Sur le premier moyen :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les époux X..., hôteliers, ont été découverts, dans leur chambre, asphyxiés par une émanation de gaz, qui incommoda deux de leurs clients occupant une pièce voisine, que le commissaire de police se transporta sur les lieux, accompagné du docteur Y... ; qu'une explosion, dont la cause est demeurée inconnue, détruisit l'immeuble, que le docteur Y... fut blessé, ainsi que plusieurs autres personnes ;
Attendu que le docteur Y... intenta contre le ministre de la Justice et contre l'agent judiciaire du Trésor une action, tendant à la réparation du préjudice par lui subi ;
Attendu qu'il est précisé par les juges du second degré que le docteur Y..., accessoirement appelé à donner ses soins aux personnes intoxiquées, a été requis, dans les conditions prévues par les articles 43 et 44 du Code d'instruction criminelle, par un commissaire de police agissant, dans une instance pénale, en qualité d'auxiliaire du Procureur de la République ; qu'ils ont déduit à bon droit de ces énonciations que l'événement générateur du dommage était produit au cours d'une opération de police judiciaire ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fondé la condamnation des défendeurs sur l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, aux termes duquel le gardien d'une chose inanimée est, de plein droit, responsable du dommage qu'elle a causé ;
Attendu que ce grief est justifié ;
Attendu, en effet, que le gardien d'une chose inanimée est celui qui en a l'usage et qui détient le pouvoir de la surveiller et de la contrôler ;
Attendu que les éléments de la cause ne permettaient pas d'attribuer à la police judiciaire la qualité de gardien de l'immeuble sinistré, au sens, qui vient d'être rappelé, du texte précité ;
Mais attendu que la juridiction de l'ordre judiciaire régulièrement saisie en vertu des principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance du pouvoir judiciaire, était appelée à se prononcer, au fond, sur un litige mettant en cause la responsabilité de la puissance publique, dont l'exercice du pouvoir judiciaire constitue, au premier chef, une manifestation ;
Attendu que la Cour d'Appel s'est appuyée, à tort, sur les dispositions de droit privé relatives aux délits et quasi-délits qui ne peuvent être invoqués pour fonder la responsabilité de l'Etat, qu'elle avait, en revanche, le pouvoir et le devoir de se référer, en l'espèce, aux règles du droit public ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué, qu'à l'instant où il fut blessé, le docteur Y..., requis par le représentant d'un service public, était devenu le collaborateur occasionnel de ce service ;
Attendu que la victime d'un dommage subi dans de telles conditions n'a pas à le supporter, que la réparation de ce dommage - toute recherche d'une faute étant exclue - incombe à la collectivité dans l'intérêt de laquelle le service intéressé a fonctionné ;
Attendu que, par ces motifs de pur droit, tirés des constatations des juges du fait et substitués d'office à ceux que l'arrêt attaqué, la décision dudit arrêt se trouve légalement justifiée ;
Sur le second moyen pris en sa première branche :
Attendu qu'à la date à laquelle est intervenu l'arrêt attaqué, aucun texte n'interdisait le maintien en la cause du ministre de la Justice, que la loi du 3 avril 1955, qui confère à l'agent judiciaire du Trésor le monopole de la représentation de l'Etat en justice, n'a pas d'effet rétroactif ;
Sur le second moyen pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu, nonobstant tout motif surabondant, que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement de première instance, que ledit jugement condamnait le Trésor public et le ministère de la Justice, autrement dit l'Etat, en la personne du ministre intéressé, au versement de la provision allouée au sieur Y... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa première branche et qu'il manque par le fait qui lui sert de base, en ses deuxième et troisième branches ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 2 février 1955 par la Cour d'appel de Paris.