CASSATION SUR LE POURVOI DE X... (PIERRE), CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI, DU 31 MAI 1972 QUI A CONFIRME L'ORDONNANCE DE REJET DE MISE EN LIBERTE DE X... (PIERRE), INCULPE D'HOMICIDE VOLONTAIRE, RENDUE PAR LE JUGE D'INSTRUCTION DE BETHUNE, LE 2 MAI 1972. LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
, PROPOSE ET PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 198, 201, 205, 206, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE, 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE LA CHAMBRE D'ACCUSATION S'EST ABSTENUE DE RECHERCHER SI LE SUPPLEMENT D'INFORMATION ORDONNE PAR SON PRECEDENT ARRET DU 16 MAI 1972 NE SE TROUVAIT PAS ENTACHE D'ATTEINTE AUX DROITS DE LA DEFENSE ET DE NULLITE DU FAIT QUE LE CONSEILLER DELEGUE POUR Y PROCEDER S'ETAIT FAIT ASSISTER CONTRAIREMENT A SA PROPRE MANIFESTATION DE VOLONTE PAR UN OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE QUI AVAIT DIRIGE ET CONTINUE DE DIRIGER L'ENQUETE DANS LE SENS DE LA CULPABILITE DU DETENU ;"ALORS QUE, D'UNE PART, LA CHAMBRE D'ACCUSATION SAISIE PAR LA TRANSMISSION QUE LUI AVAIT FAITE MONSIEUR LE PREMIER PRESIDENT, DU MEMOIRE DES CONSEILS DE L'INCULPE DENONCANT LES IRREGULARITES DES CONDITIONS DANS LESQUELLES S'ETAIENT DEROULEES LES OPERATIONS DE VISITE DES LIEUX DU CRIME, N'A PAS REPONDU A CETTE ARTICULATION ET A AINSI INSUFFISAMMENT MOTIVE SA DECISION ;
"ALORS QUE, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, LA CHAMBRE D'ACCUSATION ETAIT TENUE AUX TERMES DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 206 DU CODE DE PROCEDURE PENALE DE VERIFIER LA REGULARITE DE LA PROCEDURE QUI LUI ETAIT SOUMISE ET SI ELLE DECOUVRAIT UNE CAUSE DE NULLITE DE PROCEDER AINSI QU'IL EST DIT A CET ARTICLE" ;
ATTENDU QUE LE DOCUMENT QUALIFIE "MEMOIRE" PAR LE MOYEN N'ETAIT EN FAIT, NULLEMENT UN MEMOIRE DESTINE A LA CHAMBRE D'ACCUSATION ET REGULIEREMENT DEPOSE DEVANT ELLE PAR LES CONSEILS DE L'INCULPE, CONFORMEMENT AUX PRESCRIPTIONS IMPERATIVES DE L'ARTICLE 198 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, MAIS UNE LETTRE PERSONNELLE, ADRESSEE PAR LES AVOCATS DE X... A MONSIEUR LE PREMIER PRESIDENT DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI : 1° POUR "MANIFESTER LEUR ETONNEMENT" ET "PROTESTER ENERGIQUEMENT CONTRE LE DEROULEMENT DE LA MISSION CONFIEE A M. LE CONSEILLER CHAMBON, FORMULANT D'ORES ET DEJA A CE SUJET LES PLUS EXPRESSES RESERVES DE FAIT ET DE DROIT" ;
2° POUR PROTESTER CONTRE CE QUE LES DEFENSEURS APPELLENT "UNE MANOEUVRE DILATOIRE DU JUGE D'INSTRUCTION" ;
QU'UNE TELLE LETTRE, ETRANGERE A TOUTE PROCEDURE PREVUE PAR LE CODE DE PROCEDURE PENALE, NE POUVAIT, MEME TRANSMISE AU PRESIDENT DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION PAR LE PREMIER PRESIDENT QUI, A BON DROIT, S'ETAIT ESTIME INCOMPETENT POUR Y DONNER SUITE, METTRE LA CHAMBRE D'ACCUSATION EN DEMEURE DE REPONDRE AUX GRIEFS QU'ELLE CONTENAIT ET QUI NE FIGURAIENT DANS AUCUN MEMOIRE REGULIEREMENT DEPOSE ;
ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE LA CHAMBRE D'ACCUSATION EST, NON PAS UNE JURIDICTION DE JUGEMENT, MAIS UNE JURIDICTION D'INSTRUCTION DONT LES MEMBRES, LORSQU'ILS PROCEDENT A UN SUPPLEMENT D'INFORMATION, SONT NORMALEMENT, TOUT COMME LE JUGE D'INSTRUCTION, ET POUR L'EXECUTION DE LEUR MISSION, EN RAPPORT AVEC LES OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE QUI CONNAISSENT OU ONT CONNU DE LA MEME PROCEDURE ;
QU'AINSI, A ADMETTRE MEME, COMME LE SOUTIENT LE MOYEN, ET BIEN QUE CELA NE RESSORTE PAS DU PROCES-VERBAL DE TRANSPORT SUR LES LIEUX DRESSE PAR LE CONSEILLER DELEGUE, QUE LE COMMISSAIRE DE POLICE CHARGE PRIMITIVEMENT DE L'ENQUETE AIT ASSISTE A CE TRANSPORT, IL N'EN RESULTERAIT AUCUNE NULLITE DE LA PROCEDURE ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;
SUR LE
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
PROPOSE ET PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 201, 206, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE LE CONSEILLER COMMIS POUR PROCEDER AU SUPPLEMENT D'INFORMATION S'EST LIVRE A DES RAPPROCHEMENTS ENTRE LES DECLARATIONS DES TEMOINS ET LES LIEUX DU CRIME POUR EN DEDUIRE UNE OPINION CATEGORIQUE SUR CE QU'IL A APPELE LA "CONCENTRATION DES INDICES" ;"ALORS QUE LES POUVOIRS DELEGUES AU CONSEILLER CHAMBON PAR L'ARRET QUI L'AVAIT DESIGNE ETAIENT STRICTEMENT LIMITES AUX TERMES DE CETTE DECISION A LA VISITE ET A LA DESCRIPTION DES LIEUX DU CRIME ;
"ET QU'EN SE LIVRANT A DES RECHERCHES SUR LES PRESOMPTIONS DE CULPABILITE PESANT SUR LE DETENU, EN DONNANT SON OPINION SUR LAQUELLE IL A ENTENDU APPELER L'ATTENTION DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION QUANT A LA CONCENTRATION DES INDICES ET EN ENTREPRENANT DE DEMONTRER CELLE-CI, LEDIT CONSEILLER A AINSI ABORDE LE FOND DE L'AFFAIRE ET OUTREPASSE SA MISSION" ;
ATTENDU QUE, PAR ARRET DU 16 MAI 1972, LA CHAMBRE D'ACCUSATION, S'ESTIMANT INSUFFISAMMENT INFORMEE, ET AVANT DE STATUER SUR L'APPEL RELEVE PAR X... D'UNE ORDONNANCE DU JUGE D'INSTRUCTION REJETANT SA DEMANDE DE MISE EN LIBERTE, A ORDONNE UN SUPPLEMENT D'INFORMATION "A L'EFFET DE VISITER LES LIEUX DU CRIME ET D'EN FAIRE UNE DESCRIPTION" ;
QU'ELLE A DELEGUE L'UN DE SES MEMBRES POUR EFFECTUER CE SUPPLEMENT D'INFORMATION ;
ATTENDU QU'IL EST VRAI QUE LE PROCES-VERBAL DE TRANSPORT SUR LES LIEUX ETABLI PAR LE CONSEILLER DELEGUE, ET FIGURANT AU DOSSIER, N'EST PAS UNE SIMPLE DESCRIPTION TOPOGRAPHIQUE DES LIEUX DU CRIME ;
QUE LE CONSEILLER DELEGUE A EGALEMENT RELEVE CE QU'IL A APPELE LA "CONCENTRATION DES INDICES QUANT AUX LIEUX", PRECISANT QUE LE DOMICILE DE LA VICTIME, LE LIEU DE SA DECOUVERTE, LE LIEU OU ELLE AURAIT ETE VUE POUR LA DERNIERE FOIS, LE LIEU OU L'INCULPE AURAIT ETE VU A 20 H 10, ET LE LIEU OU IL SE SERAIT RENDU ENSUITE, SONT SEPARES LES UNS DES AUTRES PAR UNE DISTANCE D'AU PLUS 150 METRES ENVIRON ;
QUE LE CONSEILLER DELEGUE A NOTE ENSUITE QUE LE POINT OU LA VICTIME AURAIT ETE VUE A 19 H 45 EST DISTANT DE 60 METRES ENVIRON DE CELUI OU L'INCULPE AURAIT ETE VU DANS SON VEHICULE ET QUE 24 METRES SEPARENT LA MAISON Y... DE LA PERPENDICULAIRE ABAISSEE SUR LA HAIE SEPARATIVE, A HAUTEUR DU POINT DE DECOUVERTE DE LA VICTIME ;
ATTENDU QU'EN SOI, CES PRECISIONS DE FAIT QUI SE BORNENT A REPORTER SUR LE TERRAIN LES INDICATIONS RESULTANT DES TEMOIGNAGES RECUEILLIS ET DES DECLARATIONS DE L'INCULPE NE SAURAIENT ETRE CONSIDEREES COMME FOURNIES EN MECONNAISSANCE DE LA MISSION DONNEE AU CONSEILLER DELEGUE ET QUI, PAR SA GENERALITE MEME, PRETAIT A INTERPRETATION ;
QUE N'ONT PAS DAVANTAGE ETE VIOLES LES DROITS DE LA DEFENSE LAQUELLE CONSERVE LE POUVOIR DE CONTESTER, SI ELLE L'ESTIME UTILE, LES DONNEES FOURNIES PAR LE PROCES-VERBAL DE TRANSPORT, ET, EVENTUELLEMENT, D'ETABLIR LEUR INEXACTITUDE, SI TEL ETAIT LE CAS ;
QUE SI L'ON PEUT REGRETTER QUE LE REDACTEUR DU PROCES-VERBAL AIT EMPLOYE L'EXPRESSION "CONCENTRATION DES INDICES", QUI EST EN L'ESPECE IMPROPRE ET QUI PEUT DES LORS PRETER A EQUIVOQUE, ET QU'IL AIT NEGLIGE D'UTILISER LE MODE CONDITIONNEL LORSQU'IL A MENTIONNE DES HEURES OU DES CIRCONSTANCES QUI, RESSORTANT DE TEMOIGNAGES, PEUVENT ETRE REMIS EN CAUSE JUSQU'A DECISION DEFINITIVE, CES SIMPLES IMPROPRIETES DE LANGAGE NE SAURAIENT ENTRAINER LA NULLITE DE L'ACTE ET DONNER OUVERTURE A CASSATION CONTRE L'ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION QUI N'A PAS PRONONCE CETTE NULLITE ;
QU'AINSI LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ADMIS ;
MAIS SUR LE MOYEN PRIS D'OFFICE DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
VU LEDIT ARTICLE ;
ATTENDU QUE SI AUCUNE DISPOSITION DE LA LOI NI AUCUN PRINCIPE DE DROIT N'INTERDISENT A LA CHAMBRE D'ACCUSATION, LORSQU'ELLE STATUE EN MATIERE DE DETENTION PROVISOIRE, DE PRENDRE EN CONSIDERATION, COMME ELLE L'A FAIT EN L'ESPECE, LES ELEMENTS DE LA PROCEDURE POUR RELEVER LES PRESOMPTIONS QUI, AU MOMENT MEME OU ELLE STATUE, PESENT SUR L'INCULPE, SON APPRECIATION DES CHARGES DOIT ETRE EXEMPTE D'INSUFFISANCE OU DE CONTRADICTION ;
ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE ENONCE "QUE LA VICTIME A ETE VUE POUR LA DERNIERE FOIS LE 5 AVRIL 1972, VERS 19 H 45, RUE DE RANCHICOURT FACE A LA PROPRIETE DE LA DAME Z... Y..., AMIE DE L'INCULPE ;
QUE LE CORPS DE LA VICTIME A ETE DECOUVERT LE LENDEMAIN, VERS 18 HEURES, SUR UN TERRAIN VAGUE, A 5 OU 6 METRES DE LA HAIE LIMITANT CETTE PROPRIETE ;
QUE LA VICTIME A ETE VUE PRENDRE UN FRUIT LE 5 AVRIL VERS 17 H 30 ;
QUE PERSONNE NE L'A VUE MANGER CE FRUIT ;
QUE L'AUTOPSIE A REVELE QUE LE DECES EST SURVENU ENVIRON DEUX HEURES APRES L'INGESTION D'UNE ORANGE" ;
ATTENDU QUE CES MOTIFS NE PRECISENT PAS S'IL EST ETABLI, OU MEME SEULEMENT PRESUMABLE, QUE LE CRIME AIT ETE COMMIS AU LIEU OU A ETE DECOUVERT LE CORPS DE LA VICTIME ;
QUE DE CES MOTIFS NE PEUT DAVANTAGE SE DEDUIRE L'HEURE DU CRIME, DES LORS QUE S'IL EST BIEN INDIQUE, D'APRES LE RAPPORT D'AUTOPSIE, QUE LE DECES EST SURVENU ENVIRON DEUX HEURES APRES L'INGESTION D'UNE ORANGE, IL EST AUSSI ENONCE QUE PERSONNE N'A VU LA VICTIME MANGER CE FRUIT ;
QU'AINSI MANQUE LA PRECISION DE TEMPS QUI AURAIT PERMIS A LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE CALCULER SANS RISQUE D'ERREUR L'HEURE DU CRIME EN LA DEDUISANT DE L'HEURE DE L'INGESTION DE L'ORANGE ;
ATTENDU QU'EN CET ETAT, L'ARRET QUI N'AVAIT DETERMINE NI L'HEURE DU CRIME, NI LE LIEU OU CELUI-CI AVAIT ETE PERPETRE NE POUVAIT, SANS INSUFFISANCE, SE BORNER A RETENIR COMME "PRESOMPTIONS SERIEUSES" A LA CHARGE DE L'INCULPE LE SEUL FAIT QUE CET INCULPE AIT VARIE DANS LES EXPLICATIONS QU'IL AVAIT DONNEES DE SON EMPLOI DU TEMPS DU 5 AVRIL 1972 ENTRE 18 H 30 ET 20 H 40 ;
QUE D'AUTRE PART, LA CHAMBRE D'ACCUSATION, EN L'ABSENCE DE PRECISIONS SUFFISANTES SUR L'HEURE ET LE LIEU DU CRIME, NE POUVAIT SANS SE CONTREDIRE OU S'EN EXPLIQUER DAVANTAGE PRENDRE EN CONSIDERATION CE QUE LA COUR ENONCE ETRE "DES ELEMENTS ET INDICES QUI SE SITUENT EN UN TEMPS ET EN DES LIEUX VOISINS DE CEUX DU CRIME" ET QUI AURAIENT ETABLI, SELON L'ARRET, "UN LIEN ENTRE LE FAIT POURSUIVI ET LA PERSONNE DE L'INCULPE", ET AURAIENT CONSTITUE "DES PRESOMPTIONS SERIEUSES DE NATURE A DESIGNER CE DERNIER COMME L'AUTEUR DE L'ACTE INCRIMINE" ;
QU'AINSI LA CASSATION EST ENCOURUE ;
PAR CES MOTIFS, ET SANS QU'IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE TROISIEME MOYEN PROPOSE ;
CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI DU 31 MAI 1972 ;
ET POUR QU'IL SOIT STATUE A NOUVEAU, CONFORMEMENT A LA LOI ;
RENVOIE, EN L'ETAT, LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS.