Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 27 avril 1978) Y... a été, par deux arrêts du 10 janvier 1973 et un arrêt du 13 mai 1975, condamné à payer à X... le montant de diverses lettres de change ainsi que des dommages-intérêts, qu'un jugement du 13 octobre 1975 a prononcé la liquidation de ses biens que X... étant décédé, ses héritiers, les consorts X..., ont produit à cette liquidation ; que par ordonnance du 28 juin 1976, le juge-commissaire a autorisé Chevrier à poursuivre aux enchères publiques la vente de droits de copropriété immobilière acquis par Y... et par son épouse la dame Y... et faisant partie de leurs biens de communauté ; qu'après décès de Y..., sa veuve a intenté deux procédures, jointes par la suite, aux fins de faire opposition à cette ordonnance, d'entendre dire que Y... s'était, en réalité, acquitté dès le 7 novembre 1967, de la dette mise à sa charge et de faire annuler comme dépourvues de cause les lettres de change objets des arrêts susvisés ; qu'à l'appui de ses prétentions, elle a produit un document qu'elle dit avoir été retrouvé tardivement et qui, toujours d'après elle, établirait le paiement de la dette ; qu'en outre, sans contester qu'en vertu de l'article 1413 du Code civil, le paiement des dettes d'un mari puisse être poursuivi sur les biens communs, elle s'est prévalue de l'une des dispositions de ce texte selon laquelle cette poursuite n'est possible qu'à condition qu'il n'y ait pas eu "fraude du mari et mauvaise foi du créancier" ; qu'elle a soutenu que, dans cette affaire, son mari avait commis des fautes équipollentes au dol et constituant une fraude au sens de l'article 1413 et que, de plus, le nouveau document qu'elle produisait établissait la mauvaise foi du créancier ; que la Cour d'appel, a débouté dame Y... de ses demandes et l'a condamnée à des dommages-intérêts pour appel abusif ; aux motifs que la créance des consorts X... était établie par les arrêts des 10 janvier 1973 et 13 mai 1975 ayant autorité de chose jugée et que dame Y... n'apportait pas la preuve d'une fraude de son mari au sens de l'article 1413 du Code civil ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, que, d'une part, dame Y... n'était pas partie dans les procédures ayant donné lieu aux deux arrêts du 10 janvier 1973 et à celui du 13 mai 1975 dont l'autorité relative ne pouvait lui être opposée et alors que, d'autre part, l'arrêt attaqué n'a pu valablement délaisser la preuve, découlant d'un reçu du 7 novembre 1967 de l'extinction de la dette, preuve qui n'avait pu être présentée aux juridictions antérieurement saisies, dont les décisions reposaient, par là-même, sur une cause différente, exclusive de la chose jugée à l'encontre de dame Y... ;
Mais attendu d'une part, que l'article 1421 du Code civil disposant que "le mari administre seul la communauté", la décision rendue en vertu de l'article 1413 dudit Code dans la poursuite des biens communs suivie contre le mari en raison d'une dette personnelle de celui-ci, a autorité de chose jugée à l'égard de la femme, même si celle-ci n'y a été ni présentée ni représentée ; que c'est donc à bon droit que la Cour d'appel a opposé en la cause à dame Y... l'autorité de la chose jugée par les précédents arrêts rendus à l'encontre de son mari ;
Attendu, d'autre part, que la production d'une pièce nouvelle, ne modifie pas la cause de la demande ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est, en outre, reproché à l'arrêt d'avoir dit que la dette de Y... pouvait, en vertu de l'article 1413 du Code civil, être poursuivie sur les biens de la communauté et condamné dame Y... à des dommages-intérêts pour appel abusif alors que, selon le pourvoi, dame Y..., dans des conclusions délaissées, invoquait, en la produisant, une pièce décisive démontrant la mauvaise foi du créancier, circonstance propre à faire échec au recouvrement par les ayants-droits du prétendu créancier de la dette du mari sur les biens communs, et à éliminer toute mauvaise foi de la femme, déjà exclue par le jugement à tort infirmé de ce chef ;
Mais attendu que la disposition de l'article 1413 précité prévoyant que la dette du mari ne sera pas poursuivie sur les biens communs lorsqu'il y a eu "fraude du mari et mauvaise foi du créancier" ne se réfère à la mauvaise foi du créancier qu'en tant qu'elle se trouve jointe à la fraude du mari ; que, dès lors, qu'elle avait énoncé que la preuve de la fraude du mari n'était pas rapportée, la Cour d'appel n'avait pas à examiner le grief, devenu sans objet, d'une prétendue mauvaise foi du créancier, que de plus, dame Y... n'a pas prétendu en cause d'appel que la pièce produite établissait qu'elle n'était pas de mauvaise foi ; D'où il suit que ce moyen également est mal fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 27 avril 1978 par la Cour d'appel de Paris.