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15/05/2025 | FRANCE | N°23VE00163

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 3ème chambre, 15 mai 2025, 23VE00163


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles, par deux instances distinctes, de prononcer la décharge en droits, intérêts et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et, d'autre part, des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009.



Par un jugement n°s 2101770-2200140 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Vers

ailles, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles, par deux instances distinctes, de prononcer la décharge en droits, intérêts et pénalités, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et, d'autre part, des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009.

Par un jugement n°s 2101770-2200140 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Charpy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge en droits, intérêts et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, mises à sa charge au titre des années 2008 et 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens, ainsi que la somme de 9 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'apporte pas la preuve que la proposition de rectification du 14 décembre 2018 lui aurait été régulièrement notifiée, en l'absence de justification du dépôt d'un avis de mise en instance ;

- la proposition de rectification n'est pas motivée s'agissant de la prescription prévue par l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, l'administration ne précisant pas notamment quelle est la décision qui a clos l'instance au sens de ces dispositions ;

- l'administration ne peut se prévaloir du délai spécial de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle ne précise pas de manière certaine la date de la décision qui aurait pu clore l'instance ; les décisions produites en cours d'instance ne la mettent pas en cause nommément, tandis qu'il apparaît que l'administration a procédé à la consultation de la procédure judiciaire en cours d'instruction, seule susceptible de révéler les faits reprochés, laquelle a été clôturée le 10 octobre 2016 ; le délai de reprise expirait en conséquence au 31 décembre 2017 ;

- en vertu de ce qui précède, l'interruption de la prescription ne peut dès lors lui être opposée ; le délai d'action étant forclos, l'administration ne pouvait pas lui envoyer une proposition de rectification en décembre 2018 ;

- accessoirement l'administration qui pouvait par des mesures d'investigation avoir connaissance des omissions pour insuffisances déclaratives dès 2009, ne pouvait pas régulièrement mettre en œuvre l'exception au délai de prescription ;

- les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ne lui sont pas applicables car elle n'était pas résidente française mais résidente fiscale en Suisse en 2008 et 2009, où elle a fixé son domicile fiscal et son foyer et y perçoit sa source de revenus, en application des critères de l'article 4 B du code général des impôts ; elle justifie à ce titre d'une attestation d'hébergement, d'un contrat de travail signé et de fiches de paie où figure son adresse en Suisse ;

- la majoration de 25 % pour défaut d'adhésion à un centre de gestion agréé, prise en application de l'article 158-7 du code général des impôts, ne se justifie plus dans le contexte actuel et l'administration devait en faire une application mesurée ; le cumul de cette majoration avec celle relative aux manœuvres frauduleuses à hauteur de 80 %, conduit à une sanction disproportionnée ;

- dès lors que les redressements ne sont pas fondés les pénalités doivent être déchargées en conséquence ;

- subsidiairement, l'application de la pénalité de 80 % pour manœuvres frauduleuses est insuffisamment motivée en ce qui concerne l'élément intentionnel et l'élément matériel de l'infraction reprochée ;

- la majoration de 80 % est infondée ;

- elle est disproportionnée dès lors qu'elle s'applique sur une base majorée de 1,25 et conduit à appliquer une sanction sur une sanction ;

- le redressement au titre de 2008 est confiscatoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. de Miguel, rapporteur,

- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,

- et les observations de Me Charpy, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a fait l'objet au cours de l'année 2018 d'un contrôle sur pièces de son dossier fiscal au titre des années 2008 et 2009, à la suite de l'autorisation accordée par les autorités judiciaires pour consulter les pièces relatives à une procédure judiciaire portant le numéro de parquet P 11 203 9204/8, en application des dispositions des articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales. Au terme de ce contrôle, l'administration a considéré que le bénéfice de la société Soyta Limited, société offshore établie à Gibraltar et détenue entièrement par Mme A..., était imposable au nom de celle-ci dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre des années 2008 et 2009, sur le fondement des dispositions des articles 155 A et 92-1 du code général des impôts. Après avoir adressé à Mme A... une proposition de rectification le 14 décembre 2018, l'administration fiscale a émis deux rôles de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009 en mars 2019 pour un montant total de 97 349 euros. Les impositions correspondantes en matière de prélèvements sociaux au titre des années 2008 et 2009 ont été mises en recouvrement pour leur part en juillet 2019 et octobre 2020, pour un montant global de 36 171 euros. Mme A... a présenté des réclamations contentieuses, le 11 juillet 2019 en matière d'impôts sur le revenu et le 25 février 2021 en matière de prélèvements sociaux, rejetées par des décisions de l'administration respectivement les 7 janvier 2021 et 22 novembre 2021. Par un jugement du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté les demandes de Mme A... tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. La requérante relève appel de ce jugement.

Sur la résidence fiscale de la requérante :

2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". L'article 4 B du même code, dans sa version applicable au litige, dispose : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ". Aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. / II. Les règles prévues au I ci-dessus sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France. / III. La personne qui perçoit la rémunération des services est solidairement responsable, à hauteur de cette rémunération, des impositions dues par la personne qui les rend ".

3. L'administration fiscale a relevé, à la suite du droit de communication effectué auprès de l'autorité judiciaire, que, sur les années d'imposition litigieuses, Mme A..., unique propriétaire des titres de la société Soyta Limited basée à Gibraltar créée le 11 décembre 2007, et disposant de l'ensemble des pouvoirs d'administration de la société pour la période du 23 janvier 2008 au 17 mars 2010, avait ouvert, au nom de cette société, un compte bancaire en Lettonie sur lequel plusieurs virements de la société Specialist computer centres avaient été relevés entre le 26 février 2008 et le 4 mai 2009, pour un montant total de 145 140 euros, et rémunérant les prestations de consultant de Mme A.... Estimant que la société Soyta Limited n'avait vocation à exercer aucune activité économique autre que la perception des honoraires de Mme A... au titre de son activité de consultant, l'administration fiscale a décidé d'imposer les honoraires versés à la société entre les mains de Mme A... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement du I de l'article 155 A du code général des impôts.

4. Il résulte de l'instruction que, au titre des mêmes années 2008 et 2009, l'intéressée a souscrit en France des déclarations d'impôt sur le revenu auprès du service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud en indiquant être domiciliée à sa résidence actuelle sise 33 route de Versailles à Le Port-Marly. De plus, la requérante a porté à sa charge sa fille en 2008 avant de la rattacher à son foyer fiscal au titre des années 2009 à 2011. Il résulte également de plusieurs documents que l'administration a pu consulter dans le cadre de la procédure judiciaire que la France est désignée comme pays de résidence, notamment dans le contrat d'ouverture du compte de la société Soyat Limited, daté du 22 janvier 2008, et l'annexe relative à la désignation du titulaire de la carte bancaire, qui mentionne également l'adresse de Mme A... en France. En se bornant à produire une attestation d'hébergement, établie postérieurement à la vérification, qui ne précise pas si cet hébergement présentait un caractère continu ou occasionnel, et des fiches de paie sans indication du poste occupé et un courrier rédigé en anglais de la société Nissan International, certifiant le 4 février 2011 avoir employé Mme A... du 1er janvier 2009 au 30 novembre 2010 sans préciser ni le lieu ni les modalités d'exercice de l'activité de la contribuable au sein de la société, Mme A... ne remet pas en cause sa domiciliation fiscale en France. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ne lui étaient pas applicables faute d'être résidente fiscale en France.

Sur la prescription :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 188 C du même livre : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

En ce qui concerne la notification de la proposition de rectification :

6. Aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. ". En cas de contestation par le contribuable de la notification de cette proposition de rectification, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

7. Il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation du 14 janvier 2019 de l'administration postale et des mentions figurant sur l'accusé de réception, que le pli recommandé contenant la proposition de rectification du 14 décembre 2018 a été présenté en vain, une première fois le 19 décembre suivant à l'adresse communiquée par la requérante, puis une seconde fois le 20 décembre 2018, et a été mis en instance au bureau de poste de Port-Marly. Il a été ensuite retourné le 4 janvier 2019 à l'administration fiscale par les services postaux avec la mention " pli avisé et non réclamé ", soit au terme du délai de quinze jours de mise en instance. Dans ces conditions, compte tenu de ces éléments, un avis de mise en instance a été délivré à l'adresse de Mme A... l'informant du bureau de poste où retirer son pli et la proposition de rectification doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à Mme A... le 20 décembre 2018. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la proposition de rectification n'a pu interrompre la prescription prévue à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales à défaut de notification régulière avant le 31 décembre 2018.

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :

8. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend ni du bien-fondé de ces motifs, ni des précisions apportées par l'administration sur l'origine des documents sur lesquels elle s'est fondée pour prononcer les redressements envisagés.

9. D'une part, la proposition de rectification du 14 décembre 2018 adressée à Mme A... mentionne, s'agissant des rehaussements en litige, les impôts concernés, les années en cause, le montant des différents rehaussements envisagés et la catégorie dans laquelle ils sont opérés, leur provenance ainsi que leur fondement légal. D'autre part, elle indique les motifs pour lesquels l'administration a mis en œuvre l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales, et précise la teneur des renseignements qu'elle a recueillis, en application des articles L. 81, L. 82, L. 101 et R. 81-4 du livre des procédures fiscales, après consultation des pièces d'une procédure judiciaire portant le numéro de parquet P 11 203 9204/8 et concernant la société Soyta Limited. Ainsi, l'ensemble de ces indications a été de nature à permettre à la requérante de contester les rehaussements envisagés, sans qu'y fasse obstacle l'absence de mention de la décision ayant clos l'instance judiciaire en cause. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en raison d'une motivation insuffisante de la proposition de rectification concernant l'application des dispositions de l'article 188 C du livre des procédures fiscales, l'action de reprise de l'administration serait prescrite.

En ce qui concerne la prolongation du délai de reprise :

10. Pour contester la prolongation du délai de reprise, Mme A... soutient que les faits reprochés ont été révélés dans la phase d'instruction d'une instance judiciaire qui a été clôturée par une ordonnance de renvoi du juge d'instruction du 10 octobre 2016, de sorte que le délai ne courait que jusqu'au 31 décembre 2017, soit avant la notification de la proposition de rectification du 14 décembre 2018.

11. D'une part, il résulte toutefois de l'instruction, notamment des décisions produites devant les premiers juges en réponse aux mesures d'instruction, que la procédure judiciaire portant le numéro de parquet P 11 203 9204/8 a fait l'objet de deux jugements du tribunal correctionnel de Paris les 6 juillet et 19 octobre 2017, cette dernière décision correspondant à la date clôturant l'instance, l'ordonnance de renvoi dont se prévaut la requérante ayant seulement le caractère d'un acte de procédure faisant partie de l'instruction. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale aurait disposé d'éléments qui lui auraient permis de procéder aux rectifications litigieuses dans le délai normal de reprise. A ce titre, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de ses déclarations de revenus à néant, qui ont manifestement eu pour but de dissimuler l'existence de comptes bancaires et de transactions à l'étranger, ainsi que des revenus perçus à l'étranger via sa société écran immatriculée à Gibraltar. Dès lors, la proposition de rectification, qui a été valablement notifiée le 20 décembre 2018, soit avant la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance judiciaire, est intervenue dans le délai de reprise prévu à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales et a pu interrompre valablement les délais de prescription. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a mis en œuvre le délai spécial de reprise prévu à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales.

Sur la majoration de 25 % prévue par l'article 158-7 du code général des impôts :

12. Aux termes de l'article 158 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " (...) 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / 1° Aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréé (...) ".

13. En se bornant à relever que la majoration de 25 % prévue aux dispositions citées au point précédent ne se justifie plus dans le contexte actuel compte tenu des pratiques comptables des entreprises et que l'administration doit en faire une application mesurée, sans préciser en quoi sa situation pourrait conduire à écarter l'application de ces dispositions, Mme A... n'assortit pas son moyen des précisions nécessaires à l'appréciation de son bien-fondé. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur les pénalités :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ". Les pénalités pour manœuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander la décharge des impositions auxquelles elle a été assujettie. Par suite, elle n'est pas non plus fondée à demander la décharge, par voie de conséquence, des pénalités mises à sa charge.

16. En deuxième lieu, l'administration a suffisamment motivé l'application de la majoration en litige en relevant que la création d'une société offshore n'ayant aucune activité économique établie à Gibraltar où Mme A... ne réside pas mais dont elle est l'unique associée, l'ouverture d'un compte bancaire au nom de cette société en Lettonie, ainsi que le dépôt en France de déclarations de revenus ne faisant état d'aucun revenu, attestent de la volonté manifeste de l'intéressée de se soustraire à l'impôt en France en toute connaissance de cause. La matérialité de ces éléments n'étant pas sérieusement contestée par Mme A..., elle n'est pas davantage fondée à contester le bien-fondé des majorations en cause.

17. En troisième lieu, la majoration de 25 % prévue par les dispositions précitées du 7 de l'article 158 du code général des impôts ne constituant pas une sanction mais une majoration d'assiette, Mme A... ne peut utilement soutenir que l'application du coefficient prévu par ces dispositions avec la pénalité prévue au c des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts constituerait un cumul de sanctions et elle n'est pas fondée à soutenir que la sanction prononcée est disproportionnée.

18. En dernier lieu, Mme A... a été imposée conformément aux dispositions du code général des impôts, elle ne peut utilement faire valoir que le cumul des redressements et des pénalités a un caractère confiscatoire.

19. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à l'allocation de dépens non exposés dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Besson-Ledey, présidente,

M. de Miguel, premier conseiller,

Mme Liogier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

Le rapporteur,

F-X de MiguelLa présidente,

L. Besson-Ledey

La greffière,

T. Tollim

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE00163 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00163
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. François-Xavier de MIGUEL
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : SELARL ADDECIMA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;23ve00163 ?
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