Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Villebon-sur-Yvette a demandé au tribunal administratif de Versailles :
- à titre principal, de condamner in solidum la société ADC Architectes, venant aux droits de la société G Architecture, la société Entreprise PITEL, la société PITEL, la société Belliard Frères, la société Brézillon, venant aux droits de la société Bati-Renov, la société Entreprise de Finition E.F.I, la société E.F.I, la société Eiffage Energie Thermie Ile-de-France, devenue Eiffage Energie Systèmes-Clevia IDF, venant aux droits de la société Forclim Ile-de-France, la société EICP Ingénierie, la société Fermetures DSF et la société ADLVO à lui verser la somme de 397 155,94 euros TTC en réparation des désordres affectant le nouveau centre de loisirs, dépens compris ;
- à titre subsidiaire, s'agissant des travaux de reprise des désordres, de condamner ces mêmes sociétés désordre par désordre conformément au rapport d'expertise, s'agissant des dépens, de les condamner in solidum et s'agissant de l'immobilisation de l'ouvrage, du déménagement et du stockage des biens mobiliers pendant les travaux de reprise, de condamner in solidum uniquement les sociétés ADC Architectes, Entreprise PITEL, Belliard Frères, Entreprise de Finition E.F.I et E.F.I, la société Eiffage Energie Systèmes-Clevia IDF et la société ADLVO à lui verser la somme de 112 110 euros TTC ;
- à titre infiniment subsidiaire, s'agissant des travaux de reprise des désordres et de l'immobilisation de l'ouvrage, du déménagement et du stockage des biens mobiliers pendant ces travaux, de condamner les entreprises en cause dans les désordres D1 et D6, zone 2, et D9 en fonction de la sous-répartition de responsabilités établie par l'expert et, s'agissant des honoraires d'expertise, de condamner les entreprises dont la responsabilité est engagée au prorata de la réparation indemnitaire retenue par l'expert.
Par un jugement n° 2007630 du 20 février 2023, le tribunal administratif de Versailles a notamment :
- en son article 2, condamné solidairement les sociétés Belliard Frères et Brézillon à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 3 046 euros TTC en réparation des désordres D1 et D6, constitués par des infiltrations depuis la terrasse, en zone 2 ;
- en son article 7, condamné solidairement les sociétés Belliard Frères, Brézillon, PITEL, ADC Architectes, Eiffage Energie Systèmes-Clevia IDF, ADLVO et E.F.I à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 78 748 euros TTC, en réparation du préjudice résultant des coûts d'immobilisation de l'ouvrage ;
- en son article 8, condamné solidairement les sociétés Belliard Frères, Brézillon, PITEL, ADC Architectes, ADLVO et E.F.I à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 33 362 euros TTC, en réparation du préjudice résultant des coûts de stockage et de déménagement des meubles, lors de l'immobilisation de l'ouvrage ;
- et en son article 9, mis les dépens, d'un montant total de 31 480,96 euros TTC, à la charge définitive et solidaire des sociétés Belliard Frères, Brézillon, PITEL, ADC Architectes, Eiffage Energie Systèmes-Clevia IDF, ADLVO et E.F.I.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 avril 2023, la société Brézillon, représentée par Me Papazian, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler les articles 7 à 9 de ce jugement, en tant qu'ils prononcent une condamnation à son encontre ;
2°) à titre principal, de la mettre hors de cause s'agissant des préjudices résultant des coûts d'immobilisation de l'ouvrage, de stockage et déménagement des meubles ainsi que des dépens ;
3°) à titre subsidiaire, de limiter la condamnation mise à sa charge au titre de ces préjudices à la somme de 190,58 euros TTC et celle au titre des dépens à la somme de 52,52 euros ;
4°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la motivation retenue par le tribunal administratif pour rejeter les conclusions de la commune tendant à la condamnation solidaire de l'ensemble des participants à l'opération de construction à réparer l'ensemble des désordres en litige est en contradiction avec celle retenue pour condamner in solidum ces mêmes entreprises à réparer le préjudice résultant du coût de l'immobilisation de l'ouvrage et du déménagement du mobilier ;
- la commune n'avait formé, à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire, aucune demande de condamnation à son encontre s'agissant du coût de l'immobilisation de l'ouvrage et du déménagement du mobilier ;
- les travaux retenus par l'expert pour remédier aux désordres D1 et D6 en zone 2 pour lesquels elle a été condamnée, à savoir la pose d'une grille, la reprise des relevés d'étanchéité, le contrôle et la reprise des joints d'étanchéité sous dormants des baies, n'auront aucune incidence sur l'exploitation normale du centre et ne nécessiteront donc aucun déménagement et stockage des meubles ; la reprise des ouvrages de second œuvre pourra être réalisée en milieu occupé ; il n'existe donc aucun lien de causalité entre les désordres qui lui sont imputables et le préjudice résultant du coût d'immobilisation de l'ouvrage et de déménagement et stockage des meubles ; elle ne peut, dès lors, être condamnée solidairement avec les autres participants à l'opération de construction à indemniser la commune à hauteur de 78 748 euros TTC au titre des coûts d'immobilisation et à hauteur de 33 362 euros TTC au titre des coûts de stockage et de déménagement des meubles ;
- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer qu'il existe un lien de causalité entre les désordres qui lui sont imputables et les préjudices résultant des coûts de l'immobilisation, du stockage et déménagement dont la commune demande réparation, il conviendrait de les répartir entre les différents intervenants au prorata du montant des condamnations mises à leur charge ;
- la même répartition devra être retenue au titre des dépens, entraînant la mise à sa charge de la somme de 52,52 euros TTC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2024, la commune de Villebon-sur-Yvette, représentée par Me Salamand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Brézillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- il n'existe aucune contradiction dans la motivation du jugement ;
- selon le rapport d'expertise, le cumul des malfaçons et désordres examinés est à l'origine des travaux de reprise conséquents nécessitant l'immobilisation de l'ouvrage durant 12 semaines ; ce sont donc l'ensemble des désordres, dont certains sont imputables à la société Brézillon, qui sont à l'origine des préjudices financiers en litige ; de plus, ce rapport précise que l'immobilisation des locaux est directement liée aux mesures réparatoires portant sur les désordres D1 et D6, qui sont imputables à la société Brézillon ; le lien de causalité entre les désordres causés par la société Brézillon et les préjudices financiers subis par la commune exposante est donc établi.
Par ordonnance de la présidente de la 5ème chambre du 10 avril 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 29 avril 2025 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
La société ADC Architectes a présenté un mémoire en défense qui a été enregistré le 26 mai 2025 soit postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bahaj,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Congard, pour la commune de Villebon-sur-Yvette.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Villebon-sur-Yvette a fait construire, entre octobre 2008 et novembre 2010, le " centre de loisirs du Bois des Gelles ", afin d'assurer l'accueil des enfants scolarisés sur son territoire en dehors des périodes scolaires. Les travaux ont été réalisés par lots séparés. Le lot n° 5 " Menuiseries extérieures et intérieures bois " a été confié à la société Brézillon, venant aux droits de la société Bati-Renov. La réception des travaux a été prononcée le 22 novembre 2010 et l'ensemble des réserves ont été levées courant février 2012. Postérieurement à cette réception, la commune de Villebon-sur-Yvette a constaté de nombreux désordres, dont des infiltrations au sein de l'ouvrage lors de forts épisodes pluvieux. A la demande de la collectivité, un expert a été désigné et a rendu son rapport le 17 juillet 2022. Par un jugement du 20 février 2023, le tribunal administratif de Versailles a, notamment, solidairement condamné la société Brézillon et la société Belliard Frères, titulaire du lot n° 4 " Etanchéité végétalisée ", sur le fondement de la garantie décennale, à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 3 046 euros TTC en réparation des désordres D1 et D6, consistant en des infiltrations depuis la terrasse située en zone 2. Le tribunal administratif a, en outre, prononcé la condamnation solidaire de la société Brézillon et d'autres participants à l'opération de construction du centre de loisirs, à verser à la commune les sommes de 78 748 euros TTC, au titre des coûts d'immobilisation de l'ouvrage durant les travaux de reprise des désordres, de 33 362 euros TTC, au titre des coûts de déménagement des meubles et de stockage durant cette immobilisation et de 31 480,96 euros TTC, au titre des frais d'expertise. La société Brézillon relève appel de ce jugement, en tant qu'il l'a solidairement condamnée avec d'autres sociétés à réparer les préjudices subis par la commune tirés de l'immobilisation de l'ouvrage, du coût de déménagement et de stockage des meubles ainsi que des dépens.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des écritures de première instance, spécifiquement du dernier état des conclusions de la commune de Villebon-sur-Yvette résultant de son mémoire complémentaire du 13 janvier 2023, que cette dernière n'avait, à titre subsidiaire, nullement demandé la condamnation de la société Brézillon à lui verser la somme de 112 110 euros au titre du préjudice résultant des coûts d'immobilisation de l'ouvrage et de déménagement et stockage des meubles durant les travaux de reprise. Par suite, le tribunal administratif, en condamnant par les articles 7 et 8 de son jugement la société Brézillon, à supporter les coûts d'immobilisation, de stockage et déménagement, solidairement avec d'autres constructeurs, a statué au-delà des conclusions qui lui étaient soumises et a entaché son jugement d'irrégularité sur ce point. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que les articles 7 et 8 du jugement attaqué doivent être annulés en tant qu'ils incluent la société Brézillon dans la condamnation in solidum à verser des indemnités de 78 748 et 33 362 euros TTC à la commune de Villebon-sur-Yvette.
Sur la charge des dépens :
3. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
4. Dans les circonstances de l'espèce la société Brézillon, qui ne demande pas l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué et reconnaît que les désordres D1 et D6, constitués par des infiltrations depuis la terrasse en zone 2, lui sont imputables, n'est, par suite, pas fondée à demander l'annulation de l'article 9 du jugement attaqué en tant qu'il l'a solidairement condamnée avec d'autres sociétés à verser à la commune de Villebon-sur-Yvette la somme de 31 480,96 euros TTC au titre des dépens.
Sur les frais d'instance :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Brézillon, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que demande la commune de Villebon-sur-Yvette au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais exposés par la société Brézillon.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 7 du jugement du 20 février 2023 du tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il a condamné solidairement la société Brézillon à verser une indemnité de 78 748 euros TTC à la commune de Villebon-sur-Yvette au titre des coûts d'immobilisation de l'ouvrage durant les travaux de reprise des désordres.
Article 2 : L'article 8 du jugement du 20 février 2023 du tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il a condamné solidairement la société Brézillon à verser une indemnité de 33 362 euros TTC à la commune de Villebon-sur-Yvette au titre des coûts de déménagement et de stockage des meubles durant l'immobilisation de l'ouvrage.
Article 3 : La commune de Villebon-sur-Yvette versera à la société Brézillon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Brézillon et les conclusions de la commune de Villebon-sur-Yvette tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Brézillon, à la commune de Villebon-sur-Yvette, à la société ADLVO, à la société SMA en tant qu'assureur de la société ADLVO, à la société Eiffage Energie Systèmes Clevia IDF, à Me Hart de Keating, liquidateur judiciaire de la société E.F.I, à la société Belliard Frères, à la société SMABTP en tant qu'assureur de la société Belliard Frères, à la société Entreprise PITEL et à la société ADC Architectes.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Bahaj, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
La rapporteure,
C. Bahaj
La présidente,
C. Signerin-Icre
La greffière,
C. Richard
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE00751