Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2025.
Vu :
- le code forestier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Louis, représentant les sociétés Parc solaire Beaufoux Est et Parc solaire Beaufoux Ouest.
Une note en délibéré présentée pour les sociétés Parc solaire Beaufoux Est et Parc solaire Beaufoux Ouest a été enregistrée le 2 juin 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Les sociétés Parc solaire Beaufoux Ouest et Parc solaire Beaufoux Est ont déposé, le 13 décembre 2022, deux demandes d'autorisation de défrichement de 20,6 hectares de boisements implantés sur les parcelles cadastrées G 253, G 254, G 877 et G 878 (secteur A), d'une part, et de 21,4 hectares de boisements implantés sur la parcelle cadastrée section G 858 (secteur B), d'autre part, sur le territoire de la commune de Semblançay (Indre-et-Loire), en vue de la réalisation de centrales photovoltaïques. Le silence gardé par le préfet d'Indre-et-Loire sur ces demandes a fait naître deux décisions implicites de refus le 13 juin 2023. Par deux arrêtés du 24 août 2023, le préfet d'Indre-et-Loire a ensuite expressément refusé de délivrer les autorisations sollicitées pour le secteur A et le secteur B. Les mêmes sociétés ont déposé deux demandes de permis de construire le 14 décembre 2022, portant sur les deux projets de parcs photovoltaïques. Par deux arrêtés du 31 août 2023, le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de délivrer les permis de construire sollicités. Les sociétés Parc solaire Beaufoux Ouest et Parc solaire Beaufoux Est demandent à la cour d'annuler le jugement du 18 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales de refus d'autorisation de défrichement et de refus de délivrance de permis de construire.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur la légalité des arrêtés préfectoraux du 24 août 2023 refusant les autorisations de défrichement :
3. Aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : / (...) 7° A la valorisation des investissements publics consentis pour l'amélioration en quantité ou en qualité de la ressource forestière, lorsque les bois ont bénéficié d'aides publiques à la constitution ou à l'amélioration des peuplements forestiers ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 341-4 de ce code : " (...) Lorsque le préfet estime, compte tenu des éléments du dossier, qu'une reconnaissance de la situation et de l'état des terrains est nécessaire, il porte le délai d'instruction à quatre mois et en informe le demandeur dans les deux mois suivant la réception du dossier complet. (...) ". Et aux termes de l'article R. 341-5 du même code : " Huit jours au moins avant la date fixée pour l'opération de reconnaissance, le préfet en informe le demandeur par tout moyen permettant d'établir date certaine, en l'invitant à y assister ou à s'y faire représenter. Au cas où la demande d'autorisation n'est pas présentée par le propriétaire, le préfet adresse à ce dernier le même avertissement. / Si le préfet estime, au vu des constatations et des renseignements portés sur le procès-verbal, que la demande peut faire l'objet d'un rejet pour un ou plusieurs des motifs mentionnés à l'article L. 341-5 ou que l'autorisation peut être subordonnée au respect d'une ou plusieurs des conditions définies à l'article L. 341-6, il notifie par tout moyen permettant d'établir date certaine le procès-verbal au demandeur, qui dispose d'un délai de quinze jours pour formuler ses observations. ".
4. Pour refuser de délivrer les autorisations de défrichements sollicitées sur le fondement des dispositions précitées, le préfet d'Indre-et-Loire a notamment estimé, après une reconnaissance de terrain qui a donné lieu à un procès-verbal le 26 janvier 2023, puis une enquête publique qui s'est déroulée du 15 mai au 16 juin 2023 et a donné lieu à un avis défavorable du commissaire enquêteur, que les bois concernés avaient bénéficié d'aides publiques pour leur constitution, que la conservation du boisement était nécessaire à la valorisation des investissements publics consentis et que ces bois n'avaient pas encore atteint l'objectif de production pour lequel ils ont été financés, objectif qu'ils étaient en capacité d'atteindre.
5. En premier lieu, les deux arrêtés du 24 août 2023 mentionnent les dispositions dont il est fait application, notamment les articles L. 341-1 et suivants du code forestier, les articles L. 232-4 et L. 242-3 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que l'article L. 341-5 7° du code forestier. Ces arrêtés indiquent par ailleurs de manière précise et détaillée les considérations de fait sur lesquels ils sont fondés, et ne se bornent pas, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, à renvoyer aux conclusions du commissaire enquêteur. Ils sont par suite suffisamment motivés.
6. En deuxième lieu, contrairement à ce que font valoir les sociétés appelantes, il ne ressort ni des termes des arrêtés litigieux, ni d'aucune autre pièce des dossiers, que le préfet d'Indre-et-Loire, qui a procédé à une appréciation des faits après l'opération de reconnaissance de terrain, se serait cru tenu de refuser les autorisations de défrichement sollicitées en application des dispositions du 7° de l'article L. 341-5 du code forestier.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 531-1 du code forestier, dans sa rédaction en vigueur au 1er juillet 1991 : " Le fonds forestier national a pour objet de financer, dans la limite des ressources qui lui sont affectées, les interventions de l'Etat en faveur de la conservation, de la protection, de la reconstitution, du développement et de la mobilisation des ressources forestières ainsi que des entreprises de travaux forestiers et des scieries ". Aux termes de l'article R. 531-2 du même code, dans sa rédaction en vigueur au 1er juillet 1991 : " Les opérations du fonds forestier national font l'objet d'un compte d'affectation spéciale géré par le ministre de l'agriculture (...). ".
8. Il ressort des pièces des dossiers que, par un contrat du 16 octobre 1991, le fonds forestier national a consenti un prêt bonifié de 1 249 753 francs en vue de financer l'exécution de travaux de boisement par le propriétaire de parcelles situées sur le territoire de la commune de Semblançay, couvrant 70 % du montant total des boisements, soit une part substantielle de ces derniers. Les boisements ont été réalisés sur des terrains parmi lesquels se situent les parcelles objets des demandes d'autorisation de défrichement présentées par les sociétés appelantes, à hauteur de 42 hectares parmi les 61,7 hectares ayant fait l'objet du prêt. Alors que ces parcelles étaient autrefois dédiées à l'activité agricole, elles sont désormais composées de pins laricio, de chênes sessiles et de chênes rouge d'Amérique. Ainsi, ces boisements ont bénéficié d'aides publiques à leur constitution au sens des dispositions précitées du 7° de l'article L. 341-5 du code forestier. Par ailleurs, il ressort des pièces des dossiers que les arbres qui ont été plantés étaient âgés d'une trentaine d'années à la date des décisions en litige, et qu'ils ne parviendront à maturité que dans environ trente à soixante ans, selon les essences. Leur préservation s'avère donc nécessaire à la valorisation des investissements publics consentis.
9. Pour remettre en cause la nécessité de cette valorisation, les sociétés pétitionnaires font d'abord valoir que les boisements concernés auraient un faible rendement intrinsèque, lequel serait altéré par les effets du changement climatique, et qu'ils seraient en outre affectés par une maladie fongique, la maladie des bandes rouges. Toutefois, elles n'établissent pas l'absence de nécessité de valorisation des investissements publics consentis en se bornant à produire une expertise forestière, réalisée à leur demande par le bureau d'étude Selvans. Si le rapport de ce cabinet indique que les arbres sont vulnérables face au changement climatique et s'il souligne l'impact du passé agricole des parcelles sur la qualité des boisements, la seule circonstance que les bois ne présenteraient pas une qualité " optimale ", alors que le bureau d'étude relève tout de même un potentiel qualitatif et quantitatif modéré à faible, ne suffit pas à ôter tout intérêt, pour la valorisation des investissements publics, à leur préservation, alors au demeurant que les essences ne sont pas encore parvenues à maturité.
10. Si les sociétés requérantes soutiennent ensuite qu'elles entendent compenser les défrichements qu'elles envisagent par la plantation de meilleures essences, en quantité plus importante, cette circonstance est sans incidence sur la légalité des arrêtés en litige, dès lors que ni le préfet, ni ensuite, le cas échéant, le juge administratif, n'ont à apprécier l'opportunité d'un éventuel autre projet pour l'application des dispositions précitées du code forestier, et alors que des mesures de compensation ne sont prises en compte qu'en ce qu'elles sont susceptibles de conditionner une autorisation accordée, en application de l'article L. 341-6 du code forestier.
11. Enfin, les sociétés requérantes ne sauraient utilement se prévaloir des stipulations de l'article 4 de la convention conclue le 16 octobre 1991 entre le fonds forestier national et le propriétaire des parcelles, par lesquelles ce dernier s'est engagé à rembourser le prêt susmentionné par trente annuités comprenant pour chacune la somme nécessaire à l'amortissement du capital prêté et les intérêts liés. La circonstance que ce prêt a été intégralement remboursé le 30 septembre 2022 est ainsi sans incidence sur l'application des dispositions de l'article L. 341-5 du code forestier, la valorisation de l'investissement public consenti pour la constitution des boisements étant liée à l'amélioration de la ressource forestière et n'étant pas limitée à la durée de remboursement du prêt.
12. Il résulte de ce qui précède que les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que les arrêtés du préfet d'Indre-et-Loire du 24 août 2023 sont entachés d'illégalité.
Sur la légalité des arrêtés préfectoraux du 31 août 2023 portant refus de permis de construire :
13. Aux termes de l'article L. 341-7 du code forestier : " Lorsque la réalisation d'une opération ou de travaux soumis à une autorisation administrative, à l'exception de celles prévues au chapitre unique du titre VIII du livre Ier et au chapitre V du titre V du livre V du code de l'environnement, nécessite également l'obtention d'une autorisation de défrichement, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance de cette autorisation administrative. ". Et aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme, qui renvoie à l'article précité L. 341-7 du code forestier : " Conformément à l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis. ".
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 12 du présent arrêt que le préfet d'Indre-et-Loire a pu légalement rejeter les demandes des sociétés requérantes tendant à obtenir la délivrance d'autorisations de défrichement en vue de la réalisation de parcs photovoltaïques sur le territoire de la commune de Semblançay. Il était par suite tenu, en application des dispositions citées au point qui précède, de refuser d'accorder les permis de construire de ces ouvrages. Dans ces conditions, les moyens soulevés par les appelantes contre les deux arrêtés préfectoraux du 31 août 2023, tirés d'un défaut de motivation et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, doivent être écartés comme inopérants.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Parc solaire Beaufoux Ouest et Parc solaire Beaufoux Est ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme aux sociétés appelantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes des sociétés Parc solaire Beaufoux Ouest et Parc solaire Beaufoux Est sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc solaire Beaufoux Est, à la société Parc solaire Beaufoux Ouest, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. A..., premier vice-président, président de chambre,
- Mme Mornet, présidente assesseure,
- Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
G. MornetLe président,
B. A...
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 24VE02608, 24VE02609