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26/06/2025 | FRANCE | N°24VE03366

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 26 juin 2025, 24VE03366


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2024 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.



Par un jugement n° 2407135 du 18 novembre 2024, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par un

e requête, enregistrée le 20 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Monconduit, demande à la cour :



1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2024 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 2407135 du 18 novembre 2024, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Monconduit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ou, subsidiairement, la décision fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut d'examen au regard de la violation des stipulations des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de sa fille qui risque de subir une excision en cas de retour dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle ne prend pas en compte l'intérêt supérieur de sa fille à rester sur le territoire français avec sa famille.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2025, le préfet de police conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 ;

- le code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Florent a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 25 janvier 1977, déclare être entré en France le 4 décembre 2020 accompagné de sa femme et de sa fille cadette en vue d'y solliciter l'asile avec sa famille. Après rejet de sa demande par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date des 28 mars et 25 novembre 2022, il a été interpellé à la suite d'un contrôle d'identité. Par un arrêté du 26 juillet 2024, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. M. A... relève appel du jugement du 18 novembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif a répondu de façon suffisamment motivée aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'appréciation faite par les juges de première instance du caractère probant des pièces produites et du bien-fondé de ces moyens ne saurait par ailleurs être utilement contestée pour critiquer la régularité du jugement attaqué. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement est irrégulier au motif qu'il serait entaché d'un " défaut d'examen " quant aux risques d'excision de sa fille cadette et concernant la scolarisation de cette dernière.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes par ailleurs de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... et son épouse, présents depuis tout au plus trois ans et demi sur le territoire français à la date de la décision attaquée, sont tous deux en situation irrégulière et ne sont pas dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine où réside toute leur famille, notamment leur fille et leur fils aînés et où ils ont eux-mêmes vécu respectivement jusqu'à l'âge de quarante-et-trois et trente-et-un ans. Par ailleurs, si le fils cadet du couple, né en 2021, n'a connu que la France et si leur fille cadette, née en 2014, était scolarisée en France depuis trois ans à la date de la décision litigieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu du jeune âge de ces enfants, que la reconstitution de la cellule familiale en dehors de la France serait impossible ou porterait atteinte à l'intérêt supérieur de ces derniers, les risques encourus en Côte d'Ivoire, tenant notamment aux pratiques de l'excision, ne pouvant par ailleurs pas être utilement invoqués pour contester la mesure d'éloignement en litige qui n'implique pas en elle-même le retour du requérant et de sa famille dans leur pays d'origine. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou à l'intérêt supérieur de ses enfants en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ou qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

5. En second lieu, pour le même motif tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'implique pas en elle-même le retour du requérant ou de sa famille en Côte d'Ivoire, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui stipule que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ", doit être écarté comme inopérant en tant qu'il est dirigé contre cette décision.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

7. En second lieu, M. A..., de confession musulmane, fait valoir qu'il a fui, avec son épouse, C... en 2016 afin de soustraire leur fille cadette au risque d'excision auquel elle était exposée, celle-ci étant particulièrement pratiquée au sein de la communauté des Mahoukas à laquelle ils appartiennent. A cet égard, M. A... produit au dossier un certificat médical du 17 mai 2023 fait à Abidjan indiquant que sa fille aînée a subi une excision de type II et III ainsi qu'un certificat médical en date du 17 février 2021 fait à Paris précisant que son épouse a également subi une excision de type II ou III. Le requérant produit également le certificat d'excision de type II de sa sœur, fait à Abidjan le 4 mai 2023, et le certificat d'excision de la sœur de son épouse, fait à Gagnoa le 2 mai 2023. Si, par ces documents, le requérant démontre l'existence de la pratique de l'excision dans sa famille et celle de son épouse, il n'apporte, en revanche, pas plus dans le cadre du présent contentieux que devant l'OFPRA et la CNDA, qui ont rejeté à deux reprises la demande d'asile présentée par le requérant et son épouse au profit de leur fille cadette, d'élément probant permettant d'établir qu'ils seraient dans l'impossibilité de protéger leur fille de la volonté de leurs proches de la faire exciser ou qu'ils seraient dans l'impossibilité de recourir aux autorités ivoiriennes en cas de menace grave à l'encontre de leur enfant alors que les articles 394 à 398 du nouveau code pénal ivoirien, adopté en vertu de la loi 2019-574 du 26 juin 2019, prohibent expressément les mutilations génitales féminines. En particulier, si le courrier adressé à l'OFPRA au nom de l'enfant indique que " la grand-mère maternelle (...) envoie des messages réguliers à ses parents pour qu'ils [la] ramènent " parfois sous forme de supplication, parfois sous forme de menaces, ces messages, s'ils étaient écrits, n'ont toutefois pas été produits. Par ailleurs, si M. A... et son épouse indiquent que des membres de leur famille les ont suivis après leur fuite du village du nord-ouest de Côte d'Ivoire où ils étaient venus pour une fête religieuse et ont cassé la porte de leur logement à Abidjan en raison de leur opposition à l'excision de leur fille, il ressort des déclarations de l'épouse du requérant que la famille dispose de relais dans le sud-est de C... où leurs deux enfants aînés résident chez une amie. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments nouveaux et de récits concordants et circonstanciés, il ne ressort pas des pièces du dossier que leur fille cadette encourrait en cas de retour en Côte d'Ivoire un risque réel d'excision compte tenu de l'opposition de ses parents à cette pratique. Enfin, si M. A... fait valoir qu'une demande d'asile a été déposée pour son fils né en France, il ressort des pièces du dossier que cette demande a été déposée postérieurement à l'édiction de l'arrêté attaqué. Par suite, conformément aux dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette demande fait uniquement obstacle à la mise à exécution de l'arrêté litigieux dans l'attente de la décision des autorités chargées de l'asile mais est sans influence sur sa légalité, laquelle s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise. Il s'en suit que les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés, de même que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.

Le rapporteur,

J. FlorentLa présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

C. Richard

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24VE03366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE03366
Date de la décision : 26/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : LEXGLOBE SELARL CHRISTELLE MONCONDUIT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-26;24ve03366 ?
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