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10/07/2025 | FRANCE | N°24VE00892

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 10 juillet 2025, 24VE00892


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 avril 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privé

e et familiale " ou " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 13 avril 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux semaines à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2313324 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 13 avril 2022 et enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. C... et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 avril 2024, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de M. C....

Il soutient que le tribunal a commis une erreur de droit et d'appréciation en estimant que l'arrêté était entaché d'une incompétence de son auteur.

La requête a été communiquée le 3 mai 2024 à M. C... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Aventino a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... C..., ressortissant marocain, né le 1er avril 2002 à Tikiouine, déclare être entré en France le 9 septembre 2019 muni d'un visa de court séjour. Il a sollicité, le 2 février 2022, un titre de séjour d'une part sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, sur le fondement des dispositions des articles L. 422-1 et suivants du même code. Le préfet des Hauts-de-Seine a, par un arrêté du 13 avril 2022, refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné à l'issue de ce délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet des Hauts-de-Seine fait appel du jugement n° 2313324 du 21 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Lorsqu'un fonctionnaire a régulièrement reçu délégation de signature en cas d'absence ou d'empêchement de ses supérieurs hiérarchiques, l'acte administratif signé par lui et entrant dans le champ de la délégation qu'il a reçue ne peut être regardé comme entaché d'incompétence lorsqu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ses supérieurs n'auraient pas été absents ou empêchés.

3. Le jugement attaqué précise que les décisions en litige ont été signées par M. I... F..., adjoint au chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, lequel disposait d'une délégation, accordée par un arrêté PCI n° 2022-016 du 10 mars 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine du 11 mars 2022, à l'effet de signer toutes décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme H... D..., directrice des migrations et de l'intégration et de Mme E... B..., chef du bureau. Ce même jugement relève toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... a elle-même signé le courrier du 13 avril 2022 accompagnant les décisions attaquées prises le même jour. Il précise qu'en défense, le préfet ne fait pas état de circonstances établissant que Mme D... aurait été absente ou empêchée au moment de la signature des décisions attaquées. Il estime que, dans ces conditions, Mme D... devant être regardée comme n'étant ni absente ni empêchée lorsque les décisions contestées ont été signées, ces décisions sont entachées d'incompétence.

4. Toutefois, si Mme D... a signé, le 13 avril 2022, la lettre d'accompagnement de l'arrêté contesté signé le jour même par M. F..., cette seule circonstance ne saurait établir que Mme D... et Mme B... n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de cet arrêté. Par suite, le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur l'incompétence entachant l'arrêté attaqué pour prononcer son annulation.

5. Il appartient toutefois à la cour d'examiner, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens invoqués par M. C... à l'appui de sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté du 13 avril 2022 contesté :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

6. En premier lieu, la décision en litige comporte les éléments de droit et de fait propres à la situation personnelle de M. C... sur lesquels le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé pour refuser de lui délivrer un titre de séjour et est ainsi suffisamment motivée.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... préalablement à l'édiction de la décision contestée.

8. En troisième lieu, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titre de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 précité de cet accord. Toutefois, ces stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., entré en France le 9 septembre 2019, à l'âge de 17 ans, a été scolarisé dès l'année 2019-2020 au sein d'un établissement public local d'enseignement et a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en qualité de pâtissier le 6 juillet 2022, dans le cadre duquel il a travaillé en tant qu'apprenti dans une boulangerie depuis le mois de septembre 2020. S'il produit également une promesse d'embauche de son employeur, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas s'insérer professionnellement dans son pays d'origine. Par ailleurs, s'il a été pris en charge par son oncle, de nationalité française, en vertu d'un acte dit de " kafala " et que des membres de sa famille sont également présents en France, notamment sa sœur, titulaires de titre de séjour, sa présence en France est très récente et sa mère réside dans son pays d'origine. Ainsi, en dépit de son investissement scolaire et de la présence de membres de sa famille, en considérant, dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation, que l'admission au séjour de M. C... ne se justifiait pas au regard de sa situation personnelle et familiale, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Dans les circonstances de fait énoncés au point 9 du présent arrêt, en refusant un titre de séjour à M. C..., le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.

13. Dans les circonstances de fait énoncés au point 9 du présent arrêt, en faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire :

14. En premier lieu, la décision contestée, qui vise notamment les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. C... est présent en France depuis deux ans et sept mois, et que, célibataire et sans enfant à charge, il ne fait pas état de fortes attaches sur le territoire français. Dans ces conditions, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressé, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

15. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour est entachée d'illégalité par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.

16. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 13 avril 2022. Il en résulte que c'est également à tort que les premiers juges ont enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la situation de l'intéressé.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2313324 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 21 mars 2024 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. G... C....

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

M. A..., premier vice-président de la cour, président de chambre,

Mme Mornet, présidente assesseure,

Mme Aventino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

B. Aventino

Le président,

B. A...

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 24VE00892


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00892
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24ve00892 ?
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