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11/07/2019 | FRANCE | N°17VE03608

France | France, Cour administrative d'appel de Versailless, 7ème chambre, 11 juillet 2019, 17VE03608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 73 936,09 euros émis à son encontre le 20 janvier 2014 par le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, de condamner le centre hospitalier au paiement de la somme de 73 936,09 euros en réparation du préjudice subi et de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.<

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Par un jugement n° 1408884 du 3 octobre 2017, le Tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 73 936,09 euros émis à son encontre le 20 janvier 2014 par le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES et de la décharger de l'obligation de payer cette somme, de condamner le centre hospitalier au paiement de la somme de 73 936,09 euros en réparation du préjudice subi et de mettre à la charge du centre hospitalier une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1408884 du 3 octobre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le titre exécutoire litigieux, a déchargé Mme D... de l'obligation de payer la somme en litige, a mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er décembre 2017, 27 novembre 2018 et 4 février 2019, le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES, représenté par Me Adeline-Delvolvé, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge Mme D... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête de Mme D...était irrecevable, dès lors qu'elle était tardive ;

- les premiers juges auraient dû procéder à une substitution de base légale dès lors qu'ils ont considéré que le contrat d'engagement signé par Mme D...était illégal ;

- ce contrat n'est pas illégal ;

- la Cour pourra, à titre subsidiaire, substituer les dispositions du décret du 21 août 2008 à celles du contrat d'engagement qui ont servi de fondement au titre exécutoire litigieux ;

- la Cour pourra, à titre infiniment subsidiaire, fonder la décision litigieuse sur l'absence de service fait ainsi que sur le principe de l'enrichissement sans cause ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 90-319 du 5 avril 1990 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 2008-824 du 21 août 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bobko,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me Adeline-Delvolvé, pour le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES et celles de Me C..., substituant Me A..., pour Mme D....

Une note en délibéré, enregistrée 28 juin 2019, a été présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a été recrutée comme agent contractuel par le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES pour occuper des fonctions de puéricultrice à la maternité de Sèvres, à compter du 6 janvier 2004. Du 1er septembre 2007 au 30 novembre 2010, elle a suivi une formation à l'institut de formation en soins infirmier du centre hospitalier de Nanterre en vue d'obtenir le diplôme d'Etat d'infirmier. Dans ce cadre, elle a signé le 1er juillet 2010 un contrat d'engagement avec le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES, par lequel elle s'engageait, en cas de réussite, à exercer la profession d'infirmière auprès du centre hospitalier durant 60 mois, à défaut de quoi elle devrait rembourser à l'établissement une somme proportionnelle au temps de service restant à accomplir et calculée à partir des traitements et frais d'études supportés par l'établissement. A son retour de formation, Mme D... a été affectée à la maison de retraite du CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES. Par un arrêté du 17 avril 2012, elle a été placée en disponibilité pour raison de santé à compter du 1er septembre 2012. Par une décision du 12 novembre 2013, elle a fait l'objet d'un licenciement pour abandon de poste. Le 14 janvier 2014, le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES a émis à son encontre un titre exécutoire d'un montant de 73 936,09 euros, en remboursement des frais engagés par l'établissement au titre de sa formation. Le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES relève appel du jugement du 3 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le titre exécutoire émis à l'encontre de Mme D...et a déchargé cette-dernière de l'obligation de payer la somme en litige.

I. Sur la régularité du jugement :

2. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.

3. Il résulte de ce qui précède que le tribunal n'était pas tenu, pour apprécier la légalité du titre de recettes contesté, de rechercher de sa propre initiative si le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES aurait légalement pu prendre ce titre sur un autre fondement que celui initialement retenu par l'établissement. Il suit de là que le moyen tiré de ce que c'est à tort que le tribunal n'a pas procédé d'office à une substitution de base légale doit être écarté.

II. Sur le bien-fondé du jugement :

II.1. En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. / [...] 2° L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Il en résulte que le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par la première de ces dispositions, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par la seconde, lui soit opposable.

5. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

6. D'une part, il résulte de l'instruction que le titre de recettes du 14 janvier 2014 notifié à Mme D... indique que le titre a été " émis et rendu exécutoire en application de l'article L. 252-A du Livre des procédures fiscales, de l'article L. 6145-9 du code de la santé publique et de l'article R. 2342-4 du code général des collectivités territoriales " et qu'il est " exigible dès réception ". Ces mentions qui ne précisent ni les délais, ni les voies de recours, n'ont pu faire courir le délai de recours contentieux. D'autre part, il est constant que Mme D...a adressé au centre hospitalier un recours gracieux qui a été reçu le 1er avril 2014 et rejeté par une décision du 2 avril 2014, qui ne comporte aucune mention des voies et délais de recours. Si le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES soutient que Mme D... disposait d'une connaissance acquise du titre exécutoire litigieux, la formation d'un recours administratif contre une décision établit seulement que l'auteur de ce recours administratif a eu connaissance de la décision qu'il a contestée au plus tard à la date à laquelle il a formé ce recours. Une telle circonstance ne dispense pas l'administration du respect des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative précité. Enfin, Mme D... a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 9 septembre 2014, soit moins de huit mois après l'édiction du titre exécutoire litigieux. Ce délai n'excède pas le délai raisonnable durant lequel son recours juridictionnel pouvait être exercé. Le moyen tiré de la tardiveté de la demande de Mme D...ne peut, par suite qu'être rejeté.

II. 2. En ce qui concerne le fondement initialement retenu par le centre hospitalier pour émettre le titre de recettes :

7. Aux termes de l'article 9 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable : " L'agent contractuel en activité peut bénéficier : [...] / 3° D'un congé pour formation professionnelle dans les conditions fixées par le décret du 5 avril 1990 susvisé [...] ". Ce dernier décret a été abrogé par le décret du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière et applicable en l'espèce. Les dispositions de l'article 9 du décret du 21 août 2008, applicables au présent litige et qui, au demeurant, reprennent en substance celles de l'article 7 du décret du 5 avril 1990, prévoient que lorsque l'agent qui a été rémunéré pendant sa formation obtient l'un des certificats ou diplômes qu'il a préparés, il est tenu de servir dans un des établissements énumérés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 pendant une durée égale au triple de celle de la formation, dans la limite de cinq ans maximum à compter de l'obtention de ce certificat ou diplôme. Ces dispositions prévoient en outre que " dans le cas où l'agent quitte la fonction publique hospitalière avant la fin de cette période, il doit rembourser à l'établissement qui a assuré sa formation, les sommes perçues pendant cette formation proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir ".

8. Il résulte de l'instruction et notamment du courrier de la directrice des ressources humaines du centre hospitalier et des mentions portées dans le titre de recettes contestée, que le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES a demandé à Mme D...le remboursement de la somme de 73 936,09 euros, correspondant aux salaires et frais d'études supportés par l'établissement pendant sa formation, sur le fondement de l'article 3 du contrat d'engagement à servir au titre de la formation professionnelle conclu le 1er juillet 2010 entre les intéressés, au terme duquel Mme D...s'était engagée à " exercer la profession d'infirmière, auprès du centre hospitalier des Quatre villes durant 60 mois " à compter de la date d'obtention de son diplôme d'infirmière diplômée d'Etat. Cependant, aucune des dispositions statutaires alors applicables ne prévoyait, en cas de départ de l'agent de l'établissement employeur, le remboursement de ces sommes par l'agent. L'engagement que Mme D... avait contracté en ce sens auprès du CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES était sans valeur et ne pouvait servir de base légale au titre de recettes émis. Par suite, le moyen tiré de ce que ce contrat d'engagement pouvait fonder le titre de recettes contesté doit être écarté.

II.3 En ce qui concerne les demandes de substitution de base légale du CENTRE HOSPIRALIER DES QUATRE VILLES :

II.3.1. S'agissant de l'application de l'article 9 du décret du 21 août 2008 :

9. LE CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES demande que l'article 9 du décret du 21 août 2008 soit substitué au contrat d'engagement de servir.

10. Toutefois, lorsque l'administration entend demander le remboursement des sommes perçues pendant la formation d'un agent, elle doit, d'une part, vérifier que cet agent a quitté la fonction publique hospitalière et d'autre part, déterminé le montant dû proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir. L'appréciation de fait portée sur chacun de ces points exclut que l'administration puisse se trouver en situation de compétence liée. Ce pouvoir d'appréciation est différent de celui mis en oeuvre par le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES, qui s'est borné à constater que Mme D...avait quitté l'établissement. Cette première demande de substitution de base légale ne saurait, dès lors, être accueillie.

II.3.2. S'agissant de l'absence de service fait :

11. Aux termes de l'article 8 du décret du 23 août 2008 : " Les agents qui suivent une formation inscrite au plan de formation de l'établissement bénéficient, pendant leur temps de travail, du maintien de leur rémunération [...] ".

12. Ces dispositions permettent à l'agent de percevoir sa rémunération pendant sa formation. Il est constant que Mme D...a effectivement suivi la formation à laquelle elle était inscrite. Le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES ne peut dès lors sérieusement soutenir qu'en l'absence de service fait, il est fondé à réclamer les rémunérations versées à Mme D... au cours de sa période de formation. Cette deuxième demande de substitution de base légale ne saurait davantage être accueillie.

II.3.3. S'agissant de l'enrichissement sans cause :

13. Le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES n'est pas fondé à soutenir que les rémunérations qu'il a versées à Mme D...au cours de sa période de formation auraient conduit à un enrichissement sans cause de l'intéressée, dès lors que ces dépenses résultent de l'application des dispositions précitées de l'article 8 du décret du 23 août 2008. Cette troisième demande de substitution de base légale ne peut pas être accueillie.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

III. Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER le versement de la somme que Mme D...demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER DES QUATRE VILLES est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme D... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 17VE03608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailless
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03608
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Obligations des fonctionnaires - Engagement de servir l'État.


Composition du Tribunal
Président : M. TRONEL
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : SELAS ADMINIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailless;arret;2019-07-11;17ve03608 ?
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