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19/06/2025 | FRANCE | N°23VE02551

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 19 juin 2025, 23VE02551


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Neuilly-sur-Seine a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté n° 2020-81 du 21 décembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé à son encontre la carence définie par l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, au titre de la période triennale 2017-2019, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justi

ce administrative.



Par un jugement n° 2102605 du 19 septembre 2023, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Neuilly-sur-Seine a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté n° 2020-81 du 21 décembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé à son encontre la carence définie par l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, au titre de la période triennale 2017-2019, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2102605 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2023, la commune de Neuilly-sur-Seine, représentée par Me Rivoire, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs d'appréciation ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, dès lors que la commune a disposé de moins de deux mois pour présenter ses observations à la suite de l'engagement de la procédure de constat de carence ;

- il n'est pas établi que le projet d'arrêté de carence la concernant a été examiné lors de la séance du comité régional de l'habitat et de l'hébergement du 8 décembre 2020 ;

- la procédure contradictoire n'a pas été respectée devant la commission nationale instituée à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, dès lors que le maire n'a pas été entendu par cette commission, qui s'est réunie le 17 novembre 2020 ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, dès lors que le préfet n'a pas pris en compte les difficultés spécifiques qui l'ont empêchée d'atteindre les objectifs de création de logement sociaux qui lui avaient été assignés au titre de la période 2017-2019, tenant notamment à la constructibilité limitée du territoire communal du fait de sa topographie et de sa densité de construction, à la pénurie de foncier disponible et à son prix élevé, à l'importante quantité de recours contentieux contre les projets de construction de logements sociaux, alors que la commune n'est plus titulaire du droit de préemption urbain ;

- le taux de majoration appliqué l'a été sans examen de sa situation particulière et est disproportionné, dès lors que les objectifs qui lui ont été assignés pour la période triennale 2017-2019 étaient inatteignables, eu égard aux difficultés rencontrées pour leur réalisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2025, le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Rivoire pour la commune de Neuilly-sur-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Hauts-de-Seine a, par une lettre datée du 13 février 2017, fixé à la commune de Neuilly-sur-Seine, en application de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation, un objectif de réalisation de 1 860 logements locatifs sociaux pour la période pluriannuelle 2017-2019, comprenant au maximum 20 % de logements financés en prêt locatif social (PLS) et un minimum de 30 % financés en prêt locatif aidé d'intégration (PLAI). Le préfet des Hauts-de-Seine a constaté l'absence d'atteinte de cet objectif par un courrier du 29 avril 2020. Et, par arrêté attaqué du 21 décembre 2020, il a constaté la carence de la commune de Neuilly-sur-Seine en fixant, en application des dispositions de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, un taux de majoration du prélèvement prévu par ces mêmes dispositions à 160 %. La commune de Neuilly-sur-Seine fait appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La commune de Neuilly-sur-Seine ne peut donc utilement se prévaloir de ce que les premiers juges auraient commis des erreurs de droit et d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France (...) qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales ". Aux termes de l'article L. 302-7 du même code, dans sa version applicable au présent litige : " A compter du 1er janvier 2002, il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5 (...) ". Dans sa rédaction applicable à la période triennale 2017-2019 en litige, le I de l'article L. 302-8 du même code prévoit que, dans les communes d'Ile-de-France de plus de 1 500 habitants, pour atteindre un nombre de logements locatifs sociaux au moins égal à 25 % du nombre de résidences principales, au plus tard à la fin de l'année 2025, " le représentant de l'Etat dans le département notifie à la commune un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale ". Le II du même article indique que " l'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux défini au I précise la typologie des logements à financer (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 302-9-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, dans les communes soumises aux obligations définies aux I et II de l'article L. 302-5, au terme de la période triennale échue, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application du I de l'article L. 302-8 n'a pas été atteint ou lorsque la typologie de financement définie au III du même article L. 302-8 n'a pas été respectée, le représentant de l'Etat dans le département informe le maire de la commune de son intention d'engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l'engagement de la procédure et l'invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois. / En tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le représentant de l'Etat dans le département peut, par un arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat et de l'hébergement et, le cas échéant, après avis de la commission mentionnée aux II et III de l'article L. 302-9-1-1, prononcer la carence de la commune. Cet arrêté prévoit, pendant toute sa durée d'application, le transfert à l'Etat des droits de réservation mentionnés à l'article L. 441-1, dont dispose la commune sur des logements sociaux existants ou à livrer, et la suspension ou modification des conventions de réservation passées par elle avec les bailleurs gestionnaires, ainsi que l'obligation pour la commune de communiquer au représentant de l'Etat dans le département la liste des bailleurs et des logements concernés. Cet arrêté peut aussi prévoir les secteurs dans lesquels le représentant de l'Etat dans le département est compétent pour délivrer les autorisations d'utilisation et d'occupation du sol pour des catégories de constructions ou d'aménagements à usage de logements listées dans l'arrêté. Par le même arrêté et en fonction des mêmes critères, il fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l'année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut être supérieur à cinq fois le prélèvement mentionné à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice. Ce plafond est porté à 7,5 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant sur l'ensemble des communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7 au 1er janvier de l'année précédente. / Les dépenses déductibles mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 302-7 qui n'ont pas été déduites du prélèvement viennent en déduction de la majoration du prélèvement. / La majoration du prélèvement est versée au fonds national mentionné à l'article L. 435-1. / L'arrêté du représentant de l'Etat dans le département peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une commune n'a pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, il appartient au préfet, après avoir recueilli ses observations et les avis prévus au I de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, d'apprécier si, compte tenu de l'écart existant entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, il y a lieu de prononcer la carence de la commune, et, dans l'affirmative, s'il y a lieu de lui infliger une majoration du prélèvement annuel prévu à l'article L. 302-7 du même code, en fixant alors le montant dans la limite des plafonds fixés par l'article L. 302-9-1.

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par un courrier dont la commune de Neuilly-sur-Seine a accusé réception le 13 juillet 2020, le préfet des Hauts-de-Seine a informé son maire de ce qu'il engageait la procédure de constat de carence au titre de la période triennale 2017-2019, en lui impartissant un délai expirant le 28 août 2020 pour faire valoir ses observations sur cette procédure. Si la commune de Neuilly-sur-Seine fait valoir que le préfet aurait dû lui impartir un délai expirant le 13 septembre 2020, soit deux mois après la date à laquelle elle a accusé réception de son courrier, les dispositions précitées ont fixé à deux mois la durée maximale du délai imparti au maire de la commune pour présenter ses observations, ce qui ne fait pas obstacle à ce que l'autorité préfectorale fixe un délai inférieur à deux mois. Il résulte en tout état de cause de l'instruction que le maire de la commune de Neuilly-sur-Seine a formulé ses observations sur l'engagement de la procédure de constat de carence à son encontre par un courrier adressé au préfet des Hauts-de-Seine le 3 septembre 2020, dont ce dernier a accusé réception par un courrier du 15 octobre 2020. Dans ces conditions, la commune de Neuilly-sur-Seine, qui a pu faire valoir ses observations sur la procédure engagée à son encontre, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure de constat de carence.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'ensemble des projets d'arrêtés de carence au titre de la période triennale 2017-2019 ont été examinés et ont reçu un avis favorable du comité régional de l'habitat et de l'hébergement, lors de sa séance du 8 décembre 2020. Par suite, et nonobstant la circonstance que le projet d'arrêté de carence de la commune de Neuilly-sur-Seine ne soit pas nommément désigné dans le compte-rendu de séance, le moyen tiré du défaut de consultation du comité régional de l'habitat et de l'hébergement doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors applicable : " I. - Pour les communes n'ayant pas respecté la totalité de leur objectif triennal, le représentant de l'Etat dans le département réunit une commission chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux. Cette commission, présidée par le représentant de l'Etat dans le département, est composée du maire de la commune concernée, (...) des représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire de la commune et des représentants des associations et organisations dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, œuvrant dans le département. Cette commission est chargée d'examiner les difficultés rencontrées par la commune l'ayant empêchée de remplir la totalité de ses objectifs, d'analyser les possibilités et les projets de réalisation de logements sociaux sur le territoire de la commune et de définir des solutions permettant d'atteindre ces objectifs. / Si la commission parvient à déterminer des possibilités de réalisation de logements sociaux correspondant à l'objectif triennal passé sur le territoire de la commune, elle peut recommander l'élaboration, pour la prochaine période triennale, d'un échéancier de réalisations de logements sociaux permettant, sans préjudice des obligations fixées au titre de la prochaine période triennale, de rattraper le retard accumulé au cours de la période triennale échue. Si la commission parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle saisit, avec l'accord du maire concerné, une commission nationale placée auprès du ministre chargé du logement. / II. - La commission nationale (...) entend le maire de la commune concernée ainsi que le représentant de l'Etat du département dans lequel la commune est située. / Si la commission parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle peut recommander au ministre chargé du logement un aménagement des obligations prévues à l'article L. 302-8. / Si la commission parvient à déterminer des possibilités de réalisation de logements sociaux correspondant à l'objectif triennal passé, elle recommande l'élaboration, pour la prochaine période triennale, d'un échéancier de réalisations de logements sociaux permettant, sans préjudice des obligations fixées au titre de la prochaine période triennale, de rattraper le retard accumulé au cours de la période triennale échue et la mise en œuvre de l'article L. 302-9-1. / Les avis de la commission sont motivés et rendus publics. / III. - Préalablement à la signature par les représentants de l'Etat dans les départements des arrêtés de carence dans les conditions définies à l'article L. 302-9-1, dans le cadre de la procédure de bilan triennal, la commission nationale peut se faire communiquer tous les documents utiles et solliciter les avis qu'elle juge nécessaires à son appréciation de la pertinence d'un projet d'arrêté de carence, de l'absence de projet d'arrêté de carence et de la bonne prise en compte des orientations nationales définies par le ministre chargé du logement. Elle peut, dans ce cadre, de sa propre initiative ou sur saisine du comité régional de l'habitat et de l'hébergement, émettre des avis et des recommandations aux représentants de l'Etat dans les départements. Elle transmet ses avis au ministre chargé du logement. / (...) ".

8. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation que la commission nationale placée auprès du ministre en charge du logement dispose d'une double compétence. D'une part, en application du II de cet article, elle est saisie par la commission départementale mentionnée au I du même article, avec l'accord du maire concerné, dans l'unique hypothèse où cette commission départementale parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale. D'autre part, en application du III de cet article, la commission nationale peut, de sa propre initiative, le cas échéant après avoir demandé la communication de tous documents qu'elle juge utiles ou sollicité les avis qu'elle estime nécessaires, émettre, à l'intention du préfet, un avis sur la pertinence de projets d'arrêté de carence, ou au contraire de l'absence de projet d'arrêté de carence, sans qu'il soit nécessaire pour elle, dans ce cadre, de procéder à une quelconque audition ou réunion, ni de motiver, rendre public ou notifier son avis à la commune concernée.

9. Il ressort des pièces du dossier, qu'en dépit d'un visa erroné de l'arrêté attaqué, l'avis de la commission nationale du 17 novembre 2020 a été rendu de sa propre initiative, sur le fondement du III de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation. Cette commission n'était donc pas tenue d'entendre le maire de la commune avant d'émettre son avis, ni de notifier celui-ci à la commune concernée ou d'en assurer la publicité, comme cela est prévu seulement par les dispositions du II de ce même article L. 302-9-1-1. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le maire de la commune de Neuilly-sur-Seine n'a pas été entendu par la commission nationale ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. Lorsqu'une commune demande l'annulation d'un arrêté préfectoral prononçant sa carence et lui infligeant un prélèvement majoré en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer si le prononcé de la carence procède d'une erreur d'appréciation des circonstances de l'espèce et, dans la négative, d'apprécier si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la carence et d'en réformer, le cas échéant, le montant.

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le nombre de logements locatifs sociaux réalisés sur le territoire de la commune de Neuilly-sur-Seine lors de la période triennale 2017-2019 est de trois cent quarante-et-un pour un objectif de mille huit cent soixante, soit un taux de réalisation de 18 % seulement. La commune de Neuilly-sur-Seine fait valoir que, malgré une politique volontariste pour parvenir à la réalisation des objectifs qui lui ont été assignés en matière de création de logements locatifs sociaux, celle-ci ayant permis de tripler leur nombre dans la commune en vingt ans, elle a fait face à des difficultés spécifiques tenant principalement à une pénurie totale de foncier, au prix particulièrement élevé de celui-ci, lequel compromet l'équilibre économique des opérations de réalisation de logements sociaux, ainsi qu'aux caractéristiques du bâti immobilier, de forte densité et de qualité très satisfaisante, ce qui ne permet pas la réalisation d'opérations de réhabilitation en vue de la création de logements sociaux et rend difficile le lancement de programmes de construction nouveaux. Toutefois, nonobstant ces difficultés rencontrées par la commune requérante, s'il est constant que l'ensemble du territoire communal est soumis à un droit de préemption urbain renforcé, et qu'une majoration de 30% du volume constructible pour les programmes immobiliers comprenant des logements sociaux a été inscrite dans le plan local d'urbanisme, la commune ne justifie pas, avant cette période ou au cours de celle-ci, avoir mis en place dans son plan local d'urbanisme l'ensemble des instruments mobilisables en vue de favoriser le logement social, comme l'inscription d'emplacements réservés au logement social ou la mise en œuvre de quotas de logements sociaux dans tous les programmes immobiliers, une telle obligation étant seulement prévue, tel que cela est en tout état de cause imposé par les dispositions de l'article L. 302-9-1-2 du code de la construction et de l'habitation, pour les programmes portant sur la création de plus de douze logements ou créant une surface de plancher de plus de 800 m2. En outre, la commune de Neuilly-sur-Seine n'établit pas davantage avoir mis en œuvre toutes les règles permettant de favoriser la conversion de bureaux en logement dans son plan local d'urbanisme, et ne justifie pas que ces différents instruments n'auraient pas permis la construction de logements supplémentaires, alors que la création de logements sociaux ne s'effectue pas uniquement par le biais de la construction de nouveaux logements, mais peut aussi prendre la forme de densification du bâti ou de conventionnement de logements existants, ce que la commune n'établit ni même allègue avoir sérieusement entrepris lors de la période concernée. Enfin, il ne résulte pas des pièces du dossier que la commune de Neuilly-sur-Seine aurait conclu un conventionnement avec l'établissement public foncier d'Île-de-France, de nature à donner une impulsion à la réalisation des objectifs en matière de logements sociaux, ou qu'elle aurait mis en place un dispositif de veille ou d'intervention sur le parc privé communal, ni facilité le conventionnement auprès de l'Agence nationale de l'habitat de certains logements vacants, afin de favoriser la rénovation et la remise en location du parc immobilier existant.

12. En second lieu, la commune de Neuilly-sur-Seine fait valoir qu'elle est dessaisie du droit de préemption urbain, lequel est exercé par le préfet des Hauts-de-Seine qui ne l'a mis en œuvre qu'à deux reprises sur l'ensemble des près de six mille déclarations d'intention d'aliéner qui lui ont été transmises lors de la période concernée. Toutefois, si pendant le temps d'exécution d'un arrêté de carence pris par un préfet sur le fondement de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, le droit de préemption est exercé par le représentant de l'Etat, ce droit reste limité aux biens à destination d'habitation et ne dessaisit pas la commune de son droit de préemption pour les bureaux, terrains nus, parking, garages, ou locaux commerciaux.

13. En troisième lieu, si la commune fait état de recours contentieux exercés régulièrement par les riverains contre les opérations de construction de logements sociaux, elle ne justifie pas dans quelle mesure ils auraient retardé la mise en œuvre de projets de réalisation de logements sociaux sur son territoire en se bornant à faire valoir que quatre opérations immobilières ont fait l'objet d'un contentieux lors de la période triennale 2017-2019.

14. En quatrième lieu, pour justifier le faible taux de réalisation de ses objectifs au titre de la période triennale en cause, la commune de Neuilly-sur-Seine ne peut utilement faire valoir qu'une grande partie de son territoire, qu'elle évalue à 108 hectares sur les 373 hectares que compte le territoire communal, est soumise à l'application du règlement du plan de prévention des risques d'inondations, alors que cette contrainte n'a pas pour effet de rendre ces zones inconstructibles.

15. Enfin, en fixant le taux il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet des Hauts-de-Seine aurait fixé automatiquement le taux de majoration de son prélèvement obligatoire, prévu par les dispositions de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation à 160 %, sans procéder à l'examen de la situation particulière de la commune de Neuilly-sur-Seine.

16. Par ailleurs, eu égard au faible taux de réalisation par la commune des objectifs fixés pour la période en cause et aux éléments énoncés aux points précédents, la commune requérante ne peut utilement soutenir que les objectifs qui lui avaient été assignés présentaient un caractère inatteignable. Pour ces mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction infligée à la commune de Neuilly-sur-Seine présenterait un caractère disproportionné.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Neuilly-sur-Seine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Neuilly-sur-Seine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Neuilly-sur-Seine et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Gaëlle Mornet, présidente assesseure,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.

Le président-rapporteur,

B. Even

La présidente assesseure,

G. Mornet

La greffière,

S. de Sousa

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23VE02551


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02551
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales.

Logement - Habitations à loyer modéré.

Procédure - Incidents - Non-lieu - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SCP LONQUEUE - SAGALOVITSCH - EGLIE-RICHTERS & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-19;23ve02551 ?
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