Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Ferme du Nord ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 24 juin 2019 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret a rejeté leurs réclamations formulées à l'encontre de la décision de la commission intercommunale d'aménagement foncier de Boësses du 7 février 2019.
Par un jugement n° 1903481 du 2 juin 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande et mis à leur charge solidairement le versement d'une somme de 1 500 euros au département du Loiret en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 août 2022 et le 24 octobre 2023, M. B... E... et M. C... E..., représentés par Me Mandeville, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 24 juin 2019 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret a rejeté les réclamations formulées par M. B... E... et l'EARL Ferme du Nord à l'encontre de la décision de la commission intercommunale d'aménagement foncier de Boësses du 7 février 2019 ;
3°) de mettre à la charge de la commission départementale d'aménagement foncier du Loiret le versement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le rapport d'enquête est insuffisamment motivé ; le commissaire enquêteur n'a pas donné d'avis personnel et motivé sur le projet, en contradiction avec les dispositions des articles L. 121-14 et R.121-21 du code rural et de la pêche maritime et de l'article R. 123-19 du code de l'environnement ; le commissaire enquêteur a dressé la liste des 78 observations recueillies, sans les analyser ni y répondre ; il s'est borné à renvoyer à la commission le soin de les examiner ; de manière générale, son rapport ne contient aucune analyse personnelle du projet ; la procédure d'adoption de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier en est entachée d'une irrégularité substantielle ;
- la composition de la commission départementale d'aménagement foncier n'était pas régulière ; le représentant de la chambre départementale des notaires n'était pas présent, de même que l'un des conseillers départementaux ; aucune pièce ne permet d'attester de la nomination régulière de la moitié des membres siégeant le 24 juin 2019 ;
- l'un des membres de la commission départementale d'aménagement foncier est propriétaire et exploitant sur la commune de Boësses ; le principe d'impartialité a été méconnu ;
- les décisions litigieuses méconnaissent l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime dès lors que leurs conditions d'exploitation sont aggravées par le remembrement ;
* contrairement aux parcelles qui leur ont été attribuées, les parcelles qu'ils ont apportées sont toutes de forme rectangulaire ou carrée ;
* sur l'îlot A, la parcelle attribuée au sud comporte de nombreuses pointes, deux bois et des chemins, rendant difficile les manœuvres avec tracteur ; au nord, le refus injustifié de réaligner les parcelles YC 42 et YC 45, alors que la nouvelle configuration rend difficile l'irrigation, est illégal ;
* sur l'îlot B, ils sont privés du système d'irrigation enterré qu'ils ont installé et ne pourront pas intervenir sur les installations en cas de besoin ;
* sur l'îlot C, la modification de la parcelle attribuée est souhaitable, afin d'empêcher une servitude et de leur permettre d'accéder aux tuyaux et à la boîte de dérivation de leur système d'irrigation ; leur demande ne nécessite pas de modifier le tracé du chemin rural ;
* sur l'îlot D, leur demande de conserver la parcelle ZW 7, supportant une canalisation et une vanne de secteur qu'ils ont installées, est nécessaire pour faciliter l'irrigation de leurs parcelles attribuées ;
- de manière générale, ils sont privés de toute maîtrise sur le réseau d'irrigation qu'ils ont installé, qui leur est nécessaire et qu'ils ont financé, sans aucun projet de travaux connexes prévus, ni indemnisation ;
- les décisions litigieuses méconnaissent les dispositions du 5° de l'article L. 123-3 du code rural et de la pêche maritime dès lors que devaient leur être réattribués les terres portant leur système d'irrigation, qui constitue un immeuble à utilisation spéciale au sens de ces dispositions ;
- le mémoire en défense du 24 avril 2023 est irrecevable, en l'absence de délégation autorisant le nouveau président du conseil départemental à ester en justice.
Par des mémoires en défense enregistrés le 24 avril 2023 et le 22 avril 2024, le département du Loiret, représenté par Me Martin de La Espada, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit solidairement mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les requérants n'ont pas d'intérêt à agir contre les décisions litigieuses en tant qu'elles concernent des parcelles dont ils ne sont pas propriétaires, mais seulement exploitants ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Liogier,
- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,
- et les observations de Me Wautier, substituant Me Mandeville, représentant les requérants et de Me Martin de la Espada, représentant le département du Loiret.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'une opération d'aménagement foncier agricole forestier et environnemental engagée sur un périmètre de neuf communes du département du Loiret, la commission intercommunale d'aménagement foncier (CIAF) de Boësses a adopté, le 19 avril 2018, un projet de redistribution parcellaire ainsi qu'un programme des travaux connexes qui ont alors été soumis à une enquête publique qui s'est déroulée du 15 novembre 2018 au 17 décembre 2018. Le 7 février 2019, la CIAF a rejeté les réclamations déposées par M. B... E... et par l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Ferme du Nord, qui portaient à la fois sur des terres dont ils étaient propriétaires et d'autres qu'ils exploitaient seulement. Ces derniers ont saisi la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) du Loiret de plusieurs réclamations qui ont été partiellement rejetées par une décision du 24 juin 2019. M. B... E... et M. C... E..., seuls anciens associés de l'EARL Ferme du Nord radiée le 14 octobre 2022, font appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 2 juin 2022 rejetant leur demande tendant à l'annulation de la décision du 24 juin 2019 de la CDAF rejetant partiellement leur recours à l'encontre de la décision du 7 février 2019 de la CIAF.
Sur les écritures du département du Loiret :
2. Aux termes de l'article L. 3221-10-1 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil départemental intente les actions au nom du département en vertu de la décision du conseil départemental et il peut, sur l'avis conforme de la commission permanente, défendre à toute action intentée contre le département. Il peut, par délégation du conseil départemental, être chargé pour la durée de son mandat d'intenter au nom du département les actions en justice ou de défendre le département dans les actions intentées contre lui, dans les cas définis par le conseil départemental. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 1er juillet 2021, le conseil départemental du Loiret a donné délégation à son président, pour toute la durée de son mandat, afin de défendre le département dans les actions de toute nature intentées contre lui. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les écritures du département, représenté par son président, sont irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. En premier lieu, aux terme de l'article L. 123-4-2 du code rural et de la pêche maritime : " Le projet de nouveau parcellaire et de programme de travaux connexes de l'aménagement foncier agricole et forestier établi par la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier est soumis par le président du conseil général à une enquête publique organisée dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R.123-9 du même code : " Le projet ainsi établi est soumis par le président du conseil départemental à une enquête publique organisée conformément aux articles L. 123-4 et suivants du code de l'environnement, aux articles R. 123-7 à R. 123-23 du code de l'environnement et aux articles R. 123-10 à R. 123-12 du présent code (...) ". Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ". Il résulte de ces dispositions que, si elles n'imposent pas au commissaire enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.
5. Les requérants soutiennent que le rapport d'enquête publique ne contient aucune analyse personnelle et motivée du commissaire enquêteur, qui n'a pas procédé à une analyse des observations recueillies. Toutefois, d'une part, il ressort des conclusions de ce rapport que, pour émettre un avis favorable, le commissaire enquêteur, après avoir rappelé les étapes du projet et détaillé le déroulé de l'enquête publique, a livré son analyse du projet en relevant notamment que " l'opération d'aménagement remplit, selon les souhaits des propriétaires et exploitants, les objectifs définis par la loi, qui visent à améliorer les conditions d'exploitation, assurer la mise en valeur du patrimoine naturel et contribuer à l'aménagement du patrimoine communal ", que " les caractéristiques de l'opération sont de nature à améliorer nettement les conditions d'exploitation ", que " le projet vise également à rapprocher les parcelles des sièges d'exploitation, ce qui tend à réduire les temps de parcours ainsi que les déplacements d'engins agricoles, améliorant ainsi les conditions d'exploitation, les conditions de travail, et la réduction de la consommation énergétique, (...) ", que le projet est conforme aux prescriptions de l'arrêté du 2 octobre 2014 sur l'environnement et, enfin que " les personnes opposées au projet sont peu nombreuses comparé à l'ensemble des propriétaires et exploitants concernés ". Ce faisant, le commissaire enquêteur a suffisamment motivé son analyse personnelle du projet soumis à enquête publique. D'autre part, il ressort de ce rapport que le commissaire enquêteur a listé les observations recueillies auprès du public par origine et les a catégorisées, selon qu'elles concernaient, par exemple, une demande de modification du projet ou des travaux connexes. Contrairement à ce que les requérants soutiennent, le commissaire enquêteur, qui n'était pas tenu de répondre de manière exhaustive à l'ensemble de ces observations, ne s'est pas borné à renvoyer à la commission intercommunale d'aménagement foncier pour examen. Il a estimé, s'agissant des travaux à exécuter dans le cadre de l'opération, dont il précise qu'ils ont surtout pour objet de réparer des situations qui se sont dégradées avec le temps, que " la plupart des observations concernant des travaux connexes sont de bon sens et ne paraissent pas d'un coût supplémentaire particulièrement élevé au regard du bénéfice attendu ". En outre, le commissaire enquêteur n'a pas émis d'opposition ni en ce qui concerne les demandes de remise en place de bornes, dont il a toutefois souligné qu'elles " doivent être examinées au cas par cas pour permettre au géomètre de déterminer l'intérêt de ce type de travaux et la personne qui en définitive sera appelée au règlement " ni en ce qui concerne les demandes de modification du projet, dont il a précisé qu'elles avaient donné lieu à un nouvel examen des plans avec le géomètre et le pétitionnaire mais devraient être réexaminées par la commission. Le commissaire enquêteur a ainsi fait part de son analyse des observations des participants à l'enquête. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'enquête publique doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code rural et de la pêche maritime : " La commission départementale d'aménagement foncier est ainsi composée : 1° Un commissaire enquêteur désigné par le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la commission a son siège, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, président ; 2° Quatre conseillers départementaux et deux maires de communes rurales ; 3° Six personnes qualifiées désignées par le président du conseil départemental ; 4° Le président de la chambre d'agriculture ou son représentant désigné parmi les membres de la chambre d'agriculture ; 5° Les présidents ou leurs représentants de la fédération ou de l'union départementale des syndicats d'exploitants agricoles et de l'organisation syndicale départementale des jeunes exploitants agricoles les plus représentatives au niveau national ; 6° Les représentants des organisations syndicales d'exploitants agricoles représentatives au niveau départemental ; 7° Le président de la chambre départementale des notaires ou son représentant ; 8° Deux propriétaires bailleurs, deux propriétaires exploitants, deux exploitants preneurs, désignés par le président du conseil départemental , sur trois listes comprenant chacune six noms, établies par la chambre d'agriculture ; 9° Deux représentants d'associations agréées en matière de faune, de flore et de protection de la nature et des paysages désignés par le président du conseil départemental (...) ". Aux termes de l'article R. 121-10 du même code : " La commission départementale (...) délibère dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article R. 121-4 ". L'article R. 121-4 de ce code dispose que : " La commission (...) ne peut valablement délibérer que lorsque la moitié au moins de ses membres dont le président ou le président suppléant sont présents (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la réunion de la commission départementale d'aménagement foncier du 24 juin 2019 et de l'arrêté du 29 avril 2019 du président du conseil départemental arrêtant la composition de cette commission, qu'au moins la moitié des trente membres titulaires régulièrement nommés de cette commission, et son président, siégeaient lors de cette séance et que celle-ci a ainsi pu valablement délibérer, les absences du représentant de la chambre des notaires et de l'un des conseillers départementaux, dont la présence n'était pas obligatoire, étant sans incidence. Par suite, le moyen tiré de la composition irrégulière de la commission départementale d'aménagement foncier doit être écarté.
8. En troisième lieu, les requérants soutiennent que M. A... a, en tant que membre suppléant de la commission, participé à la réunion du 24 juin 2019 alors qu'il est propriétaire de 13,78 hectares à Boësses et, par ailleurs, exploitant de ces terres concernées par le remembrement. Toutefois, le département soutient que ni M. A..., ni l'EARL de la Butte dont il est le gérant ne sont intéressés par l'opération de remembrement litigieuse. En se bornant à soutenir qu'il est de " notoriété " que cette personne était concernée par l'opération, les requérants ne contredisent pas sérieusement les constats du département. Par suite, le moyen tiré de la partialité d'un membre de la commission départementale d'aménagement foncier ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'aménagement foncier agricole, forestier et environnemental, applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. / Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis. Il doit également avoir pour objet l'aménagement rural du périmètre dans lequel il est mis en œuvre et peut permettre, dans ce périmètre, une utilisation des parcelles à vocation naturelle, agricole ou forestière en vue de la préservation de l'environnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'aggravation des conditions d'exploitation s'apprécie non parcelle par parcelle mais pour l'ensemble d'un compte de propriété.
10. Il est constant que le compte de propriété n° 376 de M. B... E... a bénéficié d'une réduction du nombre de ses parcelles de 20 à 6 et a obtenu un surplus de 4,96 % en surface en perdant seulement 0,42 % en valeur. En outre, le compte de propriété n° 377 de M. C... E... a vu le nombre de ses parcelles divisé par deux, sa surface augmentée de 6,96% avec une perte de valeur limitée à 0,71 %. De plus, le compte de propriété n° 302 que les requérants détiennent en indivision a bénéficié d'une réduction du nombre de ses parcelles de 40 à 9 après l'opération et d'une augmentation de sa surface de 7,62 % pour une baisse en valeur limitée à 0,88 %. S'agissant de l'îlot A, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas du rapport d'expertise produit par les requérants, que la parcelle YC 22, dont, au demeurant, ils ne sont pas propriétaires, aurait une configuration rendant particulièrement difficile son exploitation, ainsi que les requérants le prétendent, alors que, d'une part, la parcelle reprend partiellement des terres qu'ils exploitaient déjà avant l'opération et que, d'autre part, c'est à leur initiative que la commission départementale d'aménagement foncier a décidé du tracé d'un chemin unique desservant les parcelles boisées contenues dans la parcelle YC 22. En ce qui concerne leur demande de réalignement des parcelles au nord de cet îlot, dont il est constant que les requérants ne possèdent pas la totalité des terres, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'irrigation de leurs cultures, si elle est moins praticable, soit pour autant rendue impossible par cette configuration et le département fait valoir, sans être contredit, que ce réalignement influencerait de manière significative les conditions d'exploitation des parcelles adjacentes, et notamment celles de M. D... au nord. Concernant l'îlot B, s'il est constant qu'une partie des tuyaux d'irrigation enterrés par les requérants dans cette zone ne desserviront plus des parcelles attribuées après l'opération, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'implantation d'un nouveau système, en direction des parcelles attribuées, ne serait pas possible, ainsi que le proposait d'ailleurs l'expertise produite par les requérants. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des parcelles apportées par les requérants ne bénéficiait pas d'un système d'irrigation, que certains tronçons de tuyaux passaient déjà sous des parcelles qui ne leur appartenaient pas et le département fait valoir, sans être sérieusement contredit, que la productivité des parcelles, calculée à partir de la " productivité résultante du sol ", ainsi qu'il ressort du procès-verbal de la commission intercommunale d'aménagement foncier du 3 février 2015, tient ainsi nécessairement compte de l'influence d'un éventuel système d'irrigation. Pour l'îlot C, les requérants demandent à décaler leur parcelle au nord pour accéder aux tuyaux d'irrigation et aux boîtes de dérivation, désormais situés sur le terrain attribué à un autre propriétaire. Or, il ressort des pièces du dossier que ces installations font l'objet d'une servitude, ce qui octroie aux requérants un accès à ces installations si nécessaire. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment de la simulation produite en annexe au mémoire en défense, que ce décalage nécessiterait, contrairement à ce que soutiennent les requérants, une modification du tracé du chemin rural, qui relève de la compétence exclusive de la commune concernée. Enfin, s'agissant de l'îlot D, si les requérants font valoir que l'attribution d'une parcelle à un autre exploitant, à l'ouest de la leur, les prive de l'accès à une vanne de secteur et à une canalisation qu'ils utilisaient pour l'irrigation, il ressort toutefois des pièces du dossier que seule la vanne, qui leur sera accessible du fait d'une servitude ainsi qu'il vient d'être dit, était installée au moment de l'opération et le département fait valoir, sans être contredit, que l'attribution de la parcelle à l'autre exploitant permet de le rapprocher de son centre d'exploitation. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, compte tenu en particulier de ce que les requérants bénéficient d'un regroupement important de parcelles, ils ne sont pas fondés à soutenir que la décision litigieuse aurait aggravé leurs conditions d'exploitation et qu'elle serait, de ce fait, illégale.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-8 du code rural et de la pêche maritime : " La commission communale d'aménagement foncier a qualité, dans le respect des équilibres naturels, pour décider à l'occasion des opérations et dans leur périmètre : / 1° L'établissement de tous chemins d'exploitation nécessaires pour desservir les parcelles ; / 2° Tous travaux affectant les particularités topographiques lorsque ces travaux présentent un caractère d'intérêt collectif pour l'exploitation du nouvel aménagement parcellaire dans le respect de ces particularités topographiques prévues par les exploitants agricoles en application des règles relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales ; / 3° Tous travaux d'amélioration foncière connexes à l'aménagement foncier agricole et forestier, tels que ceux qui sont nécessaires à la sauvegarde des équilibres naturels, à la protection des sols ou à la remise en bon état des continuités écologiques ; / 4° Les travaux d'aménagement hydraulique rendus indispensables au bon écoulement des eaux, en raison de l'exécution de travaux mentionnés au 3° ; / 5° L'exécution de tous travaux et la réalisation de tous ouvrages nécessaires à la protection des forêts ; / 6° L'exécution de travaux de nettoyage, remise en état, création et reconstitution d'éléments présentant un intérêt pour les continuités écologiques et les paysages tels que les haies, plantations d'alignement, talus, fossés et berges. La commission communale d'aménagement foncier identifie les emprises foncières correspondant à ces éléments. / L'assiette des ouvrages et des travaux mentionnés aux 1°, 3°, 4° et 5° est prélevée sans indemnité sur la totalité des terres à aménager ". Il résulte de ces dispositions que les travaux connexes au remembrement sont des travaux d'intérêt collectif dont l'objet est d'assurer, selon les cas, la desserte, l'amélioration des conditions foncières d'exploitation ou la sauvegarde des équilibres naturels du nouvel aménagement parcellaire issu des opérations de remembrement.
12. Les requérants se plaignent de ce qu'ils se retrouvent, du fait de l'opération de remembrement, privés de la majorité du réseau enterré d'irrigation qu'ils avaient installé, sans qu'aucun projet de travaux connexes n'ait été prévu. Toutefois, ainsi que le fait valoir le département et ainsi qu'il vient d'être dit, il ressort des pièces du dossier que toutes les parcelles apportées par les requérants ne bénéficiaient pas de ce système d'irrigation. En outre, les requérants bénéficient d'un regroupement important de leurs parcelles, facilitant l'installation d'un système d'irrigation. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que la perte de l'accès à ce système enterré d'irrigation, que les requérants ne chiffrent pas, entraînerait une aggravation des conditions d'exploitation de la propriété des requérants, les effets des opérations de remembrement devant s'apprécier pour l'ensemble des biens remembrés.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 123-3 du code rural et de la pêche maritime : " Doivent être réattribués à leurs propriétaires, sauf accord contraire, et ne subir que les modifications de limites indispensables à l'aménagement : (...) 5° De façon générale, les immeubles dont les propriétaires ne peuvent bénéficier de l'opération d'aménagement foncier agricole et forestier, en raison de l'utilisation spéciale desdits immeubles ".
14. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la parcelle supportant le forage du système d'irrigation des requérants leur a été attribuée, de sorte que leur demande sur ce point est sans objet. D'autre part, en l'absence de précisions, la seule existence de canalisations souterraines installées par les requérants afin d'irriguer certaines des parcelles qu'ils possédaient ou exploitaient avant l'opération ne suffit pas, dans les circonstances de l'espèce, à faire regarder ces parcelles comme des immeubles à utilisation spéciale au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la décision litigieuse au regard des dispositions de l'article L. 123- 23 précité doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... E... et M. C... E..., qui reconnaissent, en tout état de cause, que leur contestation inclut des parcelles dont ils sont seulement exploitants, et pour lesquelles un mandat des propriétaires ne peut suffire à leur donner intérêt à agir, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Sur les frais liés à l'instance :
16. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par les requérants au titre de ces dispositions. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants la somme que le département du Loiret demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... E... et M. C... E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département du Loiret présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à M. C... E... et au département du Loiret.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,
Mme Danielian, présidente assesseure,
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2025.
La rapporteure,
C. LiogierLa présidente,
L.Besson-Ledey
La greffière,
A.Audrain-Foulon
La République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N°22VE01927 2