Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes séparées, M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2023 par lequel la préfète du Loiret l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 7 décembre 2023 par lequel cette même préfète l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n°s 2304919 et 2304972 du 14 décembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté les demandes de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Echchayb, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés des 9 novembre 2023 et 7 décembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
s'agissant de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision a été prise par une autorité incompétente, en l'absence de délégation portant sur les arrêtés de reconduite à la frontière ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 121 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'elle a été prise sans qu'il ait été mis en situation de présenter ses observations ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à la protection de la vie privée ;
s'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
s'agissant de la légalité de la décision portant assignation à résidence :
- cette décision est insuffisamment motivée ; l'obligation de présence au domicile selon une plage horaire est insuffisamment déterminée ; la décision ne mentionne pas l'adresse de son domicile ;
- les obligations de remise de son passeport, de pointage et l'interdiction de sortie sont disproportionnées et méconnaissent sa liberté d'aller et venir ;
- les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors qu'il ne présente pas un risque de fuite, ni de se soustraire à ses obligations.
La requête a été communiqué au Préfet du Loiret qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Clot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tchadien né en 1990, déclare être entré sur le territoire français le 4 juin 2019. Sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée le 11 juillet 2019 a été rejetée le 31 décembre 2019 par l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), cette décision ayant été confirmée le 24 septembre 2020 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Après avoir fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français adopté par le préfet de la Haute-Garonne le 1er octobre 2020, auquel il n'a pas déféré, M. A... a sollicité le réexamen de sa situation auprès de l'OFPRA le 10 novembre 2020, cette demande ayant toutefois été rejetée comme étant irrecevable, le 13 novembre 2020, cette décision étant confirmée par la CNDA le 15 mars 2021. Par un arrêté du 9 novembre 2023, la préfète du Loiret l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Tchad comme pays de destination. Par un arrêté du 7 décembre 2023 la préfète du Loiret l'a assigné à résidence dans le département du Loiret pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 22 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 4 de son jugement.
3. En deuxième lieu, la décision attaquée mentionne notamment les références des textes dont il est fait application, rappelle la situation personnelle, familiale et administrative de M. A.... Elle indique de façon suffisamment détaillée les motifs qui fondent la décision portant obligation de quitter le territoire français et satisfait dès lors aux exigences de motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté, ainsi que celui tiré du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Ces stipulations s'adressent non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un État membre est inopérant. Toutefois, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
5. Contrairement à ce qu'il soutient, M. A... a bien été invité, lors de son audition par les services de police, le 9 novembre 2023, à formuler des observations quant à l'éventualité d'une décision d'éloignement prise à son encontre. Par ailleurs, il n'est nullement allégué qu'il a été empêché de porter à la connaissance du préfet toute information qu'il aurait estimé utile et susceptible d'avoir une incidence sur l'édiction de la mesure d'éloignement en litige. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le requérant a été privé du droit d'être entendu résultant du principe général du droit de l'Union européenne doit être écarté.
6. En quatrième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 614-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ainsi que les décisions qui l'accompagnent, telle la décision refusant un délai de départ volontaire ou la décision fixant le pays de renvoi. Dès lors, les dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et de l'article 8 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, aujourd'hui abrogées et reprises aux articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions administratives devant être motivées, ne sauraient être utilement invoqués à l'encontre des décisions de refus d'un délai fixant le pays de renvoi. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est dès lors inopérant. Il doit, par suite, être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. A... soutient que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale qu'il tient des stipulations précitées, dès lors qu'il réside en France depuis 2019, qu'il est domicilié chez son frère, que sa tante réside également sur le territoire national, qu'il s'est investi dans des actions de bénévolat et s'est inscrit à l'université au cours des années 2019 et 2020 et qu'il a exercé une activité professionnelle entre les mois d'août et octobre 2023. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans enfant à charge, et celui-ci ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales au Tchad, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. En outre, son activité professionnelle et son engagement dans le bénévolat, de courte durée, ne sont pas suffisants pour démontrer une insertion particulière dans la société française. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. En premier lieu, la décision querellée mentionne les références des textes dont elle fait application, rappelle la situation personnelle, familiale et administrative du requérant et précise qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.
10. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles portent sur l'assignation à résidence, ne peut être utilement soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. Il ne peut en conséquence qu'être écarté.
11. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". De même, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
12. Toutefois, M. A..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA le 31 décembre 2019 et dont le recours formé contre cette décision a été rejeté par la CNDA le 24 septembre 2020, n'établit pas, par les courriers et convocations qu'il produit, la réalité des craintes de persécutions qu'il invoque en cas de retour au Tchad.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
13. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger assigné à résidence en application du présent titre se présente périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. / (...) ". Selon l'article R. 733-1 : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. ".
14. En premier lieu, la décision contestée énonce les textes dont elle fait application, rappelle la situation personnelle de M. A... et la circonstance qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, indique qu'il justifie d'une adresse qu'elle mentionne et ajoute qu'il présente les garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire. En outre, contrairement à ce que le requérant soutient, la décision querellée mentionne les jours et précise l'horaire auxquels le requérant devra se présenter à la brigade mobile de recherche, et indique l'adresse de son domicile dans lequel il devra demeurer selon une plage horaire qu'elle précise. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision, ainsi que celui tiré de son insuffisante précision doivent être écartés.
15. En deuxième lieu, si la décision attaquée impose à M. A... de se présenter deux jours par semaine auprès de la brigade mobile de recherche d'Orléans, lui interdit de sortir du département du Loiret sans autorisation et lui fait obligation de remettre ses documents d'identité jusqu'à l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, ces obligations n'apparaissent pas disproportionnées au regard de l'exercice de sa liberté d'aller et venir et eu égard aux buts en vertu desquels cette mesure a été édictée, le requérant ne faisant, en outre, état d'aucune contrainte professionnelle ou familiale alors qu'il a fait l'objet d'une décision d'éloignement.
16. En troisième et dernier lieu, si M. A... prétend que la mesure d'assignation à résidence serait illégale dès lors qu'il n'a jamais constitué une menace, ne présente pas un risque de fuite, ni de se soustraire à ses obligations, cette seule allégation n'est pas de nature à établir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation, alors que le requérant n'apporte aucun élément de nature à caractériser l'absence de caractère raisonnable d'une perspective d'éloignement ou la preuve qu'il pourrait immédiatement quitter le territoire français. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision portant assignation à résidence serait entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.
17. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
18. Le présent arrêt, de rejet, n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
M. Clot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.
Le rapporteur,
S. ClotLe président,
F. Etienvre
La greffière,
F. Petit-Galland
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23VE02880