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08/07/2025 | FRANCE | N°23VE00271

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 3ème chambre, 08 juillet 2025, 23VE00271


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le département des Yvelines a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'État à lui verser la somme de 5 342 526 euros en réparation de son préjudice subi du fait du non versement fautif des arriérés de taxe foncière sur les propriétés bâties, au titre des années 2011 à 2017 comprise, assortie des intérêts au taux légal, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts.



Par un jugement n° 2007526 du 13 décembre 2022, le trib

unal administratif de Versailles a condamné l'État à verser au département des Yvelines la somme de 2 176 5...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Yvelines a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'État à lui verser la somme de 5 342 526 euros en réparation de son préjudice subi du fait du non versement fautif des arriérés de taxe foncière sur les propriétés bâties, au titre des années 2011 à 2017 comprise, assortie des intérêts au taux légal, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 2007526 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a condamné l'État à verser au département des Yvelines la somme de 2 176 596 euros (deux millions cent soixante-seize mille cinq cent quatre-vingt-seize euros) assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2020 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 16 juillet 2021 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 février 2023, 5 mars et 26 juillet 2024, le département des Yvelines, représenté par Me Poisson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire s'agissant des années 2011 à 2015 inclue ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 3 165 930 (trois millions cent soixante-cinq mille neuf cent trente) euros au titre du préjudice subi pour le non versement fautif des arriérés de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2011 à 2015 comprise, assortie des intérêts au taux légal, ainsi que de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros en application de l'article L.°761-1 du code de justice administrative.

Le département des Yvelines soutient que :

- ses demandes au titre des années 2011 à 2015 n'étaient pas prescrites au sens de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales, dès lors que la prescription devait courir, non pas à compter de la prise de connaissance effective de la créance, mais à la date à laquelle il était possible pour lui d'en prendre connaissance, ce qui a été possible dès la transmission des rôles n° 1387-F à partir de 2011 ; de plus, cette connaissance a été également rendue possible par la lecture publique du jugement du 29 novembre 2016, ainsi que par la publication de la délibération du conseil municipal de Saint-Germain-en-Laye du 16 novembre 2017 approuvant la transaction conclue avec l'État ;

- le rejet de sa demande en raison de l'impossibilité de prendre connaissance de la créance en raison du caractère volumineux du fichier Excel annexé aux rôles et du nombre de communes des Yvelines, est entaché d'une erreur de fait ;

- les premiers juges ont entaché leur décision de contradiction de motifs et d'une erreur de droit, en constatant que l'administration avait commis une illégalité en exonérant le SIAPP des cotisations de taxes foncières pour les années 2011 à 2017, mais en exonérant l'administration de sa responsabilité au titre de l'année 2011, alors qu'elle avait connaissance de son erreur ;

- la prescription quadriennale pour les années 2011 à 2015 ne lui est pas opposable car elle a été interrompue par les recours de la commune de Saint-Germain-en-Laye (dès 2008) et la transaction conclue en novembre 2017, qui portaient sur le même fait générateur de la créance ; par ailleurs, le délai de reprise d'un an prévu à l'article L.°173 du livre des procédures fiscales ne lui est pas opposable ;

- l'État a commis une faute engageant sa responsabilité en ne percevant pas auprès du SIAAP la taxe foncière sur les propriétés bâties et il aurait dû vérifier spontanément l'imposition pour toutes les bases communales et départementales dès qu'il a eu connaissance de son erreur du fait des réclamations de la commune ;

- le montant du préjudice sollicité devant la cour est égal au montant non perçu de taxes foncières sur les propriétés bâties de 2011 à 2017 s'élevant au total à 5 342 526 euros, dont il y a lieu de déduire la somme de 2 176 596 euros déjà accordée par les premiers juges, soit une somme de 3 165 930 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 septembre 2023 et 19 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. de Miguel, rapporteur,

- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,

- et les observations de Me Poisson, représentant le département des Yvelines.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Germain-en-Laye abrite sur son territoire la station d'épuration de Seine-Aval appartenant au syndicat interdépartemental d'assainissement de l'agglomération parisienne (SIAAP), qui a été imposée au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) de 2005 à 2010. Le SIAAP a obtenu un dégrèvement pour ces années, puis a bénéficié d'une exonération à partir de 2011, au motif que cet équipement était géré en régie directe par la collectivité publique propriétaire et en principe non productive de revenus. Cette exonération a été contestée par la commune de Saint Germain-en-Laye et remise en cause pour les années 2011 et 2012 par un jugement n° 1302231 du tribunal administratif de Versailles du 29 novembre 2016, qui a également condamné l'État à verser 1 851 629 euros à la commune en réparation de son préjudice pour pertes fiscales sur les années 2011 et 2012. Concernant les années 2013 à 2015, la commune et l'État ont conclu une transaction le 19 décembre 2017 prévoyant le versement à la commune d'un montant de 2 878 407 euros. A partir de l'année 2016, la taxe foncière sur les propriétés bâties a été rétablie mais pour la seule part communale, sans mention de la part départementale. Celle-ci n'a été rétablie qu'à compter de 2018.

2. Par une réclamation préalable du 6 juillet 2020, le département des Yvelines a sollicité l'indemnisation du préjudice subi pour l'exonération fautive de taxe foncière sur les propriétés bâties du SIAAP entre les années 2011 et 2017. Cette réclamation ayant fait l'objet d'un rejet implicite, le département a demandé au tribunal administratif de Versailles la condamnation de l'État à lui verser la somme de 5 342 526 euros en réparation de son préjudice pour le non versement fautif des arriérés de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2011 à 2017. Le département des Yvelines relève appel du jugement du 13 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'État à lui verser la somme de 2 176 596 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties qui a été octroyée au SIAAP en 2016 et 2017, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 2020, de la capitalisation de ces intérêts à compter du 16 juillet 2021 et en rejetant le surplus de sa demande indemnitaire au titre des années 2011 à 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Si le département des Yvelines soutient que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une contradiction de motifs, ces circonstances ne seraient susceptibles d'affecter que le bien-fondé du jugement attaqué, mais restent sans incidence sur sa régularité. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

Sur la prescription :

4. Aux termes de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales, en vigueur depuis le 1er janvier 2013 : " L'action en réparation du préjudice subi fondée sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure ou la demande de dommages et intérêts résultant de la faute commise dans la détermination de l'assiette, le contrôle et le recouvrement de l'impôt ne peut porter que sur une période postérieure au 1er janvier de la deuxième année précédant celle au cours de laquelle l'existence de la créance a été révélée au demandeur ". En vertu de l'article 26 III de la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, ces dispositions s'appliquent aux actions en réparation relatives à des créances dont l'existence a été révélée au demandeur à compter du 1er janvier 2013.

5. Pour contester la prescription prévue aux dispositions précitées, le département se prévaut, d'une part, de la possibilité d'avoir eu connaissance de sa créance dès 2011 par transmission des états n° 1387-F des bases exonérées des rôles généraux émis pour percevoir la taxe foncière sur les propriétés bâties, ainsi que des annexes sous fichiers Excel, mis en ligne chaque année sur le site internet de la direction générale des finances publiques. Il résulte toutefois de l'instruction que ces états volumineux sont difficilement exploitables dès lors que les immeubles ne sont pas visés nommément et qu'aucune indication d'une éventuelle exonération n'y est portée, ce que le département a d'ailleurs admis dans ses écritures de première instance. La mention 0 dans la case " cotis Dép " sur le tableau Excel de l'année 2018 n'est, en tout état de cause, pas significative puisqu'elle concerne l'année 2018 et que pour cette année, des rôles supplémentaires avec part départementale avaient été émis. En outre ces tableaux Excel, très volumineux, ne sont disponibles sur le site de l'administration fiscale que durant trente jours. A supposer même qu'une analyse précise et détaillée de ces fichiers volumineux aurait pu permettre au département de déduire que les locaux du SIAAP étaient imposés certaines années et non d'autres, ce dernier n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il aurait réalisé ce travail et que la créance lui aurait ainsi été révélée dès 2011.

6. D'autre part, le département fait état de la connaissance potentielle de sa créance par le biais de la lecture publique du jugement du 29 novembre 2016 et de la délibération du conseil municipal de la commune du 16 novembre 2017 approuvant la transaction conclue avec l'État au titre de l'année 2013. Toutefois, le département, qui n'était pas partie à l'instance du jugement du 29 novembre 2016, n'établit pas que cette décision lui ait été notifiée ni qu'il en ait eu communication, il en est de même de la délibération concernant la transaction et il ne démontre pas avoir engagé d'action avant la communication du courrier de la commune de Saint-Germain en Laye du 16 octobre 2018, la requête d'appel mentionnant d'ailleurs que les " premiers contacts " entre le département et les services fiscaux ont été engagés à compter de la réception de ce courrier. Par suite, l'administration fiscale est fondée à soutenir que le département des Yvelines n'a eu connaissance de sa créance qu'à compter du courrier du 16 octobre 2018 de la commune de Saint-Germain-en-Laye l'informant du jugement du 29 novembre 2016 et à opposer en conséquence la prescription prévue par les dispositions précitées de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales, applicables aux créances dont l'existence a été révélée postérieurement au 1er janvier 2013. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale, la responsabilité de l'État ne peut être engagée que pour les années 2016 et 2017, ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal, les années 2011 à 2015 étant prescrites.

7. Il résulte de ce qui précède que le département des Yvelines n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du département des Yvelines est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au département des Yvelines et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente,

M. de Miguel, premier conseiller,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.

Le rapporteur,

F-X de MiguelLa présidente,

L. Besson-Ledey

La greffière,

A. Audrain-Foulon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00271
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. François-Xavier de MIGUEL
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : DS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-08;23ve00271 ?
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