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12/06/2025 | FRANCE | N°24VE01383

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 12 juin 2025, 24VE01383


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2404201 du 25 avril 2024, le magistrat

désigné par le président du tribunal administratif Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.



Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2404201 du 25 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mai et 29 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Sadoun, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas répondu aux moyens spécifiques dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée dès lors notamment que sa situation n'a pas été examinée au regard de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- elle est entachée d'une défaut d'examen sérieux de sa situation dès lors notamment que sa situation familiale n'est pas évoquée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation professionnelle et familiale et d'une erreur de fait concernant les faits de conduite sans permis qui lui sont reprochés dès lors qu'au vu de sa situation administrative, il pouvait se prévaloir de son permis de conduire tunisien ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et professionnelle et d'une erreur de droit s'agissant des faits de conduite sans permis ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation compte tenu de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant

- elle est entachée, à titre subsidiaire, d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa durée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par un courrier en date du 21 mai 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi, la situation du requérant, conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne, étant régie par le livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non par le livre VI du même code.

Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2025, M. A... a présenté ses observations en réponse au moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteur public,

- et les observations de Me Sadoun pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 8 juillet 1994, fait appel du jugement du 25 avril 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2024 du préfet de la Seine-Saint-Denis l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

2. Aux termes de l'article L. 200-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent livre détermine les règles applicables à l'entrée, au séjour et à l'éloignement : (...) 3° Des membres de famille des citoyens de l'Union européenne et des étrangers qui leur sont assimilés, tels que définis à l'article L. 200-4 ; (...) ". Aux termes de cet article : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : 1° Conjoint du citoyen de l'Union européenne ; (...) ". Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / 1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; / 3° Leur séjour est constitutif d'un abus de droit. (...) ". Aux termes de l'article L. 253-1 de ce même code : " Outre les dispositions du présent titre, sont également applicables aux étrangers dont la situation est régie par le présent livre les dispositions de l'article L. 611-3, du second alinéa de l'article L. 613-3, de l'article L. 613-5-1, de la première phrase de l'article L. 613-6, du chapitre IV du titre I du livre VI et des articles L. 631-1 à L. 631-4, L. 632-1 à L. 632-7 et L. 641-1 à L. 641-3. ".

3. Il résulte de ces dispositions que les ressortissants d'un Etat tiers à l'Union européenne ayant la qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union européenne ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mesures d'éloignement prises à leur encontre étant régies par les dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est marié depuis le 8 octobre 2022 avec une ressortissante espagnole et qu'un enfant est né de cette union le 27 mars 2023. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu le champ d'application de la loi en faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il y a lieu d'annuler l'arrêté du 21 mars 2024.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout autre préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2404201 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 25 avril 2024 et l'arrêté du 21 mars 2024 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout autre préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer à l'intéressé dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Massias, présidente de la cour,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.

La rapporteure,

J. FlorentLa présidente,

N. Massias

La greffière,

C. Richard

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24VE01383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE01383
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Moyens d'ordre public à soulever d'office - Existence - Champ d'application de la loi.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SADOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;24ve01383 ?
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