSEES AUX DEBATS, QU'EN NE REPONDANT PAS AUX CONCLUSIONS DE LA DEMANDERESSE SUR CE POINT PROPRE A ETABLIR QUE L'EXCLUSIVITE ACCORDEE AUX ETABLISSEMENTS Y... ETAIT JUSTIFIEE PAR LE SOUCI D'ASSURER LA BONNE QUALITE DU PRODUIT LIVRE AUX CONSOMMATEURS, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES TEXTES SUSVISES ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU, D'UNE PART, QU'UN CONTRAT DE CONCESSION EXCLUSIVE, PAR LEQUEL LES COCONTRACTANTS ONT EUX-MEMES RECIPROQUEMENT LIMITE LEUR PROPRE LIBERTE COMMERCIALE, S'IL EST ETABLI QU'IL N'A PAS POUR OBJET OU POUR EFFET, MEME INDIRECT, DE LIMITER LA LIBERTE DU CONCESSIONNAIRE DE FIXER LUI-MEME LE PRIX DE VENTE DU PRODUIT, MAIS QU'IL TEND, AU CONTRAIRE, ESSENTIELLEMENT A ASSURER UNE AMELIORATION DU SERVICE RENDU AU CONSOMMATEUR, PEUT AVOIR POUR EFFET DE RENDRE JURIDIQUEMENT INDISPONIBLE, A L'EGARD DES TIERS, LA MARCHANDISE DETENUE PAR LE VENDEUR ET LEGITIMER LE REFUS DE VENTE PREVU PAR L'ARTICLE 37 PARAGRAPHE I A) DE L'ORDONNANCE N° 45-1483 DU 30 JUIN 1945 ;
ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE LA DETERMINATION PAR LE JUGE DU FAIT DU CONTRAT QUI SERT DE SUPPORT AUX POURSUITES DU CHEF DE REFUS DE VENTE, N'EST SOUVERAINE QUE DANS LA MESURE OU ELLE N'A PAS POUR EFFET DE DENATURER LES CLAUSES DE CE CONTRAT ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QUE, PAR LETTRE DU 8 MAI 1976, LA SOCIETE COMPTOIR D'ACHAT PARISIEN (CAP), DONT L'OBJET EST LE NEGOCE DE PRODUITS ALIMENTAIRES, A ADRESSE A LA SA BISCOTTERIES X..., DONT X... MARCEL EST LE PRESIDENT, UNE DEMANDE POUR DISTRIBUER, EN TANT QUE GROSSISTE, SES PRODUITS, PRECISANT QU'ELLE ETAIT DESIREUSE D'OBTENIR DE LA MARCHANDISE AUX MEMES CONDITIONS QUE SES DISTRIBUTEURS ;
QU'EN REPONSE A CETTE DEMANDE, LA SOCIETE X... A FAIT SAVOIR A LA SOCIETE CAP QUE LA DISTRIBUTION DE SES PRODUITS ETAIT ASSUREE PAR LES ETABLISSEMENTS Y..., AVEC LESQUELS ELLE INVITAIT CELLE-CI A SE METTRE EN RAPPORT POUR ETUDIER LA POSSIBILITE D'UNE COLLABORATION EVENTUELLE ;
QUE CES ETABLISSEMENTS ONT FAIT ETAT DE LEUR CONTRAT D'EXCLUSIVITE DE VENTE AVEC LA SOCIETE X... POUR NE PAS DONNER SUITE A LA DEMANDE DE LA SOCIETE CAP ;
QUE, AUX TERMES DES CLAUSES QUE L'ARRET RELEVE, CE CONTRAT CONCERNE TOUS LES PRODUITS X... ET A POUR OBJET D'AMELIORER PAR UNE DISTRIBUTION RATIONNELLE LA FRAICHEUR DES PRODUITS LIVRES AUX BOULANGERS ; COMPTE TENU DU CARACTERE PERISSABLE DES PRODUITS EN QUESTION, MONSIEUR Y... BENEFICIE D'UNE EXCLUSIVITE DE DISTRIBUTION DESDITS PRODUITS DANS LE SECTEUR CONCEDE ET, EN CONTREPARTIE, S'ENGAGE A NE PAS PROSPECTER, NI PROPOSER A LA CLIENTELE, DES PRODUITS POUVANT FAIRE CONCURRENCE A CEUX FABRIQUES PAR LES BISCOTTERIES X... ; IL LIVRERA EXCLUSIVEMENT LES BOULANGERS DETAILLANTS, BOULANGERS-PATISSIERS ET EVENTUELLEMENT LES PATISSIERS AYANT UN DEPOT DE PAIN ;
ATTENDU QUE, POUR RETENIR A LA CHARGE DE X... MARCEL LE DELIT DE REFUS DE VENTE, LA COUR D'APPEL, REPONDANT AUX CONCLUSIONS DU PREVENU, REPRISES AU MOYEN, ENONCE QU'IL RESULTE DE CETTE CLAUSE QUE, S'IL EST VRAI QUE LE PREVENU NE PEUT LIVRER A UN AUTRE GROSSISTE QUE Y..., POUR L'AIRE GEOGRAPHIQUE CONSIDEREE, DES MARCHANDISES DESTINEES A ETRE LIVREES ENSUITE A DES BOULANGERS DETAILLANTS OU ASSIMILES, LADITE CLAUSE N'INTERDIT PAS A X... DE LIVRER SES PRODUCTIONS A UN AUTRE GROSSISTE QUI LES DISTRIBUERAIT A D'AUTRES DETAILLANTS QUE LES BOULANGERS ET ASSIMILES ;
QUE, SELON L'ARRET, LES STIPULATIONS DU CONTRAT DE DISTRIBUTION LIANT X... A Y... ET DESTINEES A GARANTIR UNE BONNE DISTRIBUTION TECHNIQUE DES MARCHANDISES ET LE MAINTIEN DE LEUR QUALITE AU STADE DE LA VENTE AU DETAIL, POURRAIENT ETRE IMPOSEES A LA CAP ET INDIRECTEMENT, AUX COMMERCANTS DE DETAIL AUXQUELS IL LIVRERAIT LESDITES MARCHANDISES, LA VENTE DE BISCOTTES EN PAQUETS PREPARES PAR LE FABRICANT NE REQUERANT PAS DE CAPACITES PROFESSIONNELLES PARTICULIERES ;
MAIS ATTENDU QU'EN AFFIRMANT QUE LADITE CONVENTION N'INTERDISAIT PAS A X... DE LIVRER SES PRODUITS A UN AUTRE GROSSISTE QUI LES DISTRIBUERAIT A D'AUTRES DETAILLANTS QUE LES BOULANGERS, ALORS QU'IL RESULTAIT DES TERMES CLAIRS ET PRECIS DE LADITE CLAUSE QUE LA SOCIETE X... ET SON CONCESSIONNAIRE Y... ENTENDAIENT L'UN ET L'AUTRE LIMITER LEUR PROPRE LIBERTE COMMERCIALE EN DISTRIBUANT EXCLUSIVEMENT DES PRODUITS A DES BOULANGERS ET AUX PROFESSIONS ASSIMILEES, LA COUR D'APPEL A DENATURE CETTE CLAUSE ET, DES LORS, A MODIFIE LE SENS ET LA PORTEE DU CONTRAT D'EXCLUSIVITE DONT A FAIT ETAT LE PREVENU ET QUI PEUT, SOUS CERTAINES CONDITIONS, RENDRE LEGITIME LE REFUS PRECITE ;
QU'EN STATUANT AINSI ET ALORS QUE PAR AILLEURS ELLE N'A PAS VERIFIE SI CES CONDITIONS AVAIENT ETE REMPLIES, COMME LE SOUTENAIT X..., LA COUR D'APPEL A MECONNU LES PRINCIPES SUS-ENONCES ;
QUE DES LORS LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, EN TOUTES SES DISPOSITIONS L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE CAEN EN DATE DU 10 DECEMBRE 1981, ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE RENNES, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 82-90065
Date de la décision : 15/11/1982
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Refus de vente - Caractère légitime - Contrat de concession exclusive - Conditions.

Un contrat de concession exclusive, par lequel les contractants ont eux-mêmes réciproquement limité leur propre liberté commerciale, s'il est établi qu'il n'a pas pour objet ou pour effet, même indirect, de limiter la liberté du concessionnaire de fixer lui-même le prix de vente du produit, mais qu'il tend, au contraire, essentiellement à assurer une amélioration du service rendu au consommateur, peut avoir pour effet de rendre juridiquement indisponible à l'égard des tiers, la marchandise détenue par le vendeur et rendre légitime le refus de vente prévu par l'article 37 paragraphe 1er a) de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945. Il incombe au juge pénal d'apprécier, dans chaque espèce, si le contrat de concession exclusive invoqué par le prévenu correspond à ces caractéristiques, est exempt de toute idée de fraude des droits des tiers et ne procède pas de l'esprit de limitation volontaire de la concurrence que condamne la législation économique (1).

2) REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Refus de vente - Contrat de concession exclusive - Interprétation des clauses du contrat - Appréciation souveraine des juges du fond - Limites.

La détermination par le juge du fait du contrat qui sert de support aux poursuites du chef de refus de vente n'est souveraine que dans la mesure où elle n'a pas pour effet de dénaturer les clauses de ce contrat. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, en en dénaturant une clause, a modifié le sens et la portée d'un contrat de concession exclusive dont fait état le prévenu du délit de refus de vente et qui est susceptible de rendre légitime, sous certaines conditions, ce refus.


Références :

Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 ART. 37 PAR. 1 a

Décision attaquée : Cour d'appel Caen (Chambre correctionnelle), 10 décembre 1981

(1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1962-07-11 Bulletin Criminel 1962 N. 244 p. 504 (CASSATION). (1) (1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1979-06-25 Bulletin Criminel 1979 N. 225 p. 613 (REJET). (1)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 nov. 1982, pourvoi n°82-90065, Bull. crim. N. 255
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 255

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Escande CAFF
Avocat général : Av.Gén. M. Dontenwille
Rapporteur ?: Rpr M. Guérin
Avocat(s) : Av. Demandeur : M. Labbé

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1982:82.90065
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