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10/07/2025 | FRANCE | N°24VE02780

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, Juge des référés, 10 juillet 2025, 24VE02780


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2023 par lequel le préfet du Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.



Par un jugement n° 2300553 du 20 septembre 2024, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.



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rocédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 octobre et 21 novembre 2024 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2023 par lequel le préfet du Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2300553 du 20 septembre 2024, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 octobre et 21 novembre 2024 et le 29 mars 2025, M. B..., représenté par Me Guerekobaya, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Cher de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant du jugement attaqué,

- il est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet du Cher a méconnu son pouvoir général de régularisation ;

- les premiers juges ont retenu des éléments contradictoires, entaché leur décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnu le champ d'application de la loi en faisant application des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour,

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour ;

- il a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français,

- elle est illégale par exception d'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, elle est entachée d'une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2025, le préfet du Cher conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 12 mai 1982, qui déclare être entré en France en août 2007 sous couvert d'un visa de court séjour, a présenté le 20 janvier 2021 une demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par l'arrêté contesté du 13 janvier 2023, le préfet du Cher a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 20 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen soulevé en première instance par M. B..., qui n'était pas inopérant, tiré de ce que le préfet du Cher aurait méconnu son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif d'Orléans et devant la cour.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. Accettone, secrétaire général à la préfecture du Cher, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet en vertu d'un arrêté n° 18-2023-011 du 13 janvier 2023 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 23 août 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris par une autorité incompétente, au demeurant non repris en appel, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l'arrêté contesté mentionne les éléments de fait propres à la situation personnelle de M. B..., notamment les circonstances qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français en dépit d'une précédente mesure d'éloignement notifiée le 19 mars 2018, qu'il a sollicité la régularisation de sa situation administrative le 20 janvier 2021 suite à son mariage le 19 septembre 2020 avec une ressortissante française, qu'il s'est présenté le 10 novembre 2022 avec son épouse devant la commission du titre de séjour sans apporter d'éléments nouveaux relatifs à sa situation personnelle, qu'il ne dispose pas de preuves de vie commune antérieures à leur union, qu'il est salarié mais ne dispose pas de diplôme particulier et n'a pas perçu de salaire avant trois mois d'exercice, que la commission du titre de séjour a émis un avis défavorable à sa demande de régularisation, qu'il ne remplit pas les conditions requises pour se voir délivrer un titre de séjour en application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'est pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa privée et familiale, qu'il ne remplit pas les conditions requises pour l'obtention d'une titre " salarié " en application de l'article L. 421-1 du même code, ni les conditions de délivrance d'un titre de séjour au regard des articles L. 423-1, L. 423-2 et 3 et L. 435-1 de ce code. La décision portant refus de séjour est, ainsi, suffisamment motivée.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas de ces motifs que le préfet du Cher aurait méconnu son pouvoir discrétionnaire de régularisation.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.(...)".

8. M. B... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France et de son mariage avec une ressortissante française. Toutefois, il ne justifie pas de sa présence continue en France depuis 2007 et il a fait l'objet d'un précédent refus de titre de séjour, par un arrêté du préfet du Cher du 19 mars 2018, assorti d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas été exécutée. S'il est marié depuis le 19 septembre 2020 avec une ressortissante française, il ne justifie pas d'une communauté de vie antérieure à ce mariage, ni d'autres attaches sur le territoire français, et n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge d'au moins vingt-cinq ans. Le couple n'a pas d'enfant et rien ne s'oppose à ce que M. B... revienne en France par des voies légales. Par ailleurs, les documents qu'il produit, à savoir un avis d'impôt sur les revenus de l'année 2014, trois avis de situation déclarative d'impôt sur les revenus de 2015, 2016 et 2017 et un avis d'impôt sur les revenus de l'année 2019, faisant état respectivement d'un revenu fiscal de référence de 4 320 euros, 2 800 euros, 2 286 euros, 0 euro et 9 253 euros, ainsi que des bulletins de paie pour la période d'avril à décembre 2019, le registre des bénéficiaires effectifs au 6 novembre 2020 d'une société dont il est associé, une attestation de non-rémunération qu'il a lui-même rédigée pour la période de novembre 2020 à mars 2021, un bulletin de paie de cette société transmis par l'Urssaf, du 3 février 2023, et un certificat d'enregistrement et une attestation de déclaration préalable à l'embauche de l'Urssaf, ne suffisent pas à caractériser une insertion professionnelle stable et ancienne, ni sa résidence habituelle en France depuis quinze ans. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour, le préfet du Cher n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

10. Dans les circonstances rappelées aux points précédents, en estimant que M. B... ne justifiait d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel d'admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale, au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Cher n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, ni méconnu son pouvoir général de régularisation. La commission du titre de séjour a d'ailleurs émis un avis défavorable à la demande de délivrance d'un titre de séjour de M. B....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il ressort de ce qui vient d'être dit que M. B... n'établit pas que le refus de titre de séjour serait entaché d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité du refus de titre de séjour.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...). "

13. La décision faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé et vise l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen d'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

14. Enfin, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...) ".

15. M. B... était marié depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée. Par suite, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Cher n'a pas méconnu le 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :

16. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devrait être annulée par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, dans les circonstances rappelées au point 8 du présent arrêt, en fixant le pays à destination duquel M. B... doit être éloigné, par une décision suffisamment motivée, le préfet du Cher n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Enfin, le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Cher du 13 janvier 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2300553 du 20 septembre 2024 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Cher.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente,

Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,

M. Ablard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La présidente-assesseure,

C. Bruno-SalelLa présidente-rapporteure,

O. Dorion

La greffière,

C. Yarde

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24VE02780 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 24VE02780
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. ABLARD
Avocat(s) : GUEREKOBAYA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24ve02780 ?
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