Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 17 décembre 2020 par laquelle l'ordonnateur du groupement d'établissements (GRETA) de l'Essonne l'a affectée au poste de coordinatrice au siège du GRETA de l'Essonne à compter du 4 janvier 2021, d'annuler la décision du 18 juin 2021 par laquelle l'ordonnateur du GRETA de l'Essonne a rejeté sa demande indemnitaire préalable du 21 avril 2021, de condamner le GRETA de l'Essonne à lui verser une indemnité de 70 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la décision du 17 décembre 2020, de mettre à la charge du lycée Robert Doisneau de Corbeil-Essonnes (en sa qualité d'établissement support du GRETA de l'Essonne) une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les demandes reconventionnelles du lycée Robert Doisneau.
Par un jugement nos 2103269, 2106176 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Bursztein, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions des 17 décembre 2020 et 18 juin 2021 ;
3°) de condamner le lycée Robert Doisneau de Corbeil-Essonnes à lui verser la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge du lycée Robert Doisneau de Corbeil-Essonnes la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont qualifié à tort la décision du 17 décembre 2020 de mesure d'ordre intérieur alors qu'il a été porté atteinte à ses prérogatives et que cette décision présente un caractère discriminatoire ; le jugement rejetant sa demande comme irrecevable est ainsi entaché d'irrégularité ; la décision du 17 décembre 2020 est entachée d'un défaut de motivation ; elle méconnaît l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 dès lors qu'est garanti aux agents publics l'accès à leur dossier lorsqu'est envisagée à leur égard une mutation d'office ; elle lui impose une mutation tant géographique que fonctionnelle en l'absence de toute base légale ; elle constitue une discrimination fondée sur son état de santé ;
- le préjudice subi est constitué d'un syndrome anxiodépressif réactionnel ayant conduit à un arrêt de travail de plus de deux années ; elle a aussi subi des préjudices d'ordre financier, ne percevant plus que des indemnités journalières de la sécurité sociale ; enfin, elle a subi une perte de certaines de ses relations sociales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2025, l'ordonnateur du Greta de l'Essonne, ayant comme établissement support le lycée Robert Doisneau de Corbeil-Essonnes, représenté par Me Hazan, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée par le groupement d'établissements (GRETA) de l'Essonne en tant que vacataire du 28 novembre au 19 décembre 2008 puis sous contrats à durée déterminée à compter du 1er janvier 2009 pour exercer les fonctions de coordinatrice de site. Le 1er janvier 2014, elle a été engagée sous contrat à durée indéterminée en tant que coordinatrice référente, affectée sur le poste d'animatrice de l'atelier de pédagogie personnalisée du site d'Etampes. Par une décision du 17 décembre 2020, le proviseur du lycée Robert Doisneau de Corbeil-Essonnes, ordonnateur du GRETA de l'Essonne, l'a affectée au poste de coordinatrice au siège du GRETA de l'Essonne à Corbeil-Essonnes à compter du 4 janvier 2021. Mme A... a formé une requête indemnitaire à l'encontre de la décision du 17 décembre 2020, d'un montant de 70 000 euros, qui a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 18 juin 2021.Mme A... relève appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 17 décembre 2020 et 18 juin 2021, ainsi qu'à l'indemnisation des préjudices subis du fait de cette mutation.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.
3. Lorsqu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, c'est au défendeur qu'il incombe de produire tous les éléments permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de non-discrimination.
4. Mme A... soutient que les premiers juges ont entaché d'irrégularité le jugement contesté en rejetant à tort comme irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 17 décembre 2020, qualifiée par le tribunal de mesure d'ordre intérieur. Selon elle, sa nouvelle affectation à compter du 4 janvier 2021 ne comprenait qu'un nombre limité de tâches, au demeurant peu précises, par rapport aux nombreuses missions fixées dans la fiche de poste, annexée à son contrat de travail. Elle soutient par ailleurs qu'en la plaçant sous l'autorité du secrétaire général, elle a perdu en autonomie et en responsabilités et qu'enfin cette mesure aurait une portée discriminatoire, liée à son état de santé.
5. Il ressort des pièces du dossier que la fiche de poste annexée au contrat de travail de Mme A..., produite par l'administration, lui fixait des missions de recrutement des stagiaires, de participation à l'équipe pédagogique et de définition des plannings, de gestion de la logistique des actions de formation, de vérification des supports pédagogiques, de suivi des formations et des modalités d'évaluation. Les mêmes pièces révèlent également qu'elle assurait un rôle d'interlocutrice privilégiée des entreprises où les stagiaires étaient placés, d'interlocutrice des commanditaires extérieurs du GRETA, et qu'elle participait à la conception et à la réalisation de nouvelles actions en assurant la promotion du GRETA, de sorte qu'elle doit être regardée comme exerçant des fonctions de conception et d'encadrement alors que le courrier du 17 décembre 2020 limite ses fonctions à la gestion des dossiers de rémunération des stagiaires, des heures de stage, à la saisie des bilans des organismes de formations et lui confie le poste de référente du dispositif CléA, sous le pilotage d'un centre de formation continue, sans toutefois que la nature exacte de ses fonctions ne soit précisée par le GRETA. Ainsi, le périmètre des missions confiées à Mme A... ayant été sensiblement réduit, la requérante est fondée à soutenir que les premiers juges, en retenant que ce changement d'affectation présentait le caractère d'une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de recours, ont entaché le jugement attaqué d'une irrégularité. Dès lors, le jugement attaqué doit être annulé.
6. Il y a lieu par suite pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 17 décembre 2020 et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de la requête.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 17 décembre 2020 :
7. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, applicable aux agents non titulaires : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ". Un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause. Dans le cas où l'agent public fait l'objet d'un déplacement d'office, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s'il a été préalablement informé de l'intention de l'administration de le muter dans l'intérêt du service, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué.
8. La décision du 17 décembre 2020, ayant été prise au vu de l'état de santé de la requérante et de son impossibilité d'être présente sur site, doit être regardée comme prise en considération de sa personne. Or, Mme A... n'a été informée au plus tôt de la décision du GRETA que le 16 décembre 2020, soit la veille de son adoption, de sorte qu'elle doit être regardée comme n'ayant pas bénéficié d'une information en temps utile lui ayant permis de solliciter la communication de son dossier.
9. Par ailleurs, Mme A... soutient que le GRETA ne pouvait modifier son contrat de travail sans avoir recueilli son accord.
10. Aux termes de l'article 45-4 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " En cas de transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent contractuel recruté pour un besoin permanent, l'administration peut proposer la modification d'un élément substantiel du contrat de travail tel que la quotité de temps de travail de l'agent, ou un changement de son lieu de travail. Elle peut proposer dans les mêmes conditions une modification des fonctions de l'agent, sous réserve que celle-ci soit compatible avec la qualification professionnelle de l'agent. Lorsqu'une telle modification est envisagée, la proposition est adressée à l'agent par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que les fonctions de l'intéressée, prévues dans la fiche de poste en annexe de son contrat, ont été sensiblement réduites de sorte que cette modification substantielle, intervenue sans qu'ait été recueilli l'accord de Mme A..., est entachée d'illégalité.
12. Il résulte de ce qui précède que la décision du 17 décembre 2020 doit annulée.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de Mme A... :
13. Les deux illégalités affectant la décision du 17 décembre 2020 sont des fautes de nature à engager la responsabilité de l'administration.
14. Le vice tenant à l'absence de communication de son dossier en temps utile et l'illégalité portant sur la modification unilatérale de son contrat de travail ne présentent cependant pas de lien de causalité directe avec le préjudice financier tenant au placement en arrêt maladie pendant deux années de Mme A... pour syndrome anxiodépressif réactionnel. L'indemnisation demandée par Mme A... en réparation de son préjudice financier doit ainsi être rejetée. En revanche, ces fautes sont à l'origine d'un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation, au vu de l'état de santé de Mme A..., en fixant son indemnisation à hauteur de 4 000 euros.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'indemnisation de son préjudice moral.
Sur les frais du litige :
16. Mme A... n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par le GRETA de l'Essonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du lycée Robert Doisneau, en qualité d'établissement support du GRETA de l'Essonne, la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 2 février 2023 est annulé.
Article 2 : La décision du 17 décembre 2020 de l'ordonnateur du GRETA de l'Essonne est annulée.
Article 3 : Le lycée Robert Doisneau, en qualité d'établissement support du GRETA de l'Essonne, est condamné à payer une indemnité de 4 000 euros à Mme A....
Article 4 : Le lycée Robert Doisneau, en qualité d'établissement support du GRETA de l'Essonne, versera la somme de 2 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par le GRETA de l'Essonne sur ce fondement sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au lycée Robert Doisneau de Corbeil-Essonnes, en qualité d'établissement support du GRETA de l'Essonne. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Versailles.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président de chambre,
M. Pilven, président-assesseur,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
Le rapporteur,
J-E. PilvenLe président,
F. Etienvre
La greffière,
S. Diabouga
La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 23VE00649002