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10/07/2025 | FRANCE | N°24VE00888

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 10 juillet 2025, 24VE00888


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2023 du préfet d'Indre-et-Loire rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant la Côte-d'Ivoire comme pays de destination de sa reconduite, et d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre dans le délai d'un mois suivant la

notification du jugement à intervenir.



Par un jugement n° 2400494 du 13 mars 2024...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2023 du préfet d'Indre-et-Loire rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant la Côte-d'Ivoire comme pays de destination de sa reconduite, et d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2400494 du 13 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 14 novembre 2023 et enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de réexaminer la situation de M. C... et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 avril 2024 et le 16 juin 2025, le préfet d'Indre-et-Loire demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de M. C....

Il soutient que :

- aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la transmission à l'étranger concerné de l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- cet avis est régulier et l'arrêté du 14 novembre 2023 n'est pas entaché d'un vice de procédure.

La requête a été communiquée le 3 mai 2024 à M. A... C... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Un mémoire et une pièce ont été enregistrés le 26 juin 2025, présentés pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en réponse à une mesure complémentaire d'instruction, et communiqués.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Aventino a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant ivoirien, né le 1er janvier 1964 à Bingerville, déclare être entré en France le 10 mars 2020 muni d'un visa de court séjour. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 30 novembre 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il a sollicité, le 7 avril 2023, le renouvellement de son titre de séjour pour soin, d'une durée d'un an, valable du 15 juin 2023. Le préfet d'Indre-et-Loire a, par un arrêté du 14 novembre 2023, refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné à l'issue de ce délai. Le préfet d'Indre-et-Loire fait appel du jugement n° 2400494 du 13 mars 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions précitées : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

3. Le préfet d'Indre-et-Loire produit, pour la première fois en appel, l'avis de cet organisme collégial. Il ressort de celui-ci que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et que l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il résulte également de l'avis produit qu'il mentionne l'ensemble des éléments de procédure et est signé par les médecins membres du collège. Dans ces conditions, le préfet d'Indre-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté en litige aux motifs que la décision de refus de séjour est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet d'Indre-et-Loire n'établissait pas la conformité de l'avis du collège de médecins de l'OFII aux dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 faute de production de cet avis pourtant sollicitée par le requérant pour lui permettre d'en vérifier la régularité et que par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination devaient également être annulées.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif d'Orléans.

Sur l'autre moyen soulevé par M. C... en première instance :

5. Aux termes de l'article L. 425-9 du même code auquel renvoient ainsi les dispositions précédentes : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

6. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. C..., le préfet d'Indre-et-Loire s'est fondé sur l'avis du collège de médecins du service médical de l'OFII selon lequel, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est porteur du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et souffre d'hypertension et qu'il bénéficie d'un traitement antirétroviral et d'un suivi médical depuis 2020. Il ressort du dernier bilan médical qu'il produit, qu'avec un taux de lymphocyte T CD4 effectivement constaté de 700/mm3, M. C... relève du stade, correspondant au taux supérieur ou égal à 500/mm3, pour lequel l'infection au VIH est dite " précoce " de telle sorte que le patient peut être regardé encore en bonne santé. Un tel stade se distingue de celui où l'infection est dite " tardive " (taux de lymphocyte inférieur à 350/mm3) ou " avancée " (taux inférieur à 200/mm3), permettant de caractériser un risque élevé ou très élevé de développer des maladies opportunistes. Il est apparu, d'autre part, que la charge virale du VIH était, pour l'intéressé, négative. S'il soutient qu'il ne pourrait bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié et d'un suivi médical adéquat, les deux certificats médicaux rédigés par un médecin le 12 décembre 2024 et un praticien hospitalier le 15 février 2024 qu'il produit, indiquant pour l'un que la prise en charge ne serait pas identique dans son pays d'origine et pour l'autre que le traitement à base de bictégravir n'est pas disponible dans son pays d'origine, ne comportent aucun élément circonstancié sur l'accès aux traitements antirétroviraux par les personnes porteuses du VIH en Côte d'Ivoire. A cet égard, le courriel du 20 février 2024 produit par M. C..., par lequel un laboratoire pharmaceutique indique qu'il ne commercialise pas le traitement Biktarvy en Côte d'Ivoire, ne permet pas davantage de tenir pour établi que M. C... ne pourrait pas bénéficier effectivement, en cas d'indisponibilité avérée de ce médicament dans son pays d'origine, d'un traitement approprié, composé, le cas échéant, de molécules similaires, alors qu'il ressort de la base de donnée MedCOI sur laquelle l'OFII s'est appuyée, qu'une trithérapie correspondant aux mêmes classes thérapeutiques que le Biktarvy est disponible en Côte d'Ivoire. Il ne peut, dès lors, être regardé comme établi que le requérant ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Indre-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 14 novembre 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination à l'encontre de M. C.... Il en résulte que c'est également à tort que le premier juge a enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la situation de l'intéressé et qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif d'Orléans.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2400494 du 13 mars 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... C....

Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2025, à laquelle siégeaient :

M. B..., premier vice-président de la cour, président de chambre,

Mme Mornet, présidente assesseure,

Mme Aventino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

B. Aventino

Le président,

B. B...

La greffière,

I. Szymanski

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 24VE00888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00888
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24ve00888 ?
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