CASSATION SUR LE POURVOI FORME PAR X... (BERNARD), PREVENU, ET LA SOCIETE DES CIMENTS LAFARGE, CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE ROUEN, 4EME CHAMBRE, EN DATE DU 24 MAI 1973, QUI A CONDAMNE X... A 100 FRANCS D'AMENDE AINSI QU'A DES REPARATIONS CIVILES POUR USURPATION DES FONCTIONS DE COURTIER INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES, ET QUI A DECLARE LA SOCIETE DEMANDERESSE CIVILEMENT RESPONSABLE. LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS, TANT EN DEMANDE QU'EN DEFENSE ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION PAR FAUSSE APPLICATION DE L'ARTICLE 80 DU CODE DE COMMERCE ET DE L'ARTICLE 258 DU CODE PENAL, ENSEMBLE VIOLATION DES ARTICLES 71, 74 ET 77 DU CODE DE COMMERCE, DES ARTICLES 6 ET 8 DE LA LOI DU 28 VENTOSE AN IX, VIOLATION DES ARTICLES 591 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE REPONSE AUX CONCLUSIONS, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MECONNAISSANCE DU CARACTERE LEGAL DES FAITS RESULTANT DE L'INFORMATION ET DES DEBATS, MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE LE DEMANDEUR X..., CHEF DU SERVICE DES TRANSPORTS A LA SOCIETE CIMENTS LAFARGE, AUTRE DEMANDERESSE, AYANT ETE CITE DEVANT LA JURIDICTION REPRESSIVE SOUS LA PREVENTION DE S'ETRE IMMISCE DANS DES FONCTIONS PUBLIQUES, OU D'AVOIR FAIT DES ACTES DE LA FONCTION DE COURTIER-INTERPRETE ET CONDUCTEUR DE NAVIRES DEFINIE PAR L'ARTICLE 80 DU CODE DE COMMERCE, DELIT PREVU ET REPRIME PAR L'ARTICLE 258 DU CODE PENAL, POUR AVOIR, AGISSANT D'ORDRE ET D'INSTRUCTIONS DE SON EMPLOYEUR, PROCEDE LE 12 OCTOBRE 1970 AUPRES DU CENTRE REGIONAL DE DEDOUANEMENT DU HAVRE AUX OPERATIONS DE MISE SOUS DOUANE DU NAVIRE LIBERIEN "ARAYA", ENTRE SUR LEST DANS LE PORT AUTONOME DU HAVRE ET AMARRE A L'APPONTEMENT PRIVE DE LA SOCIETE CIMENTS LAFARGE A SAINT-VIGOR-D'YMONVILLE, L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE A DECLARE LEDIT X... COUPABLE DU DELIT QUI LUI ETAIT REPROCHE, L'A CONDAMNE EN REPRESSION A 100 FRANCS D'AMENDE, DECLARE LA SOCIETE CIMENTS LAFARGE CIVILEMENT RESPONSABLE DE SON PREPOSE, A CONDAMNE LE PREVENU ET LE CIVILEMENT RESPONSABLE DEMANDEURS IN SOLIDUM A PAYER RESPECTIVEMENT A LA COMPAGNIE DES COURTIERS-INTERPRETES ET CONDUCTEURS DE NAVIRES, COURTIERS-JURES D'ASSURANCE ET AGENTS DE CHANGE DU HAVRE, ET AU SYNDICAT NATIONAL DES COURTIERS MARITIMES, PARTIES CIVILES, UN FRANC DE DOMMAGES-INTERETS ;
"AUX MOTIFS REPRIS DES PREMIERS JUGES, D'UNE PART, QUE L'ENSEMBLE DES FONCTIONS RESERVEES PAR LA LOI AUX COURTIERS-INTERPRETES ET CONDUCTEURS DE NAVIRES SERAIT LIE A LA NOTION DE PORT ET QU'EN CONSEQUENCE, MALGRE SON CARACTERE EXORBITANT DU DROIT COMMUN, CE MONOPOLE DEVRAIT NECESSAIREMENT COUVRIR LA CIRCONSCRIPTION DU PORT DU HAVRE, LAQUELLE NE SE CONFOND PAS AVEC LE TERRITOIRE DE LA COMMUNE DU HAVRE ;
"AUX MOTIFS, D'AUTRE PART, QUE CEPENDANT LA DISTINCTION FAITE PAR LE JUGEMENT ENTRE LE "PORT DU HAVRE" ET LE "PORT AUTONOME DU HAVRE" APPARAITRAIT COMME ARTIFICIELLE ET SANS FONDEMENT ;
QUE LE BASSIN DE SAINT-VIGOR-D'YMONVILLE OU SE TROUVENT LES APPONTEMENTS PRIVES DE LA SOCIETE CIMENTS LAFARGE NE CONSTITUERAIT PAS UN HAVRE DISTINCT DU PORT DU HAVRE ;
QU'ENFIN LES FORMALITES ET DEMARCHES EFFECTUEES PAR LE PREVENU SE RAPPORTERAIENT A L'ENTREE ET A LA SORTIE D'UN NAVIRE ETRANGER AYANT TOUCHE LE PORT DU HAVRE POUR S'AMARRER A L'INTERIEUR DE CE PORT ET QUE, PAR CONSEQUENT, CES FORMALITES ET DEMARCHES SERAIENT DE LA COMPETENCE EXCLUSIVE DES COURTIERS-INTERPRETES ET CONDUCTEURS DE NAVIRES ;
"ALORS QUE, COMME LE FAISAIENT VALOIR LES CONCLUSIONS DES DEMANDEURS, IL RESULTE DES ARTICLES 71, 74, 77 ET 80 DU CODE DE COMMERCE, DES ARTICLES 6 ET 8 DE LA LOI DU 28 VENTOSE AN IX, QUE LE PRIVILEGE DES COURTIERS-INTERPRETES ET CONDUCTEURS DE NAVIRES EST LIMITE AU CADRE TERRITORIAL DE LA VILLE DANS LAQUELLE EST ETABLIE LA BOURSE DE COMMERCE AUPRES DE LAQUELLE ILS SONT ACCREDITES, EN L'ESPECE LA VILLE DU HAVRE, QU'AU DEMEURANT LA JURISPRUDENCE CONSTANTE DE LA COUR DE CASSATION ET DES TRIBUNAUX A CONSACRE CETTE INTERPRETATION RESTRICTIVE, QUI S'IMPOSE D'AUTANT PLUS QU'IL S'AGIT D'UN MONOPOLE EXORBITANT DU DROIT COMMUN PROTEGE PAR DES SANCTIONS PENALES ;
"ET ALORS QUE LA CREATION DU PORT AUTONOME DU HAVRE, ETABLISSEMENT PUBLIC REGI PAR LA LOI DU 29 JUIN 1965, NE SAURAIT EXERCER AUCUNE INFLUENCE SUR L'ETENDUE TERRITORIALE DE CE MONOPOLE ;
"ALORS ENCORE QUE, COMME LE SOUTENAIENT EGALEMENT LES CONCLUSIONS DES DEMANDEURS, LA CONDUITE EN DOUANE A ETE FAITE, NON AUPRES DU BUREAU DE DOUANE DU PORT DU HAVRE, MAIS AUPRES DU CENTRE REGIONAL DE DEDOUANEMENT, COMPETENT POUR LES INSTALLATIONS PORTUAIRES DU PORT AUTONOME, SITUEES EN DEHORS DES VILLES OU RESIDENT DES COURTIERS MARITIMES, LE HAVRE ET GONFREVILLE ;
QU'AU SURPLUS LE MONOPOLE DES COURTIERS-INTERPRETES ET CONDUCTEURS DE NAVIRES TROUVAIT D'AUTANT MOINS A S'EXERCER QUE L'ACCOSTAGE ET LE CHARGEMENT DU NAVIRE LITIGIEUX ONT EU LIEU, NON SEULEMENT EN DEHORS DE LA VILLE DU HAVRE, MAIS, COMME LE CONSTATENT LES JUGES DU FOND SANS EN TIRER LES CONSEQUENCES LEGALES NECESSAIRES, SUR UN APPONTEMENT PRIVE, LEQUEL A ETE CONCEDE A LA SOCIETE CIMENTS LAFARGE PAR LE PORT AUTONOME, AU DROIT DE LA CIMENTERIE DE CETTE SOCIETE" ;
VU LESDITS ARTICLES, ENSEMBLE LE DECRET DU 17 GERMINAL AN XIII ;
ATTENDU QU'IL RESULTE DU RAPPROCHEMENT DE L'ARTICLE 6 DE LA LOI DU 28 VENTOSE AN IX ET DES ARTICLES 74 ET SUIVANTS DU CODE DE COMMERCE QUE LES COURTIERS-INTERPRETES ET CONDUCTEURS DE NAVIRES SONT NOMMES PAR LE GOUVERNEMENT DANS UNE VILLE DETERMINEE A LAQUELLE SE LIMITE LEUR MONOPOLE ;
QU'IL EN EST AINSI PLUS SPECIALEMENT POUR LA PLACE DU HAVRE EN VERTU DU DECRET DU 17 GERMINAL AN XIII ;
QUE SI LES ATTRIBUTIONS DE CES OFFICIERS PUBLICS S'EXERCENT NECESSAIREMENT, EN RAISON DE LEUR NATURE, DANS LE PORT DONT EST DOTEE LA VILLE OU ILS SONT ETABLIS, LEUR PRIVILEGE NE SAURAIT POUR AUTANT, SAUF DISPOSITION CONTRAIRE D'UN TEXTE SPECIAL, S'ETENDRE A D'AUTRES PORTS OU PARTIES DE PORTS NE DEPENDANT PAS DIRECTEMENT DE LA MEME VILLE ;
QUE PAR SUITE LA CREATION EVENTUELLE D'UN "PORT AUTONOME", ETABLISSEMENT PUBLIC SUSCEPTIBLE D'ETRE CONSTITUE, AUX TERMES DE L'ARTICLE 1ER DE LA LOI DU 29 JUIN 1965, PAR UN "GROUPEMENT DE PORTS", DEMEURE SANS INFLUENCE SUR LA COMPETENCE TERRITORIALE DESDITS COURTIERS, DONT LE PRIVILEGE RESTE EN PAREIL CAS LIMITE A LA PLACE DE COMMERCE ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QU'UN NAVIRE ETRANGER, AYANT UN CAPITAINE EGALEMENT ETRANGER, EST VENU S'AMARRER AUX APPONTEMENTS DE LA SOCIETE DES CIMENTS LAFARGE FAISANT PARTIE DU PORT AUTONOME DU HAVRE MAIS SITUES DANS LA COMMUNE DE SAINT-VIGOR-D'YMONVILLE ;
QUE LE PREVENU X..., PREPOSE DE LA SOCIETE DES CIMENTS LAFARGE S'EST ALORS CHARGE LUI-MEME D'ASSISTER LE CAPITAINE DU NAVIRE POUR L'ACCOMPLISSEMENT DES FORMALITES DOUANIERES ;
QU'EN RAISON DE CE FAIT, X... A ETE DEFERE AU TRIBUNAL CORRECTIONNEL COMME PREVENU DU DELIT PREVU ET REPRIME PAR L'ARTICLE 258 DU CODE PENAL POUR AVOIR ACCOMPLI DES ACTES RELEVANT, SELON LES PARTIES POURSUIVANTES, DU MONOPOLE ATTRIBUE EN VERTU DE L'ARTICLE 80 DU CODE DE COMMERCE AUX COURTIERS-INTERPRETES ET CONDUCTEURS DE NAVIRES ETABLIS AU HAVRE ;
ATTENDU QUE, POUR RETENIR LE DEMANDEUR DANS LES LIENS DE CETTE PREVENTION, ET ECARTER LE MOYEN DE DEFENSE PAR LEQUEL IL SOUTENAIT QUE LE LIEU OU S'ETAIT FAIT L'ACCOSTAGE DU NAVIRE ETAIT EXTERIEUR A LA PLACE DU HAVRE, LAQUELLE NE POUVAIT SELON LUI ETRE CONFONDUE AVEC LE DOMAINE BEAUCOUP PLUS VASTE DU PORT AUTONOME, L'ARRET ENONCE QUE LE BASSIN DE SAINT-VIGOR-D'YMONVILLE NE CONSTITUE PAS MATERIELLEMENT UN HAVRE DISTINCT DU PORT DU HAVRE ;
QU'IL NE PEUT ETRE ATTEINT QUE PAR DES NAVIRES AYANT FRANCHI L'ENTREE DES DIGUES DU PORT DU HAVRE STRICTO SENSU, ET AYANT SUIVI UNE VOIE D'EAU FAISANT PARTIE DU PORT AUTONOME DU HAVRE ;
QU'ENFIN, AUX TERMES DE L'ARRET, LA DISTINCTION INVOQUEE PAR LE PREVENU ET ADMISE PAR LES PREMIERS JUGES ENTRE LE PORT DU HAVRE ET LE PORT AUTONOME APPARAIT EN L'ESPECE ARTIFICIELLE ET SANS FONDEMENT ;
QU'AINSI, SELON LA COUR D'APPEL, LES FORMALITES ET DEMARCHES EFFECTUEES EN L'ESPECE PAR X... SE RAPPORTAIENT A L'ENTREE ET A LA SORTIE D'UN NAVIRE AYANT TOUCHE LE PORT DU HAVRE, POUR S'AMARRER A L'INTERIEUR DE CE PORT ET ETAIENT PAR CONSEQUENT DE LA COMPETENCE EXCLUSIVE DES COURTIERS-INTERPRETES ET CONDUCTEURS DU HAVRE ;
MAIS ATTENDU QUE CES MOTIFS NE SAURAIENT JUSTIFIER LA DECISION ;
QU'EN EFFET, D'UNE PART, IL DECOULE DES ENONCIATIONS PRECITEES QUE LE PORT PROPRE A LA VILLE DU HAVRE, DESIGNE DANS L'ARRET PAR L'EXPRESSION "PORT DU HAVRE STRICTO SENSU", N'ETAIT QU'UNE PARTIE DE L'ENSEMBLE PLUS VASTE CONSTITUE PAR LE PORT AUTONOME DANS LEQUEL IL ETAIT ENGLOBE ;
QU'AYANT AINSI OPERE ELLE-MEME UNE DISTINCTION ENTRE CES DEUX ENTITES, LA COUR D'APPEL N'A PU SANS SE CONTREDIRE DECLARER LA MEME DISTINCTION "ARTIFICIELLE ET SANS FONDEMENT" ;
QU'IL RESULTE D'AUTRE PART DES MEMES ENONCIATIONS QUE L'APPONTEMENT LITIGIEUX, SITUE DANS UNE COMMUNE QUI N'ETAIT PAS CELLE DU HAVRE, ETAIT EXTERIEUR AU PORT DU HAVRE STRICTO SENSU, AUQUEL IL N'ETAIT RELIE QUE PAR UNE VOIE NAVIGABLE N'APPARTENANT PAS DAVANTAGE A CELUI-CI ;
QU'EN CET ETAT, LA CIRCONSTANCE QUE LES INSTALLATIONS PORTUAIRES DU HAVRE ET DE SAINT-VIGOR-D'YMONVILLE AIENT ETE DESSERVIES PAR LES MEMES ACCES MARITIMES NE SUFFISAIT PAS A ETABLIR QU'ELLES EUSSENT CONSTITUE UN PORT UNIQUE APPARTENANT A LA MEME PLACE DE COMMERCE ;
QU'IL S'ENSUIT QUE L'ARRET A MECONNU LES REGLES DE DROIT CI-DESSUS RAPPELEES ET QUE LA CASSATION EST DES LORS ENCOURUE ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE EN TOUTES SES DISPOSITIONS L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE ROUEN, EN DATE DU 24 MAI 1973, ET, POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX