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25/07/2019 | FRANCE | N°18VE04338

France | France, Cour administrative d'appel de Versailless, 1ère chambre, 25 juillet 2019, 18VE04338


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...G...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les arrêtés, en date du 26 juillet 2018, par lesquels le préfet de l'Essonne leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de leur reconduite à la frontière.

Par un jugement n°s 1805623, 1805626 du 4 décembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

te et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 décembre 2018 et le 29 avril 2019, M. et Mme D......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...G...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les arrêtés, en date du 26 juillet 2018, par lesquels le préfet de l'Essonne leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de leur reconduite à la frontière.

Par un jugement n°s 1805623, 1805626 du 4 décembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 décembre 2018 et le 29 avril 2019, M. et Mme D...G..., représentés par MeF..., demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler les décisions en date du 26 juillet 2018 portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de leur délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou à titre infiniment subsidiaire, de leur délivrer un récépissé dans l'attente du réexamen de leur situation administrative dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de la déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959 ;

En ce qui concerne leur légalité, les décisions de refus de séjour :

- ont été signées par une autorité incompétente ;

- sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen complet de leur situation ;

- sont entachées d'un vice de procédure dès lors qu'en l'absence de mention dans l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, du nom du médecin ayant établi le rapport prévu par les dispositions de l'article R. 313-23 du code, il n'est pas établi que ce médecin n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII ayant rendu l'avis du 17 juillet 2017 ;

- n'ont pas été pris au vu d'un avis du collège de médecins de l'OFII rendu à l'issue d'une délibération collégiale comme l'exige l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- sont entachées d'une erreur de fait ;

- méconnaissent les dispositions des articles L. 311-12 du code ;

- sont entachées d'un erreur manifeste d'appréciation de l'existence de circonstances exceptionnelles eu égard aux conséquences de leur exécution sur les chances de leur enfant de remédier à l'aggravation de son état de santé ;

- méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dibie ;

- et les observations de Me C..., substituant MeF..., pour M. et Mme G....

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme G..., par MeF..., a été enregistrée le 9 juillet 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés du 26 juillet 2018, après avoir pris connaissance de l'avis défavorable du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 17 juillet 2018 qu'il l'avait saisi, le préfet de l'Essonne a rejeté la demande de M. et MmeG..., ressortissants tunisiens nés respectivement le 1er février 1977 et le 28 août 1986, tendant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en tant que parent d'un enfant étranger malade, sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et fait obligation aux intéressés de quitter le territoire français à destination de leur pays d'origine dans un délai de trente jours. M. et Mme G...relèvent appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...) sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. (...) ".

3. Pour refuser aux requérants le titre de séjour sollicité, le préfet de l'Essonne a estimé, au vu du dossier et notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 juillet 2018, qu'à la date de la décision attaquée, l'état de santé de leur enfant Belgacem nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Tunisie, cet enfant pouvait bénéficier dans ce pays d'un traitement approprié et que, par ailleurs son état de santé lui permettait de voyager.

4. Il ressort des pièces du dossier le fils de M. et MmeG..., Belgacem, souffre d'un retard sévère de développement avec déficience intellectuelle, troubles cognitifs, troubles moteurs et troubles de la communication avec éléments dismorphiques, microcéphalie, retard staturo-pondéral, atrophie optique, accompagné de crises d'épilepsie. Dans trois certificats médicaux du 22 août 2017, du 22 janvier 2019 et du 20 mars 2019, le DocteurB..., praticien hospitalier dans le service de neuropédiatrie de l'hôpital Raymond Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) où est suivi l'enfant, souligne que la pathologie dont souffre Belgacem nécessite la prise de l'antiépileptique Keppra non substituable et une prise en charge multidisciplinaire en établissement spécialisé et l'absence de prise en charge adaptée en Tunisie. Dans un certificat médical du 22 août 2017, le professeur Jebnoun, pédiatre en Tunisie, atteste que la rééducation suivie par l'enfant en Tunisie n'a pas permis une amélioration de son état. Dans un certificat médical non daté, mais antérieur à l'arrivée en France de l'enfant en 2017, le DocteurA..., chef du service de pédiatrie de l'hôpital régional de Zarzis (Tunisie) confirme avoir épuisé tous les moyens diagnostiques et thérapeutiques disponibles en Tunisie. Dans une attestation du 20 décembre 2018, la directrice du centre de l'association générale des insuffisants moteur de Zarzis (Tunisie) où était pris en charge l'enfant avant sa prise en charge en France, confirme que l'état de santé de l'enfant Belgacem s'est dégradé en conséquence de l'incapacité du centre d'assurer sa prise en charge globale, et qu'il n'existe pas en Tunisie de structure capable de le prendre en charge tant dans son développement psychomoteur que dans la poursuite de ses soins. En outre, il ressort d'un certificat médical établi le 23 avril 2019 par le Docteur E...que la stabilisation de l'épilepsie de l'enfant Belgacem n'a pas pu être obtenue avec l'antiépileptique Levet, alors qu'il ressort de plusieurs attestations de pharmaciens de la région de Zarzas ainsi que de pièces émanant de la direction de la pharmacie et du médicament, organisme rattaché au ministère de la santé publique tunisien que le seul antiépileptique disponible est le Levet alors que le Keppra y est indisponible dès lors que ce médicament n'est pas commercialisé en Tunisie, dans un contexte général de pénurie de médicaments dans ce pays. Dès lors, en l'absence de toute défense du préfet au fond tant devant les premiers juges qu'en appel, il doit être tenu pour établi qu'à la date des décisions en litige, l'enfant Belgacem dont il n'est pas contesté que l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ne peut bénéficier effectivement en Tunisie d'un traitement approprié. Il s'ensuit que les conditions du 11°de l'article L. 313-11 étant remplies, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être accueilli.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme G...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet de l'Essonne délivre à M. et Mme G...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, le présent arrêt implique que le préfet de l'Essonne délivre aux requérants une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois sur le fondement de l'article L. 311-12 du même code, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État, partie perdante, le versement d'une somme de 1 500 euros à M. et MmeG..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 4 décembre 2018 et les arrêtés du préfet de l'Essonne du 26 juillet 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à M. et Mme G...une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. et Mme G...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 18VE04338


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailless
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04338
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailless;arret;2019-07-25;18ve04338 ?
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