Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1909983 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2023, M. A... et Mme C..., représentés par Me Royai, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration avait méconnu son devoir de loyauté pendant le contrôle et pendant la phase précontentieuse ;
- le devoir de loyauté, prévu par l'article L. 168 du livre des procédures fiscales et figurant dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, a été méconnu ; l'administration se doit de corriger les montants déclarés par le contribuable, même lorsque cela est en sa faveur ; l'administration aurait dû rechercher si les sommes déclarées en traitements et salaires étaient bien imposables dans cette catégorie ;
- en taxant directement des sommes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration les a privés de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- le montant des traitements et salaires qu'ils ont déclaré est erroné ; ils ne peuvent pas prouver qu'ils n'ont pas touché cette somme ; l'administration aurait dû les inviter à déposer une déclaration rectificative ou, à tout le moins, rechercher si ces sommes n'étaient pas imposables dans une autre catégorie ;
- les sommes de 12 284 euros du 29 novembre 2013 et de 22 550 euros du 9 décembre 2013 constituent leur rémunération, imposable en traitements et salaires, quand bien même elles correspondraient à des charges fictives dans la société Sercad Express ;
- la somme de 126 010 euros a fait l'objet d'un remboursement dès le mois d'août pour un montant de 117 000 euros ; le solde de 9 010 euros doit être taxé comme salaire ;
- pour les mêmes motifs, les prélèvements sociaux doivent être déchargés ;
- la majoration pour manquement délibéré n'a pas été suffisamment motivée au sens de la loi du 11 juillet 1979 ; l'administration n'a relaté aucun fait en leur faveur, de sorte qu'il ne peut être affirmé qu'il y avait une intention délibérée d'éluder l'impôt ;
- cette majoration est infondée ; Mme C... n'est devenue gérante de la société Sercad Express qu'à compter du 24 juin 2014, après les versements litigieux, et ils ont remboursé la somme de 117 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Liogier,
- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Après avoir procédé à la vérification de comptabilité de la SARL AVT, anciennement Sercad Express, dont Mme C... était associée à compter du 7 décembre 2013 et gérante à compter du 24 juin 2014, l'administration fiscale a estimé que Mme C... avait bénéficié de revenus distribués par cette société au titre de l'année 2013. M. A... et Mme C... ont, dès lors, fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur l'année 2013. A l'issue de ce contrôle, ils se sont vus notifier des rectifications en matière d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et de contributions sociales au titre de l'année 2013. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement les 15 et 30 juin 2018. Ils font appel du jugement du 3 février 2023 du tribunal administratif de Cergy- Pontoise qui a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions, en droits et pénalités.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que les requérants soutiennent, les premiers juges ont bien répondu à leur moyen tiré du manquement par l'administration de son devoir de loyauté, au point 3 du jugement attaqué, tant pendant la procédure de contrôle, considérant que les requérants n'avaient signalé leur erreur de déclarations de traitements et salaires qu'après la réception de la proposition de rectification, que lors de la phase ultérieure, estimant que la charge de la preuve de cette erreur leur incombait. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
Sur la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, un contribuable ne peut, à l'appui de sa demande en décharge ou en réduction d'une imposition, utilement se prévaloir de ce que l'administration, bien qu'ayant conduit la procédure de contrôle et de rectification dans le respect des garanties prévues par le législateur, aurait méconnu à son encontre un " principe de loyauté ". Les requérants, qui n'invoquent aucune privation de garanties dans le contrôle mené à leur encontre, ne peuvent donc utilement soutenir que l'administration aurait manqué à ce devoir. Au surplus, d'une part, il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 6 décembre 2016, que les requérants ne se sont jamais rendus aux rendez-vous proposés par l'administration dans le cadre de leur examen de situation fiscale personnelle, qu'ils n'ont jamais proposé de dates alternatives et ne se sont jamais fait représenter dans le cadre de ce contrôle. Ils se sont ainsi abstenus de fournir à l'administration toute information sur leur situation, leurs activités et leurs revenus, ne permettant pas à l'administration de constater une quelconque erreur dans les traitements et salaires déclarés. D'autre part, en se bornant à soutenir, dans leur réponse à la proposition de rectification, que leurs traitements et salaires s'élevaient à 17 796 euros, et non à 78 000 euros qu'ils avaient eux-mêmes déclarés, sans l'assortir d'un justificatif sur ces revenus, ainsi que l'a d'ailleurs relevé l'administration dans la réponse aux observations du contribuable du 11 janvier 2017, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration devait corriger le montant initialement déclaré. Par suite, c'est, en tout état de cause, sans méconnaître son devoir de loyauté que l'administration, qui n'était pas tenue de les inviter à déposer une déclaration rectificative, n'a pas réduit le montant des traitements et salaires déclarés, ou recherché si ces sommes relevaient d'une autre catégorie d'imposition.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; / 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; / 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; / 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du même code.(...) ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre : " (...) Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59 (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que les requérants ont été taxés à raison de revenus de capitaux mobiliers selon la procédure de rectification contradictoire. En l'absence de taxation d'office, ils n'ont ainsi pas été privés de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui n'était pas compétente en matière de revenus de capitaux mobiliers, la circonstance qu'ils aient été, ou non, maîtres de l'affaire étant à cet égard sans incidence. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les traitements et salaires :
6. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. ".
7. Il est constant que, dans la déclaration de leurs revenus pour l'année 2013, les requérants ont déclaré avoir perçu la somme de 78 000 euros en tant que traitements et salaires, à hauteur de 42 000 euros pour M. A... et de 36 000 euros pour Mme A.... Dans les observations qu'ils ont présentées à la suite de la proposition de rectification qui leur a été adressée, les requérants ont fait valoir qu'ils avaient commis une erreur dans la déclaration de ces revenus, n'ayant perçu que la somme de 17 796 euros en tant que traitements et salaires, à hauteur de 2 398 euros pour M. A... et de 15 398 euros pour Mme A.... Toutefois, alors que la charge de la preuve leur incombe, ils n'apportent pas le moindre commencement de preuve de nature à corroborer le montant des salaires qu'ils allèguent avoir perçus. Par suite, leur demande de réduction présentée à ce titre doit être écartée.
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". L'article 110 du même texte prévoit : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) ".
9. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 6 décembre 2016 adressée aux requérants, que Mme C... a perçu des virements de la société Proxidis Express, cliente de la société Sercad Express, à raison de factures que celle-ci n'avait ni comptabilisées ni déclarées. Mme C... a ainsi perçu un virement de 60 000 euros le 2 août 2013 et un autre de 66 009,96 euros le 3 août 2013, soit un total de 126 010 euros. Par ailleurs, la société Sercad Express a comptabilisé des factures fictives, payées par chèque à des sociétés tierces ou à des personnes physiques. Dans ce cadre, Mme C... a encaissé des chèques émis par cette société, d'un montant de 12 284 euros le 29 novembre 2013 et de 22 550 euros le 9 décembre 2013. L'administration a considéré que l'ensemble des sommes, qui ont donné lieu à des rectifications lors de la vérification de comptabilité de la société Sercad Express, constituaient des revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, taxés entre les mains des requérants au titre de l'année 2013 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Les requérants ne contestent ni la distribution des sommes, ni leur montant, ni leur appréhension par Mme C....
10. En premier lieu, si les requérants soutiennent qu'ils ont remboursé, dès août 2013, une grande partie de la somme de 126 010 euros perçue par virements, ils n'en apportent pas la moindre preuve alors, en plus, que l'administration a indiqué, dans la réponse aux observations du contribuable du 11 janvier 2017, qu'il n'était pas établi que les remboursements allégués avaient été faits au profit de la société Sercad Express.
11. En second lieu, les requérants soutiennent que les chèques encaissés de 12 284 euros et 22 550 euros constituent des salaires versés par la société Sercad Express. Toutefois, ils ne justifient ni d'un emploi au sein de cette société ni de ce que ces sommes en seraient la contrepartie. Par suite, ce moyen ne peut qu'être rejeté.
En ce qui concerne les contributions sociales :
12. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'aucun moyen n'est susceptible d'entraîner la décharge des droits d'impôt sur le revenu en litige. Le moyen tiré de ce que les contributions sociales doivent être déchargées en conséquence ne peut donc qu'être écarté.
Sur les pénalités :
13. D'une part, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées (...). / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".
14. La proposition de rectification du 6 décembre 2016 adressée aux requérants vise l'article 1729 du code général des impôts, indique qu'il est fait application de la pénalité pour manquement délibéré aux rectifications proposées en matière de revenus de capitaux mobiliers, détaille les raisons pour lesquelles l'administration propose l'application de cette majoration et précise le taux et le montant des pénalités exigibles. Ces éléments, dont les requérants ont eu connaissance au moins trente jours avant la mise en recouvrement des pénalités litigieuses, leur permettaient d'en contester utilement, le cas échéant, l'application. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des pénalités doit être écarté.
15. D'autre part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...) la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
16. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré, l'administration fait valoir, d'une part, l'importance des revenus de capitaux mobiliers, d'un montant de 160 844 euros perçus entre août et décembre 2013, plus de deux fois supérieur aux revenus déclarés par le couple pour l'année et, d'autre part, que Mme C... a encaissé ces sommes sur son compte bancaire personnel, soit par virements en provenance d'une société cliente de la société Sercad Express, dont elle reconnaît elle-même qu'elle n'était ni associée ni gérante à ces dates, soit par chèques émis par la société Sercad Express directement. Si les requérants allèguent avoir remboursé une grande partie des sommes versées par la société Sercad Express, ils n'en justifient pas, ainsi qu'il a été dit au point 10. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, en particulier de l'importance des montants et du caractère répété de ces encaissements, l'administration apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré du manquement à leurs obligations déclaratives commis par M. A... et Mme C....
17. Il résulte de ce qui précède que M. A... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande. Leur requête doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, en l'absence de dépens, les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à leur paiement ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,
Mme Danielian, présidente assesseure,
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2025.
La rapporteure,
C. LiogierLa présidente,
L.Besson-Ledey
La greffière,
A.Audrain-Foulon
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE00679 2